Un drame biographique du genre de Race se doit d'abord d'être inspirant et porteur d'un message d'espoir et de liberté afin d'être considéré comme une réussite. Ses qualités techniques n'ont pas la même importance que son influence positive et son mandat politique et social. Parce que Race possède définitivement cette flamme, cette intensité qui nous propulse au bout de notre siège et nous amène à encourager le héros à repousser ses propres limites et à se défaire de ses chaînes. Mais, le film applique une recette - une recette bien apprise et savoureuse -, mais une recette quand même.
Tourné en partie à Montréal, le film brosse le portrait de Jesse Owens, un jeune athlète de l'Ohio qui a impressionné aux Jeux olympiques de Berlin en 1936. À l'aube de la Seconde Guerre mondiale, le long métrage dépeint le conflit moral des Américains, qui ont failli se dissocier des Jeux pour démontrer leur soutien envers les Juifs, et celui d'un jeune Noir qui veut à la fois défendre son titre de champion du monde, et prouver à tous la valeur des gens de couleurs, considérés comme inférieurs aux États-Unis à l'époque.
La dichotomie entre le patriotisme des Américains qui sont fiers de voir l'un des leurs accéder au podium et leur mépris des minorités visibles est habilement dépeint dans le film, tout comme la dictature allemande qui refusait de voir concourir des Juifs lors de leurs Jeux. Même si le spectateur ne connaît pas les circonstances historiques entourant les Jeux de 1936 à Berlin, il comprendra les problèmes moraux et politiques des différentes instances. Le scénario possède cette qualité de bien schématiser les faits, sans tomber dans le documentaire, et de raconter une histoire touchante, sans verser vers le mélodrame. On s'attache à Jesse, et notre sentiment n'est pas influencé par aucune pitié mal placée.
Peut-être que nos émotions sont, par moment, encouragées (voire contaminées) par une trame sonore trop partiale, mais l'histoire n'en est pas moins pertinente et habilement détaillée. La justesse du montage doit aussi être prise en considération ici. Malgré quelques petites longueurs ici et là, le film ne s'enfarge pas dans les fleurs - bleues - du tapis et se contente de raconter l'essentiel. Comme l'oeuvre s'intéresse autant à l'aspect politique que social, il peut se permettre quelques détours afin de mieux contextualiser son propos (par exemple cette visite du membre du comité olympique américain en Allemagne peut paraître superflue au départ, mais ne tarde pas à prouver sa nécessité).
L'acteur canadien Stephan James offre une brillante performance dans le rôle principal. Sensible et droit, il propose un portrait honnête d'un athlète important dans l'histoire des États-Unis. Jason Sudeikis, choisi généralement pour jouer le clown de service dans des comédies américaines quelconques, prouve ici qu'il peut jouer autre chose que le bouffon. Il interprète un entraîneur à la fois ferme et conciliant qui croit en sa nouvelle recrue plus qu'elle-même.
Race ne décoit pas. Il offre exactement ce à quoi vous vous attendiez : un film touchant, empoignant, qui vous propulsera rapidement au-devant de votre siège à encourager le héros, et vous apportera, en fin de course, cette sensation de réconfort qui accompagne généralement ce type de production. Une course enlevante, mais dont on connaissait déjà l'issue.