Le cinéma québécois est ponctué de films introspectifs qui abordent le deuil. 14 jours 12 nuits le fait d'une façon plutôt originale, s'avérant généralement touchant malgré quelques débordements exaspérants.
Depuis que sa fille adoptive est décédée, Isabelle (Anne Dorval) n'en mène pas large. Elle décide de partir à la découverte du Vietnam, le pays d'origine de son enfant, où sa route finit par croiser celle de Thuy (Leanna Chea), la mère biologique. Une amitié naît de cette rencontre, sauf que tôt ou tard, la vérité devra éclater.
Ce scénario personnel de Marie Vien (La passion d'Augustine) qui reprend le schéma du road-movie navigue allègrement entre l'intime et le politique, traitant de pardon, de réconciliation et de rédemption entre deux femmes, mais également entre deux pays. Face aux envahisseurs qui ont détruit périodiquement la région en condamnant son futur, le Vietnam continue à se dresser debout, fier et imperturbable.
Le récit délicat se construit ainsi à leur image, en débutant auprès d'Isabelle qui transmettra à mi-chemin le flambeau à Thuy. Un dispositif narratif qui force le respect, constamment alimenté par le feu intérieur qui brûle ses deux solides interprètes. Anne Doval campe à nouveau une mère au bord de la crise de nerfs (ombre de Xavier Dolan, sort de ce corps!), qui s'embrase cette fois dans la retenue et les non-dits. À ses côtés se dresse l'excellente Leanna Chea qui s'avère rien de moins qu'une révélation. Lors d'une longue et importante scène de confession en un seul plan, la seconde finit même par prendre le dessus sur la première par la justesse de son ton.
Quatre années après son peu convaincant Chasse-galerie: La légende, Jean-Philippe Duval retourne à un cinéma de qualité, sans toutefois retrouver la grâce de ses premiers opus (La vie a du charme, Matroni et moi, Dédé à travers les brumes). Sa mise en scène parsemée d'ellipses - afin de mieux saisir l'état de confusion de son héroïne - ne manque pas d'élégance, alors que son travail sur la photographie (magnifique d'Yves Bélanger) évite ultimement les cartes postales d'usage en jouant de contrastes élémentaires entre le froid glacial du Québec et la chaleur réconfortante d'Hanoï. Cela permet d'instaurer un rythme qui sait être lent et contemplatif aux bons moments, utilisant le temps dans sa durée salvatrice.
Là où le bât blesse sérieusement est dans l'utilisation de la musique. La partition de Bertrand Chénier, au demeurant de très belle tenue, agace par son omniprésence, venant souligner et même surligner chaque sentiment, chaque émotion. Ne pas faire confiance à son matériel déjà riche et émouvant relève presque du crime. Au moins, une chanson tardive de la regrettée Lhasa apporte une mélancolie certaine entre l'histoire et la vie, cette tristesse où le destin peut sceller à jamais n'importe quelle existence.
Non sans lourdeur, 14 jours 12 nuits demeure une oeuvre respectable, dont la forte densité dramatique est plombée par quelques excès. Il s'agit pourtant d'une belle occasion d'échapper aux rigueurs de l'hiver et de se laisser dériver sur les traces d'une nation qui cicatrise toujours les plaies de son passé.