L'actrice Sandrine Bonnaire, qui a réalisé en 2007 un documentaire sur sa soeur, Elle s'appelle Sabine, réalise avec J'enrage de son absence sont premier long métrage de fiction. Présenté à Cinémania l'automne dernier, où nous l'avons rencontrée, le film a pris l'affiche en France le 31 octobre 2012 et a récolté 107 000 entrées.
William Hurt incarne Jacques, un Américain qui est de passage en France pour régler un héritage. Il retrouve son ancienne compagne, Mado, qu'il a quittée suite à la mort de leur fils il y a des années. Mado a refait sa vie avec un autre homme, et elle a même un enfant, Paul, qui a 7 ans. Lorsque Jacques fait sa rencontre, sa vie est bouleversée...
La longue expérience de plateau de Sandrine Bonnaire est bien sûr un avantage lorsque vient le temps de diriger d'autres comédiens. « Je pense que c'est un plus, quand même. Il y a une aisance à être sur un plateau, ça fait trente ans que je suis de l'autre côté, donc il y a une familiarité. Après, je pense que c'est un plus parce qu'on voit quand un acteur triche un tout petit peu... »
Est-ce que vous trouvez plus facilement les mots pour parler aux acteurs? « Alors ça, je ne sais pas. C'est vachement dur de donner des mots à des sentiments. De dire ce qu'il faut faire. Pour moi, le fait de jouer c'est beaucoup plus physique que mental. Le travail mental se fait, pour moi, avant le tournage. »
« Quand je sens un peu le travail, un peu la recherche de sur ce vers quoi on veut aller, c'est déjà raté. »
Est-ce semblable à votre méthode de travail comme réalisatrice? « Oui, j'ai beaucoup préparé avant, beaucoup discuté avec les acteurs, et après, ce que je voulais sur le plateau, c'est qu'ils soient dans l'action. Qu'ils ne soient plus en train de penser. Je ne voulais pas que la psychologie soit en avant de l'émotion. »
« C'est peut-être en lien avec le sujet; on parle d'absence donc, le chagrin se passe de mots et d'analyse. »
Il y a une notion de la durée, mais aussi d'attente, dans le jeu du personnage de Jacques, même s'il parle très peu. « C'est un jeu très minimaliste, et sur le corps. Il est dans le manque de cet enfant, il ne pense, ne vit qu'à travers cet enfant, donc, à partir du moment où ce sont des sentiments obsentionnels, il n'y a que le corps qui parle. »
Parfois la technique flanche et il faut recommencer... « C'est affreux ça. C'est arrivé sur le film, pendant la scène où William dit le titre, il a commencé à faire la scène des pleurs et là, plus de pellicule. J'ai été en colère, j'ai gueulé, j'étais très très énervée. »
Est-ce qu'un réalisateur ou une réalisatrice doit se fâcher pour avoir ce qu'il/elle veut? « Dans cette situation, oui, parce que là c'est simplement non-professionnel. Pour moi, c'est du non-respect pour l'acteur. C'est la seule fois où je me suis énervée, ça m'énerve quand les gens ne font pas bien leur travail... Il y a des metteurs en scène qui croient qu'il faut s'énerver pour avoir des émotions - c'était le cas de Pialat d'ailleurs - moi je pense qu'on peut faire autrement. »
« Je l'ai fait sur l'enfant, une fois. J'ai averti tout le monde que j'allais élever un peu la voix, pour que l'enfant réagisse. Et ça a marché. Mais ce n'est pas pareil parce que c'est un enfant, et pour les enfants, il y a des choses qui sont très très difficiles à jouer. On n'est pas acteur quand on est enfant, on est instinctif. »
Le film, distribué par Axia Films, prend l'affiche à Montréal ce vendredi.