Depuis que Sophie Dupuis a révélé toute son intensité dans Chien de garde, la carrière de Théodore Pellerin a explosé. D'abord chez nous (avec notamment Genèse et Souterrain), puis à l'étranger (Boy Erased, Never Rarely Sometimes Always), autant à la télévision que sur grand écran.
Théo (pour les intimes) est sans doute l'acteur québécois le plus important des cinq dernières années, et il prouve à nouveau son immense talent dans Solo, incarnant un artiste drag qui vivra des amours destructeurs.
Cinoche.com s'est entretenu avec le comédien...
Tu retrouves Sophie Dupuis pour Solo. C'est un peu elle qui t'a fait naître au cinéma. Comment c'est d'être l'acteur fétiche d'une cinéaste? Surtout qu'elle a écrit ce rôle spécialement pour toi...
Je le vois comme un grand privilège d'accompagner quelqu'un sur du long terme comme ça. Ça nous permet évidemment de développer un vrai dialogue et un vrai espace de créativité dans lequel on se sent assez libre. On se retrouve de façon ponctuelle. On évolue ensemble dans le travail, mais on grandit aussi chacun de notre bord. C'est un espace de travail qui est très singulier, car l'univers de Sophie est toujours très marqué. Les personnages qu'elles m'offrent sont très forts.
Qu'est-ce que tu penses du personnage que tu interprètes dans Solo? C'est quelqu'un de sensible qui veut vivre à fond ses amours qui se révèlent toxiques.
Je pense que c'est quelqu'un qui a peut-être des oeillères, qui a une certaine jeunesse, un côté un peu adolescent. Il est confiant dans ce qu'il fait. Il a des relations quand même assez fortes avec les gens qui l'entourent. Quand on annonce le retour de sa mère, c'est un élan de joie. Mais je ne pense pas qu'il réalise la place que prend l'absence de sa mère dans sa vie, l'impact et l'influence qu'elle a sur lui. C'est une femme de scène. Il y a un côté diva qu'on connaît aux chanteuses d'opéra et aux cantatrices, et je pense que ça fait partie de ce à quoi il s'identifie à travers sa drag. Je pense que ça lui prend le retour de sa mère et sa relation avec son nouvel amoureux pour vraiment se confronter à des relations qui le mettent en danger. Il n'est pas aimé de la façon qu'il devrait être aimé. En même temps, je pense que c'est un parcours nécessaire pour lui, pour se réaliser et pour grandir.
Avant de débuter le film, tu connaissais le milieu de la drag? Qu'est-ce que tu as découvert? Parce que ton personnage construit son identité avec les vêtements et les chorégraphies, ce qui implique un jeu physique de ta part.
Je connaissais un peu le milieu. C'est quelque chose qui m'intéressait depuis un moment. Mais je n'avais jamais fait de drag. Cela a vraiment été une découverte en profondeur pour la préparation du film. C'est un travail de recherche qui a commencé beaucoup par le corps, avec le chorégraphe. Il fallait développer notre propre féminité, développer notre propre sensualité. Il faut quand même déconstruire certains codes pour se permettre de se sentir valorisé à partir d'une version de notre féminité. Parce que les personnages, évidemment, déploient leur flamboyance à travers leur drag. Il faut apprendre à aimer être dans cet état-là. Cela a été un travail assez intéressant. Après, il y a eu un travail de recherche pour comprendre d'où ça vient, comprendre les icônes, les différents codes... On était entouré de gens qui pratiquent le drag. D'avoir leur présence, leur voix, leur humour, leur exubérance, leur poésie, ça fait partie de l'éducation.
Une scène du film Solo - Axia Films
De quelles façons sens-tu que le long métrage est politisé? Car on joue avec les notions de masculin et de féminin, la conception et la représentation de genres.
C'est sûr que les êtres queers, les gens qui jouent avec les codes du genre, que ce soit les trans, les drag queens et les drag kings, sont des êtres qui sont, malgré eux, très polarisants et très politisés. On le voit aux États-Unis, au Canada et même au Québec. Mais ce qui est intéressant dans le film, c'est qu'on n'est pas dans ce regard-là. On offre un espace aux personnages où ils ne sont pas confrontés à une problématique de leur identité. Ils sont et c'est tout. Je pense que c'est important de rentrer dans cet espace-là, parce que c'est un peu malgré eux qu'ils sont toujours politisés. C'est la société qui les politise. Ce sont des corps qui veulent juste exister, qui veulent juste vivre leur identité et leur réalité sans être confrontés à la haine, à la violence ou aux regards malveillants.
Comment se déroule ta carrière? Tu fais du cinéma et de la télévision, en français et en anglais, ici et ailleurs.
Je me sens très privilégié. C'est un bonheur pour moi de voyager avec le travail, de vivre ailleurs, de rencontrer des créateurs de cultures différentes, d'avoir la chance aussi d'explorer des personnages différents. Ce qui me rend très heureux dans le travail, ce sont les collaborations, les rencontres, de travailler avec des artistes que j'admire, qui m'impressionnent et qui me font entrer dans leur monde. Tant que je travaille sur des projets qui sont bien écrits, avec de bons acteurs, avec de bons réalisateurs, je suis assez épanoui.
Quels sont tes rêves de cinéma? Tu aimerais tourner avec des cinéastes en particulier?
Il y en a énormément. C'est sûr que j'aimerais beaucoup travailler avec Pawel Pawlikowski, avec Claire Denis et avec Joachim Trier.
Solo est présentement à l'affiche partout au Québec.