Comptez sur Roy Dupuis pour jouer dans des films qui sortent des sentiers battus. Des ovnis signés André Forcier à Truffe, en passant par Dans le ventre du dragon, Screamers et Brain Freeze, l'acteur québécois est notre plus grand ambassadeur quand vient le temps d'explorer les genres les plus incroyables.
Dans Rumeurs (v.f. de Rumours) du cinéaste canadien Guy Maddin (qu'il a coréalisé avec Evan et Galen Johnson), il incarne le Premier ministre du Canada. Réuni avec ses homologues lors d'un congrès spécial du G7, il est témoin d'événements étranges, dont le réveil d'entités menaçantes. Mais que se passe-t-il donc dans cette forêt dont quiconque semble être incapable de s'extirper? Pour le savoir, il faudra découvrir ce film délirant d'une profonde originalité.
Cinoche.com a pu discuter avec le héros de cette oeuvre qui ne ressemble à rien d'autre.
Qu'est-ce qui vous a attiré vers Rumours? Car vous me confiiez par le passé que c'est de plus en plus difficile de trouver des projets intéressants.
En effet. C'est un projet intéressant, c'est sûr. C'est le genre de film qui me réveille. Pourquoi c'est le genre de scénario qui m'allume? Parce que c'est authentique, unique, audacieux. C'est un film qui nous amène là où nous sommes jamais allés. Ce que je préfère dans un scénario, c'est que je sois surpris par la manière de raconter, par l'histoire ou par le sujet. Là, c'est les trois.
Ce n'est pas la première fois que vous tournez sous la direction de Guy Maddin...
Non. Je connaissais son oeuvre. Il y a une dizaine d'années, j'avais travaillé trois jours avec lui sur un projet qui s'appelait The Forbidden Room. Il m'a donné les trois plus belles journées de tournage de ma vie. On tournait dans un petit studio à Montréal où les décors étaient en papier mâché. Je faisais semblant de marcher et les arbres bougeaient autour de moi. On commençait chaque journée de tournage par une séance de spiritisme pour se rapprocher de notre personnage. Évidemment, c'était une joke. Mais ça allait avec le concept, car on cherchait à ressusciter de vieux films perdus.
Il a donc pensé à vous pour Rumours.
Oui. Guy m'appelle et il me propose ce scénario-là. Je le lis et je l'aime vraiment. Mais je le rappelle et je lui dis que je ne peux pas le faire. Parce que ça faisait des années que je tournais dans une série télé sur la violence conjugale et que j'ai une overdose de scènes émotives et des personnages émotifs. Dans Rumours, mon personnage est émotif du début jusqu'à la fin! (rires) J'adore l'histoire, mais je ne me sens pas apte à porter le personnage. On se laisse là-dessus. Pendant quatre jours, le personnage continue à me tourner autour, à me hanter. Il devient de plus en plus présent, il m'achale de plus en plus. Finalement, je le rappelle en lui disant que s'il n'est pas trop tard, que je le ferais. Parce que je suis déjà en train de travailler dessus. Je suis très content d'avoir accepté.
Images du film Rumeurs
Vous incarnez le Premier ministre du Canada. Il y avait un désir de regarder l'approche de Justin Trudeau et de vous en inspirer? Car votre personnage ne va pas bien, il a des problèmes de couple et il ne pense pas se représenter aux prochaines élections...
Je n'ai jamais pensé à Justin Trudeau en le faisant ou à un quelconque premier ministre. Guy m'a envoyé des liens pour voir des films d'archives. J'ai vu plusieurs G7, plusieurs ministres du Canada. Tout ça, je l'ai utilisé pour le langage corporel, par exemple pour les poignées de main et des choses plus protocolaires. On le voit à peine dix minutes dans le film, au tout début. Après, j'ai juste joué le personnage comme il était écrit, avec ses problèmes. Je ne pense pas qu'à l'époque où le scénario a été écrit les problèmes conjugaux de Justin étaient publics.
Le film réunit plusieurs acteurs de registres différentes (Cate Blanchett, Alicia Vikander, Denis Ménochet...) autour d'un huis clos extérieur. Tout le monde joue avec beaucoup de sincérité, malgré toute l'absurdité et les choses incroyables qui surviennent. Trouver le ton juste ne devait pas être évident, car cela aurait pu être une grosse farce. On croît pourtant à ce qui arrive.
C'était clair dès le départ qu'on partait de la réalité. On affrontait les situations comme si elles étaient vraies. Donc l'absurde, le comique et le bizarre deviennent encore plus présents... Le scénario était très bien écrit. On s'approchait beaucoup de l'écriture théâtrale. Chaque mot avait sa place et ce n'était pas le genre de scénario où l'on pouvait changer des mots sans l'accord des réalisateurs. C'est le texte qui te portait et tu devais le livrer de la façon la plus juste et crédible possible. C'est aussi un texte qui permettait de beurrer épais. À Budapest, on a fait deux semaines de travail de table où les acteurs posaient des questions aux réalisateurs... qui, des fois, donnaient des réponses. Je pense que pour Guy Maddin, le mot liberté est très important. Pour être aussi audacieux et créatif, il faut de la liberté. C'est un peu comme ça qu'il travaille. Il ne nous dirige pas vraiment. C'est surtout Galen et Evan qui venaient cadrer et expliquer les scènes. Après, on était pas mal libre de l'interpréter comme on voulait.
Guy Maddin est un cinéaste unique. Dans Rumours, il mélange la satire politique à la comédie noire, la série B avec des monstres au drame social. Ces entités qui se réveillent peuvent évoquer les nations autochtones qui réclament leur territoire. C'est poétique et onirique tout à la fois, avec une large part accordée aux désirs et aux fantômes. Rien ne ressemble à ce type de cinéma...
C'est justement ce qui me plaît. Cela prend beaucoup de courage pour continuer à faire les films qu'il fait, avec la manière dont il les fait, pour raconter ses histoires à sa façon, avec folie et audace. C'est ce que j'aime : que les objets soient uniques et surprenants. Qu'ils m'amènent ailleurs. Pour moi, c'est ça, un artiste. De l'art, c'est supposé t'amener là où tu n'es jamais allé.
Rumours prend l'affiche le 18 octobre.