Chaque semaine, Cinoche.com revisite un film qui a marqué son époque, divisé le public et/ou la critique, ou finalement obtenu le respect et la notoriété qu'il aurait dû avoir dès sa sortie - ou qu'il a perdus depuis -, qu'il s'agisse d'un incontournable, d'un trésor caché ou d'un plaisir coupable. Ce dimanche, nous nous penchons sur le cas de...
THE OLD DARK HOUSE
James Whale | États-Unis | 1932 | 72 minutes
Entre les sorties de deux de ses longs métrages les plus connus, Frankenstein en 1931 et The Invisible Man en 1933, James Whale réalisait The Old Dark House - toujours pour le compte des studios Universal.
Une fois de plus, le cinéaste d'origine britannique s'attaquait à une prémisse profondément ancrée dans l'univers du suspense et de l'épouvante, mais en ne boudant jamais son plaisir lorsque venait le temps de saupoudrer quelques savantes touches d'humour devant autant être prises au premier qu'au second - et même troisième - degré.
Le film débute par une spectaculaire scène d'orage au cours de laquelle nous suivons un trio d'amis tentant tant bien que mal de se frayer un chemin à travers les routes de campagne déjà inondées. Lorsque les conditions routières et météorologiques les empêchent d'aller plus loin, ces derniers ont la chance (ou la malchance?) de tomber sur une vieille et sombre demeure (qui l'eût cru?) où vivent un vieil homme, sa soeur, et un majordome imposant et balafré (campé par Boris Karloff).
Les propriétaires acceptent de les héberger pour la nuit, mais paraissent tout de même inquiets pour leur sécurité. Visiblement, ils ne leur disent pas tout.
Le groupe est rejoint durant le repas par deux autres invités inattendus, débarquant sur les lieux pour les mêmes raisons.
La très grande force de The Old Dark House réside dans la manière dont Whale entretient toujours l'ambiance glauque, malaisante et angoissante de sa prémisse, et ce, même lorsqu'il se met ouvertement en mode badinage.
Dès le départ, on nous fait sentir que tout peut arriver à l'intérieur des murs de cette sinistre maison. Et les différents interprètes, campant leur personnage respectif comme si chacun évoluait dans un film, voire un genre, différent, nourrissent parfaitement cette impression.
The Old Dark House se déploie par moment telle une sorte de pièce de théâtre d'été nourrie à l'humour noir, et cumulant les revirements et les surprises à un rythme particulièrement soutenu - surtout que le long métrage ne s'étale que sur 72 minutes.
Lorsqu'une simple réplique comme « Have a potato » devient aussi bien une source de rires que d'angoisse, c'est que tout le monde impliqué a bien fait son travail.
La mise en scène de James Whale se révèle à la fois impressionnante et efficace durant les séquences de tempête, et diablement inventive dans la façon dont ce dernier joue avec la profondeur de champ, l'architecture des lieux et la dimension des décors - tantôt immenses, tantôt restreignants.
Évidemment, il s'agit d'une production de 1932. Mais même si certains aspects peuvent sembler avoir mal vieilli au premier abord, ceux-ci finissent par s'imposer comme des choix délibérés - même pour l'époque - visant à amplifier autant l'atmosphère étrange que le côté absurde et décalé du récit.
Whale ne lésine jamais en ce sens sur les réactions totalement exagérées de ses interprètes féminines, positionne ses personnages masculins dans des situations où ils ne semblent jamais réagir de façon appropriée, et pèse sur l'accélérateur en ce qui a trait au développement d'une histoire d'amour, au point où nous aurions pu facilement croire que le couple naissant aurait accueilli son premier enfant avant la levée du jour.
The Old Dark House demeure une expérience cinématographique déstabilisante face à laquelle nous ne savons jamais vraiment comment nous positionner au premier abord. Preuve ultime que c'est le cinéaste ici qui mène la charge du début à la fin. Et il le fait de façon souvent jouissive.
::: Disponible en format numérique sur AMC+.
::: Disponible en format Blu-ray chez Archambault.
::: Niveau de risque d'indignation après visionnement : Ne soyez pas si sérieux!
::: Trois films à voir en périphérie : Frankenstein (1931) | The Mummy (1932) | The Invisible Man (1933)