La cinéaste Paule Baillargeon, qui a récemment reçu le Jutra-Hommage pour l'ensemble de sa carrière, présente ce vendredi au public québécois son plus récent film, Trente tableaux. Le long métrage autobiographique dépeint certains passages de sa vie professionnelle et personnelle à travers des anecdotes, des extraits de ses oeuvres et certains de ses dessins.
Elle a réalisé ce nouveau projet alors qu'elle était en résidence à l'Office National du Film. « Une résidence, c'est deux ans à l'ONF avec un salaire et nous sommes là pour faire un film. Nous avons le budget, un petit budget, mais tout de même l'argent est là. En fait, c'est la seule contrainte, parce que nous sommes totalement libres, nous faisons que ce que nous voulons. »
« C'est difficile à exprimer pourquoi j'ai décidé de faire un film sur ma vie, puisque c'est un besoin qui vient de l'intérieur. Je traine des histoires avec moi depuis très longtemps, des histoires que j'avais envie de raconter. J'avais également rassemblé, sans trop savoir dans quel but, des photos, des dessins, des bouts de films, des archives, toutes sortes d'affaires que je traînais avec moi depuis des années. Alors, je me disais que la résidence était probablement le meilleur moment pour ressortir toutes ces choses. Les raisons plus profondes, c'était parce que, à tort ou à raison, j'avais le sentiment d'être mal perçue, mal comprise, alors j'ai eu envie de cette une mise à nue. »
Le film comprend plusieurs séquences d'animation, une technique que vous n'aviez jamais exploitée avant aujourd'hui. « Je n'osais pas penser à l'animation, puisque d'abord, moi je ne fais pas d'animation, il me fallait une équipe pour faire ça et à l'ONF ils m'ont dit : « Ça existe ici, nous avons un département d'animation, alors si tu veux, nous pouvons animer certains de tes dessins », et il y avait certains moments dans mon film où je n'avais aucun matériel. L'histoire de Robin Hood, par exemple, je n'avais rien. Bien sûr, ça aurait pu être raconté seulement avec des dessins et de la narration, mais, c'est toujours intéressant quand ça bouge. Nous avons alors choisi les moments précis où l'animation vaudrait la peine et là, une équipe est rentrée avec trois créateurs et ils se sont mis à travailler non-stop là-dessus. Il y a douze minutes d'animation dans le film, c'est beaucoup, et 98% des dessins sont les miens. »
Vous avez une longue et honorable carrière couronné par un Jutra le mois dernier; quelle est votre relation aujourd'hui avec le cinéma? « Le cinéma dans ma vie, c'est tout. J’ai commencé par être actrice, j'ai joué au théâtre, mais j'ai fini par m'en éloigner pour me concentrer sur le cinéma. Et vers l'âge de 28 ans, j'ai décidé de passer de l'autre côté de la caméra. J'aime les images, je vois les choses d'abord en images. Comme par exemple, dans mon premier film Anastasia ma chérie, dont vous voyez des images dans Trente tableaux, j'ai vu d'abord une femme se faire mettre une belle robe rouge de force. J'ai vu ça. Et à cause de cette simple image, j'ai construit tout un film autour. »
Le féminisme a aussi pris une place importante dans votre vie et votre carrière. « Je viens de cette époque où les femmes ont décidé de se révolter contre le statut d'inférieures qu'on leur octroyait. Dans le monde du cinéma, mes inspirations étaient toutes masculines, il n'y avait pas de femmes à qui se référer à l'époque. Et, encore aujourd'hui, c'est difficile pour les femmes. Ce sont encore les hommes, le boy club qui gèrent l'argent du monde du cinéma et ils ne veulent pas nécessairement partager la tarte avec les femmes. Dans le documentaire, il y a davantage de femmes, parce qu'il y a moins d'argent, mais dès qu'elles veulent aller en fiction, c'est plus dur. »
« De toute façon, rien n'est jamais gagné d'avance pour les hommes ou pour les femmes. La liberté c'est une chose qui se construit d'abord à l'intérieur de soi. »
Trente tableaux prend l'affiche au cinéma Excentris à Montréal et au Clap à Québec dès vendredi.