Depuis que Daniel Craig a enfilé le tuxedo de James Bond dans Casino Royale, la franchise est en quête de repères. Ce premier film de la nouvelle génération avait opéré un changement - nécessaire et profond - dans la définition même du personnage, en particulier au niveau de ses motivations. Le résultat était convaincant et exaltant. Puis, Quantum of Solace avait refroidi les ardeurs, même des plus grands amateurs du personnage; un film confus et anodin, sans inventivité, anonyme, en quelque sorte. Ce héros, ce n'est pas « n'importe qui », c'est James Bond. On poussera tous un soupir de soulagement de le voir aussi en forme dans Skyfall.
Ce qui ne revient pas nécessairement à parler du même chef-d'oeuvre que celui dont on parle dans les médias depuis la sortie du film en Angleterre il y a deux semaines. Skyfall est un film d'action de grande qualité, sur lequel le réalisateur Sam Mendes parvient à poser sa signature, qui propose une bonne quantité de scènes d'action fort habilement filmées et une ambiance plus fine que tous ces autres films d'action qui finissent par tous se ressembler. On ne s'y méprendra pas cette fois-ci, voilà un James Bond, avec toutes ses spécificités.
Or, au sujet des séquences d'action : après une introduction enlevante, une mission asiatique prenante et une course-poursuite épique dans Londres, la moins intéressante séquence d'action de Skyfall est sa conclusion, qui n'est pas à la hauteur des attentes créées par la construction dramatique du film. Cela laisse sur une impression plutôt mitigée. D'autant qu'il devient rapidement évident que le long métrage souhaite prendre une nouvelle tournure et étonner son spectateur avec un revirement dramatique téméraire... qui s'avère fort décevant lui aussi. Quand deux personnages ayant les mêmes qualifications cohabitent dans un film où les acteurs qui les incarnent ont une notoriété équivalente, il y en a souvent un des deux qui ne termine pas l'aventure...
Skyfall a quelques revirements intéressants, mais propose surtout une trame narrative digne d'intérêt, pleinement satisfaisante. Ce que Mendes ajoute, c'est une cohérence visuelle, un raffinement, qui correspond tout à fait à ce personnage et à cette série de films où l'action n'est pas tout. Depuis l'arrivée de Craig, cette fraîcheur retrouvée se traduit par un humour auto-référentiel s'adressant surtout aux connaisseurs de la série; ils seront ici choyés. Ce qui fait qu'on regarde passionnément ce film d'action avec le sourire aux lèvres.
Daniel Craig (qui semble avoir perdu beaucoup de volume musculaire), est efficace dans le rôle central, autant lors des combats que lors de séquences dialoguées. Or, la désacralisation de Bond a ses bons et ses mauvais côtés, et il paraît parfois un peu déraciné; appelons ça un flottement psychologique où le personnage semble être en processus d'être défini. Le méchant, incarné par Javier Bardem, s'avère fascinant, lors d'une séquence tout particulièrement, alors qu'on le rencontre sur son île désertée. Par la suite cependant, il sert surtout à faire avancer le récit et à mettre Bond en valeur. Pour les personnages secondaires, cela dépendra de leur développement dans les prochains chapitres...
Skyfall est un film d'action de qualité supérieure. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'un des meilleurs films de l'année - pas du tout - simplement que les responsables de la série ont visé juste et qu'ils ont bien cerné ce qui en faisait la qualité, de l'exotisme aux scènes d'action démesurées en passant par l'humour.