Le suspense La peur de l'eau, inspiré du roman On finit toujours par payer de Jean Lemieux, prend l'affiche dans les salles ce vendredi. Réalisé par Gabriel Pelletier, le long métrage raconte l'histoire du sergent André Surprenant qui est soudainement confronté au meurtre sordide de Rosalie Richard, 18 ans, trouvée morte, violée, au pied d'une falaise des Îles-de-la-Madeleine. Même si l'escouade de Montréal, dirigée par l'inspecteur Gingras, est persuadée que le meurtrier sera aisément découvert, Surprenant a certaines réserves envers leurs méthodes et décide de mener sa propre enquête.
Pierre-François Legendre incarne le personnage principal. Il est accompagné à l'écran par Brigitte Pogonat, Stéphanie Lapointe, Normand D'Amour, Pascale Bussières et Paul Doucet.
« Cela faisait longtemps que je voulais faire un polar, précise d'emblée le réalisateur. Je cherchais un roman québécois quand je suis tombé sur une bonne critique d'un roman de Jean Lemieux qui était La lune rouge. Comme à l'époque les droits étaient pris, on m'a proposé de lire On finit toujours par payer, que j'ai finalement aimé davantage, mais pas en terme de qualité, mais bien parce que c'était un roman plus facile à adapter, plus lumineux, plus gai et plus humoristique. J'avais donc trouvé mon polar. »
Les films de genre sont de plus en plus « à la mode » dans le paysage cinématographique québécois. « Je suis peut-être un pionner à ce niveau-là puisque j'ai fait Karmina il y a quelques années déjà, une comédie parodique, ainsi que La vie après l'amour, une comédie romantique. Le polar est peut-être un genre très peu exploité au sein de notre cinéma, mais c'en est un que j'affectionne particulièrement, et grâce à des auteurs québécois et internationaux, le polar est vraiment sur une lancée au Québec. »
Même si le film est inspiré d'un livre, les deux oeuvres, cinématographique et littéraire, sont très différentes l'une de l'autre. « Personnellement, j'ai un peu l'impression d'avoir écrit le scénario avec Jean. Il avait construit une intrigue très solide et je devais trouver des éléments qui nous permettraient de rendre certaines réflexions, certaines déductions, visuelles. Parce que la plus grande différence entre un roman et un film, c'est que dans le film, on ne veut pas le savoir, on veut le voir. On a donc introduit des éléments qui nous aidaient visuellement; la photo, le cellulaire de la morte, des choses qui nous aidaient à prendre des raccourcis et à rendre le tout accessible. »
Malgré les différences marquées entre les deux univers, l'auteur se dit choyé d'avoir eu la chance de vivre cette expérience et de voir ses personnages prendre vie. « J'ai eu un choc lorsque je suis arrivé sur le plateau et que j'ai vu les loges avec le nom de mes personnages inscrits au-dessus. Pour un auteur, c'est un gros cadeau parce que soudainement l'univers qu'il a créé dans sa tête prend vie et est transposé à l'écran. »
« Le film a une grande qualité parce que sur le plan cinématographique, on sent vraiment les Îles. C'est vraiment un film marin. Il y a plusieurs scènes sur la mer, sur la plage, sur des bateaux. C'est un film qui rend justice à ce que les Îles offrent comme panorama et comme atmosphère. Une atmosphère d'automne, qui n'est pas celle des touristes puisqu'on est en dehors de la saison touristique. »
Le tournage a engendré de nombreux problèmes au niveau technique en raison du temps très incertain des Îles-de-la-Madeleine. « On s'est vraiment battu contre les éléments. On a passé deux ouragans, on a commencé le tournage avec Eurl et on l'a terminé avec Igor. Les comédiens ont dû se battre contre les vents qui atteignaient parfois 100 km/h. » Brigitte Pogonat, l'interprète de la policière Geneviève Savoie, dit avoir effectivement goûté aux fureurs de Mère Nature; « On débutait une scène, il faisait soleil et tout d'un coup ça devenait gris, donc la lumière n'est plus pareille et il fallait arrêter de tourner. D'ailleurs, lorsqu'on a tourné la scène finale avec Pierre-François, il faisait soleil au début du plan, mais lorsque la caméra s'est tournée sur moi, le soleil a disparu pour de bon. On a donc du tourné d'autres images, une autre journée à un autre endroit. »
« La scène de nuit où l'on découvre le corps de Rosalie, il faisait vraiment tempête, ce n'est pas ajusté au montage. On nous a tous demandé si nous voulions tourner quand même, parce que c'était dangereux. Je devais vraiment être groundée dans le sol sinon j'avais l'impression que j'allais m'envoler. C'était des conditions intenses, mais ça se ressent à l'écran et le résultat est magnifique. »
Stéphanie Lapointe prête, quant à elle, ses traits à Rosalie Richard, la jeune femme assassinée. Lors de cette fameuse scène de tempête où la police découvre le corps de l'adolescente, l'actrice a été remplacée par un corps de silicone. « Au début de la production, la productrice et Gabriel ont beaucoup jonglé avec l'idée de produire un corps pour Rosalie. C'est un processus vraiment couteux de concevoir un corps. Au Québec, je crois qu'il n'y a que deux films; Les sept jours du Talion et le nôtre, qui ont utilisé la réplique de corps en silicone. Ça prend des jours, il faut faire le moulage et ce n'est pas un processus vraiment agréable. Donc, finalement la productrice a décidé de faire un corps et ce qu'on voit dans la scène, c'est le corps en question et non moi. »
L'actrice et chanteuse a été sélectionnée par le réalisateur pour incarner Rosalie sans lui faire passer d'audition. « Gabriel m'a appelée avant le processus de financement parce qu'il avait vu des choses que j'avais faites avant et croyait que j'avais les qualifications requises pour jouer Rosalie. C'était stressant dans le sens où il ne m'avait pas vue l'incarner avant le tournage et il aurait pu ne pas aimer ma proposition du personnage. »
Pierre-François Legendre n'était pas, quant à lui, dans l'esprit de Pelletier lorsqu'il a écrit le scénario. « Je n'ai pas pensé d'emblée à Pierre-François Legendre. Dans le livre, il est décrit comme un grand noir, costaud, mais je voulais que Surprenant soit, dans le film, davantage un nerd, un homme ordinaire, et Pierre-François incarne à la perfection le Québécois moyen. Ce n'est pas pour rien qu'il a la carrière qu'il a, on s'identifie à lui. C'est le Rémy Girard d'une autre génération. »
Pour Legendre, le personnage de Surprenant, ressemble beaucoup au réalisateur, Gabriel Pelletier. « C'est un gars très cartésien, un intellectuel. Un homme très intelligent et logique. Je crois qu'il a créé un personnage à son image et m'a beaucoup aidé à le garder en laisse, à le comprendre. »
« Tourner aux Îles-de-la-Madeleine a été l'expérience la plus zen que j'aie vécue dans les dix dernières années. C'est un endroit où on s'incline devant les éléments parce qu'on réalise qu'ils sont plus forts que nous. Un endroit qui porte à réflexion. Je me suis même surpris à quelques reprises, à regarder la nature, les oiseaux, les collines, au lieu de rentrer et me préparer pour le lendemain. »
« Il y a eu des moments plus difficiles, comme par exemple lorsqu'on tournait une scène à l'intérieur pendant la nuit et que l'extérieur était éclairé comme si nous étions le jour. Le chef éclairagiste capotait, toutes ses poches de sables étaient utilisées, il n'avait jamais vu ça. Mais en général, ce fut un tournage très revigorant et plaisant. »