La fin d'année est souvent le lieu de toutes les célébrations, mais aussi des bilans. Dans un exercice périlleux, qui peut être extrêmement frustrant, mais qui est aussi très satisfaisant parce qu'il permet de donner un peu de lumière à des films qui sont demeurés dans l'ombre toute l'année. Des films qui n'ont pas été assez vus, dont on n'a pas suffisamment parlé.
Les cinq plus grandes déceptions de l'année
Mais avant de lancer les fleurs, jetons le pot : au cinq plus grandes déceptions de l'année. Pas nécessairement les moins bons films mais ceux qui ont le moins comblé les nombreuses attentes qu'ils inspiraient. Un exercice éminemment subjectif, bien sûr, qui est influencé par la promotion et la publicité, mais qui est drôlement intéressant quand même.
5. American Gangster (Gangster américain) - Ridley Scott (Critique)
Probablement le moins mauvais film de cette liste; le plus récent de Ridley Scott souffre beaucoup de son contexte de création. Techniquement au point, le film n'est qu'une pâle copie du Parrain, oppose maladroitement le bien et le mal et n'est jamais très excitant ou nouveau. Washington et Crowe sont bons, mais pas autant qu'ils l'ont déjà été.
4. The Brave One (L'épreuve du courage) - Neil Jordan (Critique)
Moralement douteux et faisant appel aux plus bas instincts du public, le film trace très rapidement et facilement la ligne entre les bons et les méchants et se permet d'administrer lui-même la punition. Souvent exagéré, le film aborde mollement la morale si bien qu'on ne sait plus de quel côté il se place. La faiblesse de la symbolique nuit aussi à Jodie Foster, qui fait ce qu'elle peut.
3. Harry Potter and the Order of the Phoenix (Harry Potter et l'Ordre du Phénix) - David Yates (Critique)
Après un quatrième volet particulièrement réussi, Harry Potter devient un inaccessible petit sorcier presque agaçant. Avec sa manière didactique de montrer la vie des adolescents, les nombreux personnages ajoutés et la réalisation impersonnelle ne permettent pas de sauver la face aux interprètes caricaturaux. D'un ennui...
2. Love in the Time of Cholera (L'amour aux temps du choléra) - Mike Newell
Adapter un livre de Gabriel Garcia Marquez est un grand défi. Sa plume est ici trahie par le scénario quétaine, teinté de romantisme bas de gamme qui, le comble, s'étire inutilement. Les acteurs sont ridicules alors qu'ils vieillissent mal et que la langue utilisée (un anglais accentué) enrobe d'un autre faux-pas cette adaptation qui piquait pourtant la curiosité.
1. Hannibal Rising (Hannibal Lecter : Les origines du mal) - Peter Webber (Critique)
Un film qui avait tout pour lui : un réalisateur de talent en Peter Webber, un acteur en pleine ascension en Gaspard Ulliel et le méchant le plus excitant du cinéma, Hannibal Lecter. Transformé en bête criminel, il n'est pas à la hauteur. Les dialogues bêtes et le déroulement boiteux gâche un peu du mythe.
Les dix meilleurs films de l'année
Voici donc dix de ces incontournables de l'année.
10. The Bourne Ultimatum (La vengeance dans la peau) - Paul Greengrass (Critique)
Un blockbuster qui réconcilie. La critique et le public ont les moyens d'être pleinement satisfaits par cette aventure haute en couleur, sans temps morts, réalisée avec intelligence et un sens inné du danger par Paul Greengrass et interprétée par un Matt Damon en grande forme. Essoufflant dans tout ce que le mot a de bon, palpitant et vif d’esprit.
9. Persepolis - Marjane Satrapi
Visuellement impeccable, le ton et l’humour grinçant de ce long métrage en font l’un des plus réussis de l’année. Au-delà du simple réquisitoire pour la liberté, le film utilise ses personnages forts pour passer subtilement des messages plus humanistes que frustrés. La narration magique de Chiara Mastroianni ajoute beaucoup de charme aux nombreux euphémismes d’un film qui aborde tout, de l’amour à la mort, avec la même efficacité.
8. After the Wedding (Après la noce) - Susanne Bier
Un long métrage très dur à aborder. La puissance des plans de caméras de ce qu’il reste du « Dogme » sont brutaux, comme la lumière franche qui découpe autant les décors que les sentiments. Intenses sans être maniérés, les acteurs sont touchants, cruels presque, dans ce qui s’avère être un vrai vrai drame, sans mélo et sans comédie. Le scénario ingénieux accumule les bons coups pour raviver un intérêt qui ne décline même pas.
7. Juno (Juno) - Jason Reitman
Comédie inoubliable qui redéfinit le terme « comédie pour adolescents ». Rien à voir avec les vulgarités habituelles des comédies puériles, l’humour de ce film est circonstanciel mais tellement près de la réalité qu’il fonctionne à tout coup. La réalisation est bien rythmée, les dialogues justes et l’adorable Ellen Page est parfaite dans le rôle principal tandis que le scénario parle sans gêne mais avec beaucoup d’empathie de l’amour et de la vie. Un coup de cœur, une belle surprise. Le Little Miss Sunshine de 2007.
6. Le scaphandre et le papillon - Julian Schnabel
La caméra est la véritable vedette de ce film, qui tient lui aussi de l’exploit. D’abord, un sujet forcément embêtant : un homme paralysé ne s’exprime qu’avec sa paupière gauche. Puis, ce choix plus que téméraire : la vision subjective. Souvent immobile, souvent floue, l’image est passionnante dans le film de Schnabel, d’autant que sa vision du temps rend justice à l’histoire. Magnifique leçon d’impuissance.
5. Superbad (Supermalades) - Greg Mottola (Critique)
Un film d’excès; les vulgarités pleuvent et les insultes aussi pendant que les blagues audacieuses donnent un peu de profondeur à l’adolescence au cinéma. Pas seulement idiots et juste assez immatures, les personnages ont de vrais sentiments. L’insouciance du cinéma pour adolescents est remplacée par un certain réalisme qui donne une place crédible aux filles. Un film d’adolescents pas comme les autres, pas trop idiot et juste assez immature. Et tellement, tellement drôle.
4. Into the Wild (Vers l'inconnu)- Sean Penn
Un magnifique voyage intérieur qui donne l’impression d’avoir du vent dans les cheveux. Au gré de ses rencontres, Christopher McCandless prend des notes sur la vie que Sean Penn transmet à travers des images grandioses et des acteurs inspirés, dont la lumineuse Catherine Keener et le talentueux Emile Hirsch. Pas de sentimentalisme déplacé, pas de ton didactique, seulement de modestes, émouvantes et révélatrices rencontres. Et c’est seulement après coup qu’on se rend compte que le film dure 2h30...
3. Grindhouse (Grindhouse en programme double) - Robert Rodriguez et Quentin Tarantino (Critique)
Ce tour de force aborde (comme si c’était possible de nos jours) le cinéma d’une nouvelle manière. Une mise en abîme qui pousse à son paroxysme une compréhension unique de l’état de spectateur, un concept à la mode et tellement efficace ici. Planète terreur est probablement la comédie de l’année, pendant que le segment Tarantino, moins intéressant certes, ne nuit pas à l’ensemble et ne manque pas de bons moments isolés. Et voilà qui ajoute au mythe que le film paraisse désintégré sur DVD, en deux parties... Grindhouse était un événement cinématographique.
2. Atonement (Expiation) - Joe Wright
Long métrage lent, lourd, mais lumineux, il faut quelques minutes pour vraiment entrer dans l’univers du film de Joe Wright. Les émotions à fleur de peau arrivent à leur faîte leur d’un plan séquence céleste qui relève de l’exploit et dans cette finale touchante qui coupe le souffle. De surprise en surprise, les acteurs s’avèrent tous excellents, particulièrement James McAvoy en beau gosse qui ne semble pas sorti d’un magazine. Un film qui force une grande admiration.
1. No Country for Old Men (Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme) - Joel et Ethan Coen (Critique)
L’intelligence et l’humour tordu de ce film des frères Coen a été une véritable révélation après quelques années de vache maigre. Bourré de magnifiques euphémismes qui parviennent à mettre un peu de beauté et d’honneur dans ce monde de violence et de sang, le film est tout particulièrement engageant pour les sens et l’esprit. De l’émotion brute. Les images sont magnifiques, les acteurs aussi, en particulier Javier Bardem.
Quelques films se méritent aussi une mention spéciale : L'âge des ténèbres (Critique), le film de Denys Arcand injustement lapidé; The Tracey Fragments, la plus grande innovation au cinéma cette année mais que personne n'a vu; et Away From Her (Critique), un film canadien particulièrement réussi.