Pour son premier long métrage, Jaloux, le cinéaste Patrick Demers a fait appel aux comédiens Benoît Gouin, Sophie Cadieux et Maxime Denommée. En plus d'être les acteurs principaux du long métrage, les comédiens ont participé activement à l'écriture du scénario et des personnages sur le plateau.
« Le film a été tourné en digital, alors quand on tourne on ne pense pas à la pellicule, on ne pense à rien, on est libre. Je ne peux pas faire un film comme ça en pellicule, c'est trop lourd, trop cher. » Le numérique n'est pas une contrainte donc, c'est une liberté? « Exactement. Pourquoi ne pas l'exploiter? J'ai besoin de la légèreté que j'ai eue. C'est filmé à la lumière naturelle, il y a très peu d'éclairage et il y a très peu de temps passé à éclairer, c'est du temps de tournage. »
Il fallait des comédiens disposés à participer activement au film. « J'ai approché Sophie parce qu'elle avait beaucoup d'expérience en improvisation, mais ce n'est pas le même type d'improvisation qu'on avait à faire. Maxime, j'avais déjà travaillé avec lui dans un court métrage, il acceptait et il comprenait ma manière de travailler. Pour Benoît, j'avais vraiment été surpris quand je l'ai vu dans Québec-Montréal, et je voulais vraiment travailler avec lui. Benoît est plus grand, plus vieux, son faciès est plus pointu, et je trouvais que ça fonctionnait. Je voulais avoir un triangle amoureux, avec un couple qui est connu du public d'une autre façon que dans Rumeurs, et je trouvais ça intéressant de m'adresser à un public qui avait déjà une image d'un autre couple avec les mêmes comédiens. »
Les comédiens s'impliquent donc dans le scénario en même temps qu'ils jouent leurs scènes. « C'était difficile au tournage, parce que, comme les acteurs sont impliqués dans l'histoire, parfois c'était le scénariste qui était devant la caméra, ce n'était pas le comédien. Ça m'a été révélé clairement dans la salle de montage; je ne pouvais pas utiliser ça, à chaque fois que le scénariste était devant la caméra, ça ne faisait pas partie du film. »
Il faut prendre des décisions rapidement, en se fiant surtout à son instinct. « C'est mon métier d'être réalisateur, ça fait longtemps que je dois prendre des décisions. J'ai dû vivre avec mes décisions, mauvaises et bonnes, et cette expérience-là t'aide à construire ton instinct. Tu le sais quand tu te trompes, tu l'as déjà vu, tu l'as déjà fait, donc tu prends de meilleures décisions après. Je me fis, à cette expérience-là, à mon oeil de monteur, qui est très difficile, très critique. J'essaie d'avoir quelque chose qui a l'air vrai. »
Le film a donc véritablement pris naissance en salle de montage, où l'histoire a été bâtie. Le montage sert donc à dévoiler lentement les fils du récit. « C'est rare parce que le montage n'est pas mis de l'avant ces temps-ci, c'est plutôt le plan-séquence qui prend toute la place. C'est rare en Europe, c'est fréquent en Asie, et je suis plutôt un amateur de films asiatiques... moi j'adore le montage. Il y a quelque chose dans le montage qui n'existe qu'au cinéma. »
Était-il nécessaire de réhabiliter le personnage de Jean? « C'est ce que nous on a senti quand on tournait le film. Les gens savent que la vie, en général, elle est inévitable et dure, alors c'était important pour moi de rééquilibrer... Je savais que c'était amoral comme histoire, et j'ai voulu maintenir la moralité. C'était mon but, de façon à m'adresser à un plus grand public. C'était important pour moi, parce que je savais que je faisais un film expérimental, laboratoire de création, mais je voulais que le résultat puisse se mesurer à du cinéma commercial, à une proposition classique. L'idée, c'est de changer le processus pour obtenir un résultat différent. »
Le film prend l'affiche aujourd'hui à Montréal et à Québec.