1917 fut la grande surprise des derniers Golden Globes. Contre toutes attentes, le nouveau long métrage de Sam Mendes (American Beauty) a été récompensé pour la qualité de sa réalisation tout en étant élu meilleur film dramatique, devançant des candidats beaucoup plus prestigieux tels Marriage Story, The Irishman et Joker. Après avoir vu la bête, on peut comprendre l'engouement.
Surtout qu'il s'agit d'une véritable machine cinématographique, à voir sur le plus grand écran possible. Un chaos de bruit, de saleté et de pourriture particulièrement immersif, comme pouvaient l'être récemment Uncut Gems et Aquarela. Le modèle en place est évidemment Dunkirk de Christopher Nolan, qui obligera le cinéphile à retenir son souffle plus souvent qu'autrement. Une façon de recréer la guerre dans ce qu'elle a de plus stressant, viscéral et implacable.
Pour y arriver, quoi de mieux que d'utiliser un seul et unique plan-séquence? Le procédé n'est pas nouveau, pensons au chef-d'oeuvre L'arche russe et au long métrage allemand Victoria. L'effort s'apparente plutôt à Birdman, alors que de nombreux faux raccords dissimulés dans le noir laissent l'impression que l'ensemble tient en un plan. Cela permet de mieux suivre la mission de nos deux soldats britanniques qui doivent parcourir le territoire ennemi allemand afin de délivrer un ordre de la plus haute importance afin d'éviter un massacre.
Sur un simple aspect technique, 1917 révèle donc du tour de force. Mendes (sans doute inspiré par le plan-séquence qui ouvrait son quelconque Spectre) et l'illustre directeur de la photographie Roger Deakins s'appliquent à peaufiner divinement, alternant les moments intimes de calme et ceux plus épiques d'horreur. Une des scènes les plus haletantes, où un avion fonce littéralement dans l'écran, ne peut que rappeler le mythique train des frères Lumière. Pour être bluffant, le résultat final l'est royalement.
Devant tant de prouesses, il est normal de s'incliner. Il ne faut toutefois pas laisser son jugement critique au vestiaire pour autant. Aussi impressionnante soit-elle, cette production finit par s'apparenter à un jeu vidéo gorgé d'effets spéciaux qui n'existe, ultimement, que pour en mettre plein la vue et les oreilles. Le script à saveur patriotique n'est pas le plus élaboré et les invraisemblances demeurent légion, avec ces héros qui semblent encore plus indestructibles que Leonardo DiCaprio dans The Revenant.
Difficile d'ailleurs de s'intéresser au sort des personnages unidimensionnels qui ne doivent surtout pas gâcher les artifices. Ce ne sont pas de véritables êtres humains : seulement des pions que l'on déplace de gauche à droite au gré du vent. Une quête d'humanité que l'on recherche, justement, jusqu'à la fin et en vain, ne prenant pas soudainement forme avec l'apparition d'un bébé attendrissant ou de la musique omniprésente de Thomas Newman qui devient rapidement poussive et manipulatrice.
Éclatant exercice de style, 1917 fait oublier sa vacuité en titillant constamment les sens, conférant à ce spectacle souvent grandiose un impact considérable. Un film de guerre semble être un prérequis à chaque grand cinéaste et si Mendes ne possède pas l'étoffe d'un Kubrick, d'un Malick, d'un Spielberg ou d'un Eastwood, il sait avec sa plus récente création laisser un impact physique indéniable chez le public.