Nicolas Bedos ne laisse personne indifférent. Adoré par les uns et détesté par les autres, le fils de l'humoriste Guy Bedos mène depuis quelques années une carrière plus qu'enviable comme réalisateur et scénariste. D'abord avec le remarqué Monsieur et Madame Adelman et l'acclamé La belle époque (lauréat de trois prix César, dont celui du meilleur scénario original), avant de s'amuser par l'entremise d'OSS 117: Bons baisers d'Afrique).
Sur Mascarade, son projet le plus ambitieux à ce jour, il plonge dans ses souvenirs de jeunesse, racontant les folles aventures d'un jeune gigolo (interprété par Pierre Niney) qui s'amourache d'une ancienne star de cinéma (Isabelle Adjani).
Cinoche.com s'est entretenu avec le cinéaste dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français d'Unifrance...
Mascarade est un film assez particulier. L'histoire semble complètement invraisemblable... mais elle s'avère au final assez personnelle. Comme si le cinéma devenait autobiographique.
C'est exactement ça. Vous avez raison. C'est ce qui est bizarre et en même temps très excitant pour moi. Il y a dans ce film une pure part de cinéma, avec beaucoup d'ironie et de satire. Plus le film avance et plus le réel s'y infiltre, avec des bouts de moi-même, des bouts de coeur, des bouts d'histoires qu'on m'a racontées ou que j'ai vécues. Cela donne ce film un peu étrange.
La distribution qui comprend Isabelle Adjani, Pierre Niney, François Cluzet et Emmanuelle Devos est vraiment impressionnante. Comment êtes-vous parvenu à convaincre toutes ces stars qui jouent souvent à contre-emploi?
J'ai seulement réalisé des films qui leur ont donné envie de travailler avec moi. Isabelle Adjani m'a dit: "Je veux travailler avec vous et n'importe quel rôle m'ira". On ne sait pas quoi faire de cet étrange et fascinant compliment. Je ne suis jamais allé draguer un acteur. Je me suis contenté de profiter de la relative sympathie qu'ils ont pour moi et pour mon travail.
Tant mieux.
Et puis ça durera le temps que ça durera. Il suffit de faire deux films qui leur plaisent moins pour qu'ils n'aient plus le goût de travailler avec moi. Ça dépend de ce qu'on propose. J'ai la chance d'avoir un certain succès. Plusieurs acteurs sont ravis de tourner avec des signatures très auteuristes. Mais ils ont aussi envie de participer à des histoires et à des films plus soucieux de rejoindre le public, qui demeurent malgré tout des films d'auteurs. J'ai énormément d'estime et d'admiration pour des cinéastes plus radicaux. Mais c'est vrai que j'entends de temps en temps des acteurs et des actrices dire qu'ils sont un peu frustrés de s'adresser à un public de festivals.
Dans tous vos films, on note la puissance des personnages féminins et la faiblesse des personnages masculins. Il y a une raison à cela?
C'est vrai que je suis plus inspiré par les femmes que par les hommes. Peut-être qu'en temps qu'hétérosexuel, ce sont les femmes que j'ai le plus observées, désirées et aimées. Donc j'ai tendance à faire des films qui sont en harmonie avec l'état d'esprit que je suis au quotidien. Peut-être aussi parce que les hommes ont été très durs avec moi quand j'étais plus jeune. J'allais toujours vers les femmes. Je crois qu'en termes d'auteur, je fais la même chose. C'est ma façon à moi d'être féministe. Moi qu'on a souvent accusé de misogynie et tout ça. Je n'ai jamais compris pourquoi. Ma façon d'être féministe, c'est de montrer des filles qui ne sont pas toujours tout à fait raisonnables et défendables dans leurs actions, mais qui sont toujours passionnantes, intéressantes, vives.
Contrairement aux hommes...
Quant aux hommes, c'est peut-être une manière de m'autocritiquer. Ayant fait beaucoup d'erreurs et ayant été très lâche dans ma vie, peut-être qu'inconsciemment, je construis des personnages masculins un peu pleutres.
Mascarade est une oeuvre excessive et énergique, parsemée de péripéties pendant plus de deux heures.
J'avais envie de donner beaucoup de choses au public. Une partie de la presse en France confond générosité avec ambition et prétention. Comme si c'était de l'opportunisme... Je suis quelqu'un qui a mis du temps avant d'avoir le privilège de réaliser des films. Ce temps-là m'a soigné de toute espèce de snobisme. Donc je n'ai pas de chapelle. Ma boussole, c'est de faire des films que j'aurais envie de voir. Comme après une semaine de travail, je ne vais pas en salle facilement, surtout avec tout ce qui nous est offert à domicile, j'essaye de faire des films qui, si possible, vous donnent beaucoup de choses à bouffer, à la fois aux yeux et au coeur. Où il y a beaucoup d'intrigues, de personnages et de rencontres. J'ai peur de mourir prématurément. Alors je veux filmer des films qui ressemblent à la vie que je rêve de mener. Comme une soirée où l'on rencontrerait énormément de gens. Je conçois un peu le cinéma comme une soirée à rebondissements.
Mascarade prend l'affiche au Québec ce vendredi 19 mai.