Chaque semaine, Cinoche.com revisite un film qui a marqué son époque, divisé le public et/ou la critique, ou finalement obtenu le respect et la notoriété qu'il aurait dû avoir dès sa sortie - ou qu'il a perdus depuis -, qu'il s'agisse d'un incontournable, d'un trésor caché ou d'un plaisir coupable. Ce dimanche, nous nous penchons sur le cas de...
GRAVE OF THE FIREFLIES (Le tombeau des lucioles)
Isao Takahata | Japon | 1988 | 89 minutes
Nous n'associons généralement pas nos expériences de cinéphilie les plus troublantes et bouleversantes au cinéma d'animation.
Et pourtant, personne ne peut sortir indemne d'un visionnement de Grave of the Fireflies du Japonais Isao Takahata.
Dès le départ, nous sommes confrontés à la mort du jeune Seita au milieu des passants indifférents, ultime tragédie d'une guerre qui en avait déjà fait vivre d'innombrable au jeune protagoniste.
La décision de débuter le film avec ce qui aurait très bien pu en être la dernière scène est totalement justifiée, et annonciatrice de la dureté des drames à venir. Car la finale qui suivra, environ 85 minutes plus tard, sera déjà particulièrement difficile à supporter.
Grave of the Fireflies nous fait suivre le parcours pour le moins ardu de Seita et de sa petite soeur Setsuko au crépuscule de la Seconde Guerre mondiale, alors que le Japon est bombardé de toutes parts.
Après la disparition de leur père au combat, et la mort tragique de leur mère, le duo doit se débrouiller pour survivre à travers les régions dévastées et/ou sur le point d'être attaquées. Ne pouvant compter que sur le strict minimum de soutien de la part de leur tante, Seita et Setsuko quittent la demeure de celle-ci - où ils s'étaient réfugiés - pour s'installer dans un bunker abandonné au milieu de la forêt. Mais ce havre de paix improvisé ne pourra être la solution à tous leurs problèmes très longtemps.
Au-delà d'une histoire de survie, Grave of the Fireflies traite également des traumatismes et des effets psychologiques de la guerre sur les gens ordinaires, de la façon dont l'entraide fait alors de plus en plus place à la méfiance et à un individualisme forcé au sein d'une seule et même nation.
Si cette situation est observée et rapportée du point de vue d'un adolescent de quatorze ans et d'une fillette de quatre ans, la façon dont le récit est raconté, lui, n'a rien d'enfantin.
Entre la maturité et la force de caractère que doit acquérir Seito dès son jeune âge, et la candeur et l'innocence dont fait preuve malgré tout Setsuko dans un contexte qu'elle ne saurait comprendre totalement, même à travers ses pires cauchemars, Isao Takahata aborde son sujet sur deux fronts bien distincts, mais qui finissent par se recouper de façon à rendre chaque scène plus marquante et émouvante, que ce soit dans la grâce ou dans l'horreur.
Cette idée est déjà bien présente au départ, quand le film traite de la mort de manière assez brutale, mais en se permettant également de mettre en images un au-delà avec lequel vient une certaine forme de quiétude et d'apaisement. Un repos bien mérité - si nous pouvons l'exprimer ainsi - pour des personnages ayant vu et vécu leur part d'épreuves difficilement surmontables malgré leur jeune âge.
L'animation est évidemment ici d'une beauté incomparable, à la fois sublime et onirique, mais également horrifiante de réalisme. Le choix du médium amplifie d'ailleurs l'impact de la tragédie illustrée d'une manière à laquelle aucune prise de vue réelle n'aurait pu rendre justice. À cet égard, la petite Setsuko paraît même souvent plus vraie que nature.
D'une tristesse infinie, Grave of the Fireflies est certainement l'un des plus grands joyaux que nous ait donnés le cinéma d'animation, mais aussi l'un des drames de guerre les plus percutants.
::: Disponible à la location (3,99 $) ou à l'achat (9,99 $) sur iTunes.
::: Niveau de risque d'indignation après visionnement : Nul.
::: Trois films à voir en périphérie : La vie est belle (1997) | Millennium Actress (2001) | The Wind Rises (2013)