Récemment, dans la Vieille Capitale, alors qu'avait lieu la première en sol québécois du plus récent film du réalisateur Xavier Dolan, Matthias et Maxime, j'ai eu la chance de m'entretenir avec le réalisateur, accompagné par ses amis comédiens, qui partagent l'écran avec lui. Avant même la première question, on sent que ces jeunes artistes n'ont plus de secret l'un pour l'autre. La chimie évidente qu'entretiennent les différents personnages du film existe au-delà des caméras et des plateaux de tournage.
Xavier Dolan, Gabriel D'Almeida Freitas, Antoine Pilon et Catherine Brunet attendent ma première question. Leurs yeux posés sur moi m'intimident, je dois l'avouer. Ils sont jeunes, mais ils ont du bagage derrière la cravate. Ce sont des enfants-stars, des artistes talentueux qui en ont vu d'autres, des gens que j'admire pour leur versatilité, leur audace et, bien sûr, leur grand talent.
Je commence par le début, la genèse. Xavier Dolan me raconte la naissance de ce projet. Ses acolytes colorent son récit de quelques souvenirs, rendant l'exposé d'autant plus tangible.
« Ça existe de façon très concrète », me dit-il d'abord. « Je m'en allais pendant un mois tourner à Atlanta pour Boy Erased. J'étais bien déçu de savoir que j'allais m'ennuyer de mes chums pendant si longtemps. On avait loué un chalet à Tremblant. Ce soir-là, on allait au Casino. Je me rappelle, j'étais avec Sarah-Jeanne et Julie-Anne sur le siège arrière d'un taxi et je leur dis que je venais d'avoir une idée. »
S'en suit discussion légère entre Antoine Pilon et Dolan à savoir si le premier était dans le fameux taxi au moment de l'illumination ou pas. « Tous ces détails-là sont clairement essentiels dans l'histoire », lancera Catherine Brunet pour ramener à l'ordre ses amis. Son intervention porte ses fruits et le récit se poursuit.
« Bref, j'ai juste eu une idée : deux amis qui s'embrassent pour un court métrage et ça fout la merde. Puis, après ça, je suis partie pour la Georgie. J'avais beaucoup de moments d'attente sur le plateau et j'ai commencé à écrire, comme les 40 premières pages. »
« C'est drôle que ça se passe dans un chalet, je n'avais jamais fait le lien », ajoutera alors Catherine Brunet.
Au fil de son écriture, Xavier Dolan envoyait des pages à ses amis pour obtenir leur point de vue et les impliquer concrètement dans le projet. « Gabriel n'était pas là, il était à Bali pour Occupation Double », précise le réalisateur. Le principal intéressé blague en disant qu'il aurait bien pu remporter la maison Bonneville, puis quelques secondes plus tard reprend la parole pour s'assurer qu'on ne croit pas qu'il était vraiment candidat à OD Bali. « J'étais idéateur sur le show », indique-t-il.
« Dès le départ, c'était un film sur l'amitié », poursuit Dolan. « Sur un groupe d'amis qui est bouleversé par ce changement-là. Dans le film, on voit que tout le monde est très à l'aise avec ça, à part les deux protagonistes qui se disent : c'est impossible, on a toujours été cette personne-là toute notre vie, ça ne peut pas changer du jour au lendemain. »
Et pourquoi cette distribution en particulier? « La plupart d'entre eux sont presque incontournables pour ce casting-là. En plus, j'avais envie de faire un film sur l'amitié, alors forcément j'ai pensé à eux. »
Catherine Brunet intervient : « Tu as écrit un langage qui nous appartient. [...] La boulette (un jeu dépeint dans le film), ça, c'est vrai et le fait qu'on parle tous en même temps. » Dolan acquiesce et enchaîne : « On ne joue pas tous nos personnages; on n'a pas ces vies-là. L'énergie individuelle, non. Mais l'énergie du groupe, oui. C'est ça notre gang, c'est des gens qui s'insultent tout le temps », blague-t-il. « C'est un groupe qui s'invective, qui s'envoie des pics, mais où il y a toujours un amour, où on fait tout dans le respect et où il n'y a pas de malice. Entre nous, il n'y a pas de pudeur, il n'y a pas d'égo. »
Cette proximité et cette confiance-là entre les acteurs ont facilité les scènes d'intimité. « Ce n'est pas le premier ami que j'embrasse, dans le sens où j'ai embrassé Félix-Antoine dans Le chalet », indique Gabriel D'Almeida Freitas. « Il y a tellement une facilité quand tu embrasses quelqu'un que tu connais, on dirait que tu viens de passer quatre étapes. Il y a déjà une confiance et un laisser-aller avec quelqu'un que tu connais. Quand j'étais avec Xavier, les deux scènes de baiser, il y avait quelque chose de tellement beau, de tellement libre, de tellement sécurisant. C'est mon ami, on s'aime dans la vie, donc on sait qu'on donne tout pour cette scène-là. »
Antoine Pilon ajoute : « Ça peut être très drôle, cocasse cela dit, mais pas malaisant. On n'a pas à créer des liens vu qu'ils sont déjà là... ». Son amoureuse, Catherine Brunet, s'en mêle et lui demande qui il frenche dans le film déjà. Gabriel riposte alors : « On s'est frenché, mais c'était vraiment hors caméra et il n'y avait vraiment aucun malaise. »
Quand j'en viens à parler du personnage d'Anne Dorval, je sens une irritation. « C'était important pour toi de ramener ta muse dans ce nouveau film? » Cette question, visiblement, lui a été posée souvent. Trop souvent? Immédiatement, c'est Gabriel qui répond à la place du cinéaste : « Non, pas nécessairement ». S'en suit un rire collectif qui en dit long. « J'ai toujours envie de retrouver Anne », souligne Xavier. « C'était un rôle assez distant d'elle et différent de tout ce qu'on avait fait ensemble jusqu'à présent. C'était ça aussi le but. Si on est pour jouer ensemble et qu'elle joue ma mère encore, on ne va quand même pas faire une reprise de ce qu'on a fait dans J'ai tué ma mère. »
On finit par m'interrompre : les acteurs ont un horaire chargé et doivent poursuivre leur route. J'aurais parlé longtemps de cinéma, d'amitié et de bien d'autres sujets avec ces quatre artistes fascinants. Je vous conseille fortement le visionnement de Matthias et Maxime, un film vrai qui étonne à la fois par sa simplicité et sa grande profondeur. On souhaite à cette belle gang de chums de jouer longtemps à la boulette sans complexe ni tabou.