Michel Ocelot, le réalisateur et scénariste des films Kirikou et les bêtes sauvages et Azur et Asmar, présente cette semaine son plus récent long métrage, Les contes de la nuit, au public québécois. Le film d'animation raconte plusieurs histoires inspirées de nombreuses cultures de partout sur la planète, racontées et jouées par trois acteurs inventifs.
Le projet a débuté il y a plusieurs années comme un projet pour la télévision...« On peut faire des choses simplement. J'avais un paquet d'histoires, je les ai posées sur le bureau d'un producteur. Quand il a vu les deux premières histoires, il s'est exclamé : « Mais c'est du cinéma! ». On a décidé de faire une sortie cinéma. » Mais ça n'inquiète pas son créateur. « Je suis un conteur, et j'ai envie de vous raconter de bonnes petites histoires, que ce soit télévision, cinéma, internet ou quelque chose sur les nuages; je suis un conteur, je vous raconte des histoires. »
Le film est un assemblage de six petites histoires et d'un prologue. « Ce qui m'intéressait c'est de faire des histoires courtes, comme celles que je voyais dans les festivals d'animation et qui m'ont vraiment fasciné. Mais il n'y a pas de marché pour les courts métrages d'auteur, donc je les ai déguisés en série télévisée. J'avais envie de raconter des histoires courtes qui sont aussi intéressantes que des histoires longues. »
Le travail d'animation est solitaire et requiert une grande minutie. « Ce que je fais, c'est seul et dans le silence. Et ça me plaît. Mais ensuite, quand je commence à travailler avec des gens, je suis très content de les voir arriver! »
L'avantage principal est d'être le seul maître à bord. « Je suis une personne totalement libre. J'ai toujours fait ce que je voulais, tout ce que j'ai fait c'est moi qui l'a décidé, il n'y a jamais eu de commande. J'invente des choses, je trouve des producteurs et je les fais. »
Votre film, donc, s'intéresse à plusieurs cultures de partout sur la planète. « Ça me semble être la chose normale. J'ai à ma portée le monde entier, je suis dans un pays riche au XXIe siècle, j'ai accès à tout. J'ai toute la richesse du monde à ma portée, j'ai les livres, j'ai maintenant internet, j'ai aussi les voyages que je fais pour de vrai... Tout me passionne! Quand, en première année du secondaire, j'ai découvert l'art égyptien, je suis devenu Égyptien. Quand j'ai découvert les peintures grecques, je suis devenu Grec! Quand j'ai découvert les sculptures romaines... je ne suis pas devenu Romain, parce que ça ne me plaisait pas... »
« Quand j'ai découvert Les mille et une nuits, j'ai trouvé ça merveilleux, quand j'ai découvert l'art persan du XVIe siècle - le XVIe siècle, c'est la perfection, avant c'est archaïque après c'est décadent - j'ai trouvé ça exquis. »
Quelle est votre méthode de travail? « J'ai commencé par le papier parce que j'étais pauvre. J'ai continué avec les silhouettes noires, aussi parce que j'étais pauvre. Au début, ce sont des bouts de papier, je les pousse, je les photographie... C'est pas cher, parce qu'avec un seul napperon je peux faire toute une animation. Les silhouettes noires c'est plus simple encore puisqu'il n'y a pas de mise en couleur, le spectateur fait le travail. »
Est-ce que des innovations technologiques récentes ont simplifié votre travail? « Non. C'est une légende... Il y a une partie qui est plus facile, c'est qu'on se relit tout de suite et qu'on peut se corriger. Quand je travaillais sur support pellicule, je ne voyais pas ce que je faisais, je ne le voyais qu'une fois la bobine terminée et que je l'avais envoyée au laboratoire. Quand ce n'était pas bien, il fallait que je recommence tout. Donc c'est énorme le confort de l'ordinateur. Tous les jours je suis ravis d'avoir l'ordinateur. »
Votre travail inclut-il de choisir et diriger les comédiens? « Je suis maître de tout! J'invente les histoires, j'écris les dialogues, je fais les story-boards, j'invente les personnages, j'esquisse des décors et ensuite je dirige les comédiens... » Qu'est-ce que vous cherchez chez eux? « Quand je fais de grandes auditions, j'essaie dans un premier temps de ne pas les voir, pour ne pas me faire séduire ou repousser par leur apparence. Je n'ai pas envie d'avoir des grandes vedettes, parce que ça me semble être une tromperie envers le grand public, parce que la grande vedette ils ne la voient pas, son intervention elle est très courte par rapport à la longueur du film... Il y a aussi que ça coûte cher, et avec cet argent je préfère avoir une image parfaite. Ça me gêne aussi qu'on reconnaisse le comédien, je préfère qu'on lâche toutes les amarres et qu'on soit perdu dans mon conte et qu'on ne reconnaisse personne... »