Robert Lepage et Pedro Pires réalisent le long métrage Triptyque, inspiré de certaines histoires de la pièce Lipsynch, qui prend l'affiche ce vendredi après avoir été présenté en ouverture du Festival du nouveau cinéma plus tôt ce mois-ci.
Racontant les histoires de Michelle, Marie et Thomas, le film met en vedette trois des comédiens de la pièce, Lise Castonguay, Frédérike Bédard et Hans Piesbergen.
Comment se déroule la réalisation en duo? « On a des intérêts communs, des références communes dans le cinéma et dans l'Art en général. On se rejoint déjà en partant. », nous dit d'abord Pedro Pires. Son collègue poursuit : « On est complémentaires, on comprend quel est notre champ de spécialité et quelles sont les forces de l'autre. On ne travaille pas au même niveau; Pedro est plutôt préoccupé par ce que ça va donner à la caméra, et moi je travaille plutôt avec l'acteur. On essaie que nos champs d'intérêt convergent. »
Comment transposer le jeu des acteurs, qui ont travaillé sur leur personnage dans la pièce, pour la caméra? « On a une longueur d'avance quand on adapte une de mes pièces, car mes comédiens jouent avec un micro dans l'oreille, ou ils parlent dans des cellulaires par fort, donc ce n'est pas du tout la même chose pour un acteur qui joue sur scène de façon théâtrale, qui doit projeter parce qu'il faut qu'il soit entendu. Les acteurs ont l'habitude de jouer low profile. »
Pires poursuit : « Au cinéma, je suis pour quelque chose de très minimal au niveau du jeu, je ne veux pas qu'on sente que c'est joué. Au cinéma, on est amplifié, c'est comme une loupe. » Déjà, au texte, il faut réduire. « Je prends le texte et je soustrais beaucoup. Il faut montrer des choses, ou on n'a pas besoin de les dire, car on va comprendre autrement. »
Le film est tourné de manière assez inhabituelle. « Au fil du tournage, le film se révèle à nous, dit Robert Lepage. On tourne, on fait des plans, et on commence déjà le montage. Pedro va aller à Londres tout seul tourner des plans, il va monter et me montrer ça, et ça ça cause un besoin. Le film aurait besoin d'autre chose. Le montage et le tournage se font en même temps, le film se découvre à nous. On a une idée générale, mais on permet au film d'identifier ce qu'il veut qu'on raconte. »
« C'est fait par étapes, comme un tableau qui prend du temps à mûrir. »
On associe souvent le cinéma aux autres arts; la littérature, le théâtre, la peinture, la musique, même la poésie... « C'est l'Art qui rassemble toutes les autres disciplines. Il y a même de la place pour l'architecture. J'ai toujours pensé ça de l'opéra ou du théâtre, qui sont des arts rassembleurs. Quand tu veux transposer une pièce de théâtre en cinéma, les gens pensent que c'est des choses qui se ressemblent beaucoup parce qu'il y a des décors, des personnages, des acteurs, des répliques, mais il n'y a rien de plus lointain. Le roman est beaucoup plus proche cousin du cinéma que le théâtre. Quand on adapte, il faut presque passer par cette étape-là, de parler de façon romanesque de la pièce. Quand vient le temps de transposer, il faut quasiment que la pièce ait une vie littéraire. »
Pedro Pires conclut : « C'est ça que j'aime moi du cinéma : c'est de la peinture, c'est de la musique, c'est du théâtre... c'est tout ça. C'est comment tu doses les affaires. Un moment donné tu rentres dans le tableau, ton personnage est là, dans une autre réalité. »
Triptyque prend l'affiche à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières dès vendredi.