Il y a définitivement un buzz important entourant la sortie de ce nouveau James Bond. L'emballement (exagéré, je vous le dis d'emblée) des critiques européennes et les commentaires enthousiastes des cinéphiles ont largement contribué aux échos positifs face à ce vingt-troisième chapitre. Skyfall n'est pas le meilleur film de la longue franchise, mais pas le moins bon non plus. Si on force la comparaison avec les deux autres productions mettant en scène ce James Bond (Daniel Craig), on pourrait affirmer que Skyfall est de loin meilleur à Quantum of Solace (de toute façon, l'un des pires de la série) et légèrement moins incisif que Casino Royale.
Casino Royale souffrait, par contre, d'une trame narrative plus ou moins homogène qui nous laissait croire à plusieurs films joints l'un à l'autre - le premier se déroulant à Madagascar et Miami, le second au Monténégro et le dernier à Venise -. Skyfall, en revanche, résiste à ce découpage, fréquent dans les oeuvres de plus de deux heures, qui morcèle le récit et l'attention du spectateur. Le scénario du nouveau James Bond de Sam Mendes se révèle assez harmonieux, même audacieux dans ses thématiques ainsi que d'une efficacité et d'une intensité dramatique non négligeable. En plus de mettre en doute les capacités physiques et psychologiques d'un James Bond vieillissant, on conteste les manières archaïques de procéder du MI6 et prétend qu'internet et les nouvelles technologies ont changé le rôle de l'agent secret conventionnel. On plonge donc 007 dans le XXIe siècle avec une ferveur à peine muselée par la question : on fait quoi si on constate que James Bond est trop vieux?
La séquence d'ouverture, qui montre généralement l'agent britannique dans une course contre la montre, à la poursuite d'un criminel toujours fort habile en combats extrêmes, renferme quelques idées intéressantes, notamment celle de la pelle mécanique sur un train de marchandises, mais n'est pas aussi fiévreuse qu'on aurait pu l'espérer.
Javier Bardem et son personnage d'ancien agent du MI6 qui se retourne contre M après que - plusieurs années auparavant - la femme l'ait vendu à l'ennemi contre la vie de plusieurs autres commissaires, s'avère l'une des belles surprises de la production. Le vilain psychopathe de ce vingt-troisième chapitre rappelle beaucoup le Joker de Heath Ledger, peut-être pas aussi mémorable que l'interprétation du terroriste défiguré de The Dark Knight mais, ses cheveux blonds peignés vers l'arrière, sa manière de se déplacer, la folie dans le regard et certains plans clés (notamment lorsqu'il marche en sens contraire d'un manoir en feu) commémorent l'arrogance et l'aliénation du Joker. Daniel Craig, même s'il ne fait pas l'unanimité auprès des fans, livre une performance honnête et assurée, digne de la légende qu'il incarne. Judi Dench est aussi d'un sérieux impeccable dans le rôle d'une M à qui l'on recommande fortement de se retirer après une erreur presque irrémissible.
Même si Skyfall n'est pas ce chef-d'oeuvre que nous promettaient les Européens, il reste un divertissement équilibré et un James Bond d'une grande éloquence narrative. Espérons seulement que ces nouvelles problématiques, spécialement celle entourant la décrépitude de l'agent secret, ne forceront pas James Bond à la retraite.