On dit partout que choisir et trier les films de l'année pour les classer est un excercice périlleux. Subjectif aussi, bien sûr - il ne pourrait en être autrement - pourtant, tout le monde se prête au jeu de bien bonne volonté et avec un plaisir coupable.
Mais comme il est encore plus agréable de trouver les plus décevants films de l'année, on s'est aussi prêté au jeu afin de commencer l'année purgé de nos rancunes et de nos déceptions.
Les cinq plus grandes déceptions de l'année
Il s'agit, encore une fois, de déterminer quels sont les films dont on attendait le plus et qui n'ont pas livré la marchandise. Un excercice d'autant plus ardu qu'on a souvent vite fait d'oublier tous ces films (au contraire de leur collègues de l'autre liste). Il ne s'agit pas de déterminer les plus mauvais films, mais les plus décevants. Il y est bien sûr beaucoup de promotion, et d'attentes, mais comme toutes les deux font partie du processus de diffusion...
5. Un dimanche à Kigali - Robert Favreau (Critique)
Toute la promotion de ce film était fondée sur l'horreur du génocide rwandais. Une horreur bien réelle, dont il faut effectivement parler, cela ne fait pas de doute, mais que le film néglige complètement pour devenir un film que romantique. Un film romantique moyen, bien joué certes, mais certainement pas aussi valeureux et conscient socialement qu'on a bien voulu nous le faire croire.
4. Cars - John Lasseter (Critique)
Pixar a redonné au cinéma d'animation pour enfants ses lettres de noblesse. Après les classiques immortels de Disney, le genre avait subit un important ralentissement, ce qui a permis aux Toy Story, Monters Inc. et autres, avec leur créativité débordante, de devenir de vrais classiques modernes. Peu de créativité ici, blagues prévisibles, histoire banale. Pas un mauvais film, simplement pas à la hauteur des productions précédentes de Pixar.
3. World Trade Center - Oliver Stone (Critique)
Le film d'Oliver Stone, cinéaste qu'on croyait subversif, devient rapidement un larmoyant mélodrame patriotique dont on aurait pu se passer. Certainement le plus mauvais film de la présente liste, le film enchaîne les clichés, le sentimentalisme élémentaire, les messages subliminaux, tout ça sous le couvert d'un prétendu "réalisme" qui en a trompé plus d'un. On aurait pu poser un regard nouveau sur une journée marquante, on a préféré remercier tout le monde et les féliciter pour leur bel effort.
2. Lady in the Water - M. Night Shyamalan (Critique)
Shyamalan a réalisé au cours des dernières années des films stimulants pour l'esprit et pour les sens. Des contes pour adultes parfois, des histoires surnaturelles d'autres fois, mais toujours des films sensibles et jouissifs. Celui-ci est pénible, long, et n'a pas la rigueur des précédents. Bourré d'incohérences dans sa propore fantaisie, le film est raconté maladroitement. Espérons qu'il ne s'agisse que d'une erreur de parcours.
1. The Fountain - Darren Aronofsky
Probablement "l'énergumène" le plus difficile à saisir du paysage cinématographique de cette année. On aurait tellement voulu l'apprécier, après l'immortel Requiem for a Dream et l'excellent Pi, on aurait voulu voir Aronofsky réussir, le voir nous manipuler comme il l'avait fait. Mais non, son film croule sous le symbolisme et semble se chercher dans l'espace intersidéral. Une oeuvre prétentieuse, qui croyait qu'elle avait l'humanité pour jouer dans les plates-bandes de 2001 : A Space Odyssey, mais qui s'est trompée cruellement. Et dire qu'on espère encore avoir manqué quelque chose, la clé d'un film qui aurait pu être tellement plus que ce qu'il est. Et qui aurait pu facilement se retrouver dans l'autre liste.
Les dix meilleurs films de l'année
10. Thank You for Smoking - Jason Reitman
Comédie satirique de grande qualité, Thank You for Smoking est un véritable plaisir. Audacieux, sarcastique, intelligent, le film de Jason Reitman (un premier) écorche le monde du lobbying. Intéressant à voir, comme une petite vengeance jouée habilement et avec grande intelligence.
9. V for Vendetta - James Mcteigue (Critique)
Dans le même ordre d'idées, celui du politiquement incorrect, le premier film de James McTeigue s'attaque, à la manière de 1984, au despostime et à la manipulation. Le personnage principal de V vibre d'une poésie surprenante. Bien filmé et bien joué, V for Vendetta est un film d'action différent qui, au-delà des scènes d'action, est un film intelligent. Un film avec du propos, sans néglier l'aspect divertissant du cinéma.
8. Borat - Larry Charles (Critique)
Critique vitriolique qui ne connaît pas la subtilité, Borat détonne dans le paysage cinématographique. Vulgaire, mysogine, anti-sémitique, le film a des défauts qui sont en fait des qualités : Borat est un miroir de sa société. L'humour est un prétexte, rien de plus, pour parler de choses sérieuses.
7. Babel - Alejandro González Iñárritu
Babel figure sur la plupart des rétrospectives de l'année, et avec raison. C'est un film humain, sur les difficultés de communication, réalisé efficacement et magnifiquement joué. Ça, tout le monde l'a bien vu. Justement, par son académisme, Babel manque d'humanité et n'est touchant que ponctuellement. Vibrant et intelligent quand même, il faut voir les incroyables performances d'acteur et quelques scènes d'anthologie.
6. Congorama - Philippe Falardeau (Critique)
Film d'une grande intelligence, le scénario de Falardeau est certainement parmis les mieux construits de la dernière année. Difficile de mettre le doigt sur ce qui plaît vraiment; est-ce la performance des acteurs, l'habile scénario qui évite les clichés culturels, ou la réalisation minutieuse? Probablement les trois à la fois.
5. La vie secrète des gens heureux - Stéphane Lapointe (Critique)
Une des plus belles surprises de l'année, le premier long-métrage de Stéphane Lapointe a quelque chose de spécial qui le distingue des autres productions québécoises de l'année. Peut-être l'humour postmoderne, peut-être la justesse des dialogues, peut-être la tragédie derrière la comédie, il y a dans ce film quelque chose d'unique, qui en fait une expérience sans pareil. À voir par curiosité, d'abord, puis à revoir par simple plaisir.
4. Little Miss Sunshine - Jonathan Dayton, Valerie Faris
Comédie savoureuse sur une famille dysfonctionelle que tout semble opposer. Par ses personnages savoureux, hors des clichés, et du même souffle ses interprétations dans le ton, entre la désillusion et l'espoir qu'on se refuse, le film est un moment de bonheur à partager avec amis et ennemis, parce que c'est justement ce dont il s'agit : il n'y a qu'un pas entre les deux.
3. The Departed - Martin Scorsese (Critique)
Après deux films moins efficaces, le retour de Martin Scorsese au monde criminel ne se fait pas sans artifices. Avec les prestations magistrales de sa trinité d'acteurs principaux et son expérience, Scorsese possède tous les éléments pour faire un film de grande qualité. Et il y parvient tout à fait. Scénario construit rigoureusement, réalisation experte et percutante, tout s'accorde pour créer un excellent film de gangster, et un des meilleurs de l'année. Deux heures de pur plaisir morbide.
2. Volver - Pedro Almodovar
Même si on le crie déjà sur tous les toits, il faut rendre à Almodovar ce qui lui appartient, son plus récent film est une magnifique chronique de vie, qui prend directement à l'estomac. Qui émeut, qui choque, qui surprend. Grâce au savoir faire du réalisateur et de la précision de ses dialogues, mais aussi grâce à la performance magistrale de Pénelope Cruz. Un film brillant et touchant, qui va directement à l'âme. À voir absolument.
1. Little Children - Todd Field
Dire que ce film est presque passé inaperçu. Véritable (et juste!) chronique de société, où le malaise a une place prépondérante à travers les tares de l'infidélité et des troubles sexuels, Kate Winslet et Patrick Wilson offrent deux performances magistrales. Ode aux aspirations perdues, Little Children s'avère une thérapie par la comparaison réalisée avec savoir-faire et précision. Field crée une ambiance comme on n'en avait pas vu depuis Kubrick. Un drame authentique, une histoire humaine, qui touche le coeur et l'âme en même temps.
Voilà pour les films qu'on a vus en 2006. D'autres sont attendus en janvier et seront éligibles à la prochaine course aux Oscars, comme Children of Men, dont on dit déjà beaucoup de bien, et Letters From Iwo Jima, de Clint Eastwood, qui a séduit plusieurs cercles de critiques des États-Unis. On verra, comme c'est toujours le cas avec le cinéma, mais on retiendra certainement de 2006 ses nombreuses déceptions.