Nous nous sommes récemment entretenus avec la réalisatrice Geneviève Albert et l'actrice principale du film Noémie dit oui, Kelly Depeault.
Voici six choses à savoir sur ce film coup de poing sur la prostitution juvénile.
- La réalisatrice et scénariste nous explique d'abord pourquoi elle a choisi la prostitution comme sujet pour son premier long métrage de fiction.
« La prostitution, c'est une réalité qui me bouleverse depuis toujours, depuis que je suis adolescente. Je n'ai jamais compris la transaction qui consiste à acheter quelqu'un pour en disposer sexuellement à sa guise. C'est un sujet qui est tellement fort pour moi que ça s'est imposé comme thème. Je me sens bien impuissante par rapport à la place de la prostitution dans notre société et je pense faire un film pour moi c'était d'ajouter une pierre à l'édifice de mon engagement social par rapport à ça et de mon indignation. » - Geneviève Albert a fait beaucoup de recherches sur le sujet.
« Je ne viens pas du monde de la prostitution. Ce n'est pas mon histoire, ni celle de quelqu'un proche de moi, donc j'ai fait beaucoup de recherches. La moindre des choses, pour respecter le vécu des gens ayant passé par la prostitution, c'était de bien m'informer pour faire un film qui correspond à leur réalité. J'ai lu beaucoup, j'ai regardé plein de films qui abordaient la prostitution d'une façon ou d'une autre et, surtout, j'ai rencontré des filles adolescentes qui étaient escortes à l'époque. J'ai rencontré des survivantes de la prostitution aussi, des femmes plus âgées. Ça, c'est de la matière première fondamentale de mon long métrage. Je me suis nourrie de leur expérience, de leurs détails.
J'ai réussi aussi à rencontrer un pimp de 17 ans. Il m'a tout raconté son histoire. Lui, il s'était fait prendre donc il était en centre jeunesse. Ça m'a beaucoup aiguillé pour le personnage de Zach, amoureux/proxénète de Noémie [sur la photo ci-dessous]. Il lui ressemblait, c'était un gars charismatique, intelligent, ça allait à l'encontre de tous les préjugés que j'avais à l'égard des pimps. Je m'attendais à voir un gars un peu tata, mais ce n'était pas le cas. Je me suis dit : je comprends que les filles ne se méfient pas d'une personne comme ça. »
Contenu Partenaire
- La cinéaste a voulu ne pas trop montrer de scènes charnelles trop explicites.
« Je ne voulais pas qu'on reste à la surface, je voulais que le spectateur déboule dans la prostitution avec Noémie. Donc, j'ai mis beaucoup de clients. Je me suis beaucoup questionné sur la manière de filmer ça. Ç'a toujours été clair pour moi que je n'allais pas sexualiser les filles dans mon film. Je n'allais pas la filmer nue pour aucune raison, je n'allais pas montrer des actes de prostitution trop frontale non plus. Dans mon film, il y a beaucoup de clients, mais à peu près pas de nudité. Il y a une pudeur dans ma mise en scène parce que je ne trouvais pas ça nécessaire. Je ne voulais pas me tenir à l'opposé du spectre de la pornographie ou de la sexualisation de la prostitution. Finalement, j'ai construit ma mise en scène en tournant essentiellement ma caméra vers les clients. J'ai évité de mettre Noémie et le client dans le même cadre parce que, pour moi, la prostitution, ce n'est pas une relation, c'est un rapport de domination. » - L'actrice Kelly Depeault a demandé à toutes personnes présentes sur le plateau lors du tournage de ces scènes d'intimité de porter des oreilles de lapin.
« Elle, quand elle finissait la scène, elle avait sa gang de lapins qui lui rappelait qu'elle était sécure, que c'était un plateau et qu'on était là pour elle. On a tout mis en place pour que ça se passe le mieux possible », dit Geneviève Albert.
« Penser que ça se passait pour vrai en ce moment pendant que je faisais le film, moi je me suis sentie quand même un peu imposteur parce que je me disais que, moi, ce n'était pas vrai ce que je faisais et il y en a en ce moment qui vive ça, c'est fucked up, horrible. Ça me permettait que, quand on disait "couper", j'avais un visuel qui me faisait du bien, je n'avais pas besoin de parler ou de me changer les idées », indique la comédienne. - Kelly Depeault n'a pas accepté le rôle immédiatement lorsqu'on lui a soumis le scénario.
« J'ai hésité au premier abord à accepter parce que, dans le scénario, c'est décrit très spécifiquement. C'était bien décrit, très détaillé et ça m'inquiétait. Je suis allée prendre un café avec Geneviève et je lui ai dit que je ne ferais pas son film parce que son scénario, il m'a fait mal. J'ai vu une amie tout de suite après l'avoir lu et j'ai sursauté tout de suite après. Geneviève m'a expliqué sa vision, elle m'a dit que le corps de la femme ne serait pas objectifiée. À la fin du café, j'ai accepté de jouer dans son film. » - Noémie dit oui est classé 16 ans et +.
« J'aurais aimé que ce soit 13 ans et +, considérant que les jeunes femmes tombent dans la prostitution à 14-15 ans, ça aurait été bien qu'elles puissent le voir à un âge où elles sont des proies. Je comprends que c'est un film difficile, donc je comprends le 16 ans et +, mais il faut quand même dire qu'entre 13 et 16 ans, ils peuvent y aller avec un adulte. [...] Je pense que le 16 ans et + ne s'explique que par le fait qu'on voit deux pénis 3 secondes. Je trouve qu'il y a des affaires qui sont montrées à la télé qui sont plus dérangeantes que mon film », précise la réalisatrice.
Noémie dit oui prend l'affiche le vendredi 23 avril.