Le cinéma québécois s'est fait un devoir de mémoire de faire un retour régulier sur son passé depuis sa « renaissance » publique il y a une quinzaine d'années. S'affranchissant de ces films de commande des premiers temps qui étaient adaptés de grandes histoires d'antan (Le Survenant, Aurore), on commence à voir poindre de véritables visions d'auteurs, de créateurs, qui utilisent leur art. Des réalisateurs qui utilisent leur renommée et leur style pour parler de moments importants de leur vie, donnant souvent dans l'autobiographique, en souhaitant (ou espérant) qu'une majorité de spectateurs y trouve son compte niveau nostalgie. Et 1981, l'année, est une période historique idéale pour l'humour de Ricardo Trogi.
En 1981, le jeune Ricardo Trogi a 11 ans. Alors qu'il vient d'emménager dans une nouvelle maison de Ste-Foy avec ses parents et sa soeur, Ricardo doit aussi intégrer une nouvelle école où la plupart de ses camarades vivent dans une famille riche. Il fait la connaissance de la belle Anne Tremblay, la meilleure élève de la classe. Afin de mieux s'intégrer au groupe, plus particulièrement à celui des K-Way rouges, Ricardo décide de devenir menteur.
Le jeune Jean-Carl Boucher, qui l'incarne à l'écran, relève efficacement un immense défi - il est de pratiquement toutes les scènes - et donne au petit Ricardo le charisme nécessaire pour qu'il soit un fier représentant de toute l'enfance. Les personnages qui l'entourent, de sa professeure compréhensive à sa mère dévouée, sont également assez riches, même s'ils ne servent qu'à faire avancer le récit. Certaines références anachroniques ne vont pas plus loin que leur petit « punch » mais sont fort bien trouvées, et Trogi insuffle au film tout son dynamisme et son sens de l'humour.
Un accroc se fait pourtant sentir dans la deuxième partie du film, alors qu'au ton bon enfant de la première partie on subtilise une ambiance plus sévère, plus grave, et toutes sortes de problèmes familiaux latents. On évite heureusement toute surenchère mélodramatique, mais c'est déjà fort éloigné de cette narration un peu naïve et anachronique qui était jusque-là si efficace. C'est d'ailleurs lorsque le narrateur, Trogi lui-même, se tait, que le film est moins « punché ».
1981 est un film fidèle au personnage incarné publiquement par Ricardo Trogi : volubile, vif et impudique. En faisant du petit Ricardo le personnage principal de son film, Trogi se dévoile un peu, toujours du bon côté - quelle malice peut avoir un enfant de 11 ans? - ce qui garde le film hors de toutes considérations sociales. Il s'agit simplement d'une belle petite histoire de famille, amusante et bien réalisée, qui n'a pas d'autre ambition que de divertir. Ce n'est pas mal, lorsque c'est bien fait, et c'est le cas ici.
Par rapport à Horloge biologique, voilà un film qui n'est pas moins drôle ou moins efficace. Les personnages y sont moins colorés parce que moins diversifiés et moins nombreux. Il faut d'ailleurs dire que 1981 est bien moins universel, dans ses thèmes autant que dans ses enjeux, et qu'il s'adresse à une tranche très précise de la population, qui y trouvera un plaisir nostalgique décuplé. Les plus jeunes n'en saisiront que l'humour, toujours juste et débonnaire, de Ricardo Trogi. Ce dernier n'a certes pas perdu la main, mais il se consacre ici à un projet plus léger et moins engageant. À moins d'avoir marié Anne Tremblay.