Présumé coupable, réalisé par Vincent Garenq, prend l'affiche ce vendredi au Québec. Le long métrage, qui met en vedette Philippe Torreton dans le rôle principal, celui d'Alain Marécaux, un Français victime d'une erreur judiciaire grave à Outreau entre 2001 et 2005.
Arrêté sur la base d'accusations d'enfants, dix-huit adultes de la ville d'Outreau sont arrêtés en novembre 2001 pour une affaire de pédophilie. Malgré les irrégularités de l'enquête et les nombreuses contradictions dans les témoignages, elles sont emprisonnées puis condamnées avant que la vérité soit faite sur les fausses accusations.
Le réalisateur Vincent Garenq connaissait, comme la majorité des Français, les grandes lignes de l'histoire de l'affaire d'Outreau, sans être au courant des détails. « La lecture du livre d'Alain Marécaux, m'a bouleversé, m'a surpris, m'a révolté surtout. J'étais tombé dessus presque par hasard, pas spécialement en m'intéressant à l'affaire d'Outreau, et j'ai trouvé ça très inattendu. Bien sûr, on avait une idée générale de l'affaire par les médias, mais les détails sont aussi fascinants. »
« Au-delà du fait divers de ces fausses accusations d'enfants, le vrai thème de l'affaire d'Outreau c'est l'impunité totale des magistrats quand ils se trompent. Ils ne sont jamais sanctionnés pour la conduite de leur instruction. S'ils travaillent mal, il n'y a pas de sanction. C'est un film sur la justice, sur une erreur judiciaire, donc forcément il y a un portrait de la magistrature qui ressort de cette histoire. Ce n'est pas un portrait flatteur du tout. »
Vous avez donc collaboré avec le principal intéressé pour le film. « J'ai passé beaucoup de temps avec lui, il a vu à toutes les étapes, il a participé à mon cheminement pour choisir l'acteur. »
Le cinéma est un moyen de faire connaître l'histoire à un plus grand nombre de gens. « C'est exactement ce que je disais à Alain Marécaux. Le livre a été vendu à trente ou quarante mille exemplaires, je lui ai dit qu'il fallait rajouter un zéro. C'est ce qu'on a fait. Pour moi, c'est une forme de témoignage, on n'avait pas le portrait singulier de cette histoire, de l'impact sur la famille de l'erreur judiciaire, on n'avait qu'un regard un peu global. »
Il y a un aspect décuplé à l'histoire parce qu'elle est tirée de la réalité, d'un drame qui s'est réellement passé. « Moi, c'est comme ça que je l'ai lu. De lire le livre, ce témoignage en sachant que ça s'est réellement passé, décuple l'émotion. De penser que... parce qu'on a l'habitude au cinéma de savoir que c'est du cinéma. C'est ce que j'aime de moins en moins d'ailleurs, de savoir que c'est un scénario, c'est une histoire inventée, de la fiction. Moi, comme réalisateur, maintenant, je préfère les films inspirés d'une histoire vraie que les histoires inventées. Quand je sais que ça a été inventé par le scénariste, il y a quelque chose qui moi, m'empêche d'apprécier complètement. »
Pourtant, il y a des bons et des méchants comme dans tous les films de fiction populaires. « Complètement. Il y a un méchant formidable dans ce film. Ce qui est intéressant c'est que le méchant, c'est le juge Burgaud, c'est donc une figure de justice, il a vraiment un côté « gendre idéal », c'est quelqu'un qui a une très belle image de lui - d'ailleurs, c'est là que ça coince avec Burgaud, c'est-à-dire qu'il continue à dire qu'il a une très bonne image de lui - ce méchant est intéressant parce qu'il est monsieur Tout-le-Monde qui est censé représenter la justice, mais qui soudain représente l'injustice. »
On ne peut bien sûr pas tout raconter, il faut faire des choix. « C'est une obligation dramaturgique; si on se mettait à raconter tout, le spectateur s'ennuierait. On doit travailler au fil du scénario et du tournage, et ce qui en ressort, c'est un film sur le juge Burgaud, donc sur les magistrats, sur un homme et les juges. Ce n'est pas un film de prison; il y a des scènes de prison, mais ce n'est pas un film sur ça. On traite d'un homme dans une instruction, où votre vie ne vous appartient plus, où elle devient une affaire publique. »
Comment avez-vous choisi l'acteur pour incarner le personnage principal? « Philippe Torreton a réussi à démontrer plus que les autres son désir de la faire. Il y a des acteurs qui aiment le scénario, l'histoire, mais ils hésitaient et finalement n'y allaient pas parce qu'ils avaient peur de maigrir, tout simplement. Ils sentaient que dans ce film-là, il y avait un sacrifice à faire. Il y a des acteurs qui sont prêts à faire ce sacrifice et d'autres qui n'ont pas besoin. Philippe avait vraiment envie de le faire, c'est lui qui l'a voulu. »
« À partir d'aujourd'hui, pour les gens, Alain Marécaux ce sera Philippe Torreton. Il a pris sa place. Et Alain Marécaux, depuis quelques mois, ne donne plus d'entrevues, il a décidé de passer à autre chose, de reprendre sa vie. »