Chaque semaine, Cinoche.com revisite un film qui a marqué son époque, divisé le public et/ou la critique, ou finalement obtenu le respect et la notoriété qu'il aurait dû avoir dès sa sortie - ou qu'il a perdus depuis -, qu'il s'agisse d'un incontournable ou d'un plaisir coupable. Ce dimanche, nous nous penchons sur le cas de...
ANY GIVEN SUNDAY (Les héros du dimanche)
Oliver Stone | États-Unis | 1999 | 154 minutes
Les thèmes abordés dans les films sportifs sont généralement les mêmes. Il est question d'ego, du respect de soi et d'autrui, des effets pervers du pouvoir et du vedettariat, et de l'importance de l'esprit d'équipe.
Il y a évidemment tout cela dans Any Given Sunday. Mais la plongée quasi mystique d'Oliver Stone au coeur de l'univers du football américain est aussi beaucoup plus vertigineuse et ambitieuse, osant aborder des sujets qui allaient devenir de plus en plus d'actualité au cours des années à venir.
La santé précaire des athlètes, le modèle ultra capitaliste sur lequel repose le sport professionnel, la gestion du capital humain, l'approche de la retraite, la pression lorsque vient le temps de faire sa place dans l'ombre de géants, etc.
Que vous aimiez ou détestiez le football, votre opinion et vos sentiments seront amplifiés à la puissance 11 bien avant le générique de clôture, le cinéaste relevant sans retenue ce qui peut en faire un objet de culte tout comme ses facettes les plus repoussantes.
Certains membres de la nouvelle génération devront d'autant plus respirer dans un sac de papier brun plus souvent qu'à leur tour au cours de leur visionnement pour être en mesure de passer à travers autant de démonstrations de masculinité toxique.
Tout est là dès la spectaculaire séquence d'ouverture. La frénésie sur le terrain est palpable, idem pour l'agitation en coulisses lorsque le quart-arrière vedette de l'équipe de Tony D'Amato (Al Pacino) tombe au combat à moins d'un mois du début des séries éliminatoires.
Le fait que le film se révèle être aussi cohérent dans son approche maximaliste tient en soi du miracle. Mais Stone embrasse pleinement la démesure de sa mise en scène et d'un montage visuel et sonore bruyant, excessif et tapageur au possible.
Durant les séquences les plus survoltées, qu'elles se déroulent sur le terrain ou à l'extérieur, vous aurez d'ailleurs l'impression d'avoir ingurgité une caisse de Red Bull (ou une substance beaucoup plus illicite).
Oliver Stone et son coscénariste John Logan font néanmoins preuve d'une étonnante minutie dans la mise en place de leur iconographie, du rapport aux traditions et de nombreux parallèles qu'il tisse avec la religion.
L'une des images les plus connues du film est celle d'Al Pacino en colère criant aux abords du terrain. L'acteur donne pourtant une performance plutôt sobre ici. Son personnage est bien conscient qu'il échappe de moins en moins au passage du temps, ses privilèges d'autrefois étant de plus en plus révolus.
Face à lui, Jamie Foxx s'avère à la hauteur du défi proposé dans la peau de Willie Beamen, une vedette montante devant trouver le juste équilibre entre sa soif de victoire, sa popularité grandissante, son arrogance et les nombreuses implications venant avec un rôle de leader.
Même son de cloche pour Cameron Diaz, qui offre l'une de ses meilleures performances dans la peau d'une jeune propriétaire tentant de faire sa place dans un univers particulièrement machiste.
Près de 23 ans après sa sortie, Any Given Sunday demeure une oeuvre clivante, et ce, autant chez les cinéphiles que les amateurs de football. Il s'agit du genre de proposition qu'il faut savoir prendre d'abord et avant tout pour son cran, sa passion et son hyperactivité artistique et émotionnelle.
Bref, un film illustrant bien l'état d'esprit dans lequel mijote à l'année longue tout fan invétéré de sport.
- Niveau de risque d'indignation après visionnement : Modéré.
- Trois films à voir en périphérie : Wall Street (1987) | The Insider (1999) | Moneyball (2011)