Le troisième long métrage de Podz, L'affaire Dumont, raconte l'histoire vraie de Michel Dumont et de sa conjointe Solange. Faussement accusé et condamné pour un viol qu'il n'a pas commis au début des années 90, Michel Dumont est emprisonné injustement. C'est grâce aux efforts soutenus de sa nouvelle conjointe que le dossier sera révisé par les autorités judiciaires. Marc-André Grondin et Marilyn Castonguay incarnent les deux personnages principaux du film.
Podz, qui a aussi réalisé Les sept jours du Talion et 10 1/2, est également derrière les séries télévisées C.A., Minuit, le soir et 19-2. Kathleen Fortin, Sarianne Cormier, Martin Dubreuil et Francine Ruel complètent la distribution.
Quelle est la responsabilité du réalisateur face à la réalité dans le cas d'une histoire vraie comme celle-ci? « C'est un gros débat... Dans le fond, quand le projet a commencé, je voulais être vraiment vrai, mais un moment donné j'ai réalisé qu'il fallait que je raconte l'histoire d'un film. Je me suis décollé et j'ai commencé à oublier ce qui était vrai et pas vrai. Le film, c'est une genre de thèse sur ce qu'est la vérité au cinéma. »
« C'est pour ça que j'ai inséré les images d'archives, qui sont tellement stagées que ce n'est même pas drôle... mais est-ce que c'est ça qui est vrai? Ou c'est ce que moi je montre qui est vrai? »
« Tu arrives à la vérité de l'expérience humaine à travers la fiction beaucoup plus que tu peux à travers une télé-réalité ou le cinéma-vérité. On l'a vu, dès que tu as un kodak de pointé sur le monde, ils n'agissent pas du tout de la même façon que dans la vraie vie. Ce que j'ai essayé de faire là-dedans, c'est mon observation de comment les gens vivent à travers une histoire vraie. »
« C'est un film sur qui on croit. Michel Dumont, son salut est venu parce qu'une femme l'a cru; elle a cru son histoire, elle a cru en lui, elle est bomée en amour avec, et c'est ça qui l'a sorti de la marde. La victime, les policiers et les avocats ne l'ont pas crue quand elle a dit qu'elle s'était trompée. Ce qui est important, c'est qui on croit. La vérité, c'est celle qu'on croit, pas nécessairement celle qui est vraie. »
En même temps, la réalité influence certainement ton travail. « Évidemment, il y a eu des avocats d'impliqués dans le processus. Qu'est-ce qu'on peut dire et qu'on ne peut pas dire, les noms... Il y a des noms qu'il a fallu qu'on ne dise pas, on ne nomme pas la juge, on dit « la juge », ce n'est pas pour rien, il y a beaucoup de choses légales associées à ça. C'est compliqué. Dans un film de fiction pure, on s'en fou. »
« Il y a plein de monde qui ne sera pas content de ce film-là, mais il y a plein de monde qui va l'être, mais moi, je ne peux pas penser à ça. Il faut que je pense au film, à la drive narrative, aux émotions des personnages, à leur quête... En plus, c'est un film étrange parce que le protagoniste ne fait rien. Les choses lui sont faites. Il n'y a pas la scène cathartique où il se lève en cour avec un témoin de dernière seconde, ça ne me tentait pas de la faire cette scène-là. »
Comment ce film-ci se rapporte-t-il aux précédents? « Quelqu'un m'a fait remarquer que dans tous mes films, il y avait quelqu'un d'incarcéré. Dans le Talion, il y a Martin Dubreuil, 10 1/2, c'est une prison pour enfants, et là c'est une prison littéralement. Même dans Minuit, le soir, les gars sont pognés dans leur vie, dans 19-2 ils sont pognés dans leur job... Souvent c'est une prison existentielle. »
Sur le plateau, les décors sont-ils une prison? « Normalement, quand tu tournes en studio, c'est supposé de te donner une liberté. Tu peux enlever les murs, tout déplacer pour placer la caméra... Moi, je ne trouve pas que c'est une liberté. J'aime mieux partir avec un carcan - même chose d'ailleurs quand je dirige un comédien : tu lui donnes un terrain de jeux défini, mais dans ce terrain de jeux-là, tout est permis. J'aime mieux ça. Quand j'arrive dans un décor naturel : voici mon terrain de jeux, et à l'intérieur de ça laissez-moi faire, je vais faire ce que je veux. Mon équipement, mes comédiens, ce sont mes jouets à moi. »
C'est Marc-André Grondin qui a la tâche d'incarner le personnage principal. Il s'agit pour lui d'une première expérience avec Podz. « J'étais un peu intimidé. On est devenus chums bien vite, mais... J'aime beaucoup beaucoup ce qu'il fait, et je trouve que les acteurs sont très très bons avec lui. Tout le monde est meilleur avec lui qu'avec d'autres. Je n'avais pas envie d'être le seul à être poche, pas envie qu'il soit déçu, alors je me mettais pas mal de pression. Mais il avait une grande confiance en moi. Une honnêteté aussi. Pas une fois il ne m'a demandé, avant de commencer à tourner : « Peux-tu me le faire comme tu vas le faire? ». Il n'a eu aucun doute. »
« On travaille un peu de la même façon j'ai l'impression, c'est ça qui nous a rassurés. On est assez instinctifs. C'est le directeur d'acteur qui m'a le plus impressionné par la facilité qu'il a à travailler avec Marilyn, qui est très différente de moi, et moi, dans la même scène, dans la même pièce. Il est capable de la diriger elle et de me diriger moi. Ça prend beaucoup de sensibilité et de psychologie. »
« J'aime bien ça avoir des contraintes. J'aime mieux ça que trop de libertés. J'aime mieux avoir dix-huit tapes à terre, devoir faire ça exactement à tel moment que me faire dire : « fait comme tu le sens, je vais placer la caméra après. » Ça, ça m'énerve. Plus c'est technique, plus je me sens libre, et plus j'ai du fun à faire cette job-là. »
« Je veux toujours savoir le plan, la focale... Qu'est-ce qu'on voit? Ça fait partie de mon travail. Ce n'est pas du théâtre, au théâtre, c'est une scène, il faut être « on » tout le temps. Je fais du cinéma alors il faut que j'utilise la caméra. C'est important pour un directeur artistique de parler avec le directeur-photo pour connaître un peu son éclairage avant de mettre une tapisserie sur un mur. Pour un acteur, c'est important pour de connaître la caméra, d'être en symbiose avec le directeur-photo. »
Marilyn Castonguay en est à une première expérience au cinéma. Dès le départ, la question de la vérité se pose. « Je me suis posé la question pour construire Solange. Un moment donné, je stagnais, je n'arrivais à rien, parce que j'essayais trop de l'imiter justement. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Il faut quand même que la couleur soit fidèle à la réalité, que le fond de l'histoire soit près de la vérité. Mais il faut se l'approprier, trouver notre chemin à nous. »
Certaines scènes sont basées sur les notes sténographiques des procès. « Il faut vraiment être fidèle à ces moments-là. Tu ne peux pas ajouter ton grain de sel parce que c'est ta personnalité à toi. Il faut essayer de comprendre la personnalité des personnages. Là, on a les vraies notes, les vrais documents, c'est encore plus important d'être fidèle. »
Dès le départ, c'est Marc-André Grondin qui devait incarner Dumont. « Oui, c'était lui qui donnait la réplique lors de l'audition. Parfois, ils engagent des acteurs pour ne pas que le vrai soit là, mais là c'est lui qui était là. On pouvait voir tout de suite si ça fonctionnait visuellement, et après ça la chimie entre les deux. »
Comment travaille Podz? « C'est vraiment particulier... C'est quelqu'un de bien sensible, mais aux allures plus froides. La première fois que je l'ai rencontré, il était direct mais froid... Il sait, il voit ce qu'il veut, et il sait comment t'emmener. Il est hyper-patient, il est hyper-raffiné dans ses demandes. Il s'adapte à la personne qui est en avant de lui. »
L'affaire Dumont prend l'affiche ce vendredi.