Avec un titre que je n’arrive jamais à prononcer convenablement et/ou dans le bon ordre, le premier long métrage de fiction de Yanie Dupont-Hébert, 1+1+1 la vie, l’amour, le chaos, nous est présenté comme une « dramédie contemporaine décalée ». Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
Librement inspiré du Roman de l’été de Grégory Lemay, ce film raconte l’histoire d’amour d’une famille reconstituée apprenant à vivre ensemble et à s’aimer. Dans le roman paru aux éditions LEMEAC en 2007, les personnages profitent d’un chalet, d’un lac et du bonheur de l’été. Dans le film, c’est l’hiver et le chauffage du chalet n’est pas très efficace. Il en va malheureusement de même pour l’adaptation cinématographique.
Dès les premières minutes, on découvre Pat (Noémie Yelle), autrice aussi exubérante que mélancolique, étendue sur le sol de son appartement bordélique. Elle fixe le plafond, découragée d’elle-même, victime du syndrome de la page blanche. Une voix intérieure, intrusive et peu fiable, l’entraîne vers l’autosabotage. Cette narration – souvent malaisante – se poursuivra tout au long du récit.
Pat devra apprendre à se regarder en face et à se pardonner si elle veut sauver sa relation avec Jan (Victor Andres Trelles Turgeon), son amoureux musicien en pleine crise identitaire. Elle devra aussi préserver le lien fragile avec sa fille Flavie (Irlande Côté), une adolescente dont le meilleur ami est un chien de soutien émotionnel en peluche nommé Jésus. Pour Pat, ce séjour hivernal dans le chalet de son enfance est l’ultime chance de recoller les pots cassés avec les siens.
Il y a de belles idées dans le scénario, mais comme c’est souvent le cas avec un premier long métrage, on tente d’en faire trop. Les scènes se succèdent avec des variations de style abruptes. D’où le « dramédie contemporaine décalée », peut-être? Par moments, les personnages semblent évoluer dans une comédie à sketches (on pourra se reparler de la scène à l’épicerie), puis l’instant d’après, un fantôme hante le chalet. Ajoutez à cela un voisin louche et des péripéties exagérées, et la somme de 1+1+1 devient un mélange d’ennui, de questionnement et de malaise.
Malgré tout – étonnamment – les comédiens s’en tirent bien. Noémie Yelle (Aurore et plus récemment les publicités de BMO), Victor Andres Trelles Turgeon (Jouliks, Nulle trace, Le torrent), et Irlande Côté (Une Colonie) livrent des performances solides. Mention spéciale à Dany Lefebvre (Niagara), excellent dans le rôle du voisin dépendant aux jeux vidéo. Son personnage, aussi étrange qu’improbable, finit par devenir attachant tant il frôle le surréalisme.
Au final, 1+1+1 la vie, l’amour, le chaos est une œuvre ambitieuse, mais éclatée. Entre la comédie absurde, le drame psychologique et le fantastique, le film peine à trouver son équilibre. On en ressort un peu perdu, avec l’impression d’avoir assisté à un collage d’idées plutôt qu’à un récit abouti. Il reste néanmoins une sincérité dans la proposition, portée par des interprètes investis. Peut-être qu’avec un peu plus de cohérence, la somme des parties aurait donné un tout plus convaincant.