« Cher long métrage, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... »
Qu'il s'agisse d'un classique instantané, d'une excellente production mal reçue à sa sortie, ou d'un navet bénéficiant désormais du statut de film culte, l'heure est aux bilans, aux coupes de champagne, aux morceaux de gâteau trop sucré et aux bons souvenirs de toutes ces images que nous avons pu oublier au fil des ans.
Aujourd'hui, nous soufflons les quarante bougies du film...
THREADS
Drame d'anticipation | Grande-Bretagne | 112 minutes
Réalisation : Mick Jackson
Interprètes : Karen Meagher, Reece Dinsdale, David Brierly et Rita May.
Diffusé sur les ondes de la BBC : le 23 septembre 1984.
Nous avons la chance de vivre à une époque où des concours de chant et de danse, des guéguerres d'égos, des costumes beaucoup trop élaborés et quelques jeunes adultes fringants prêts à tout pour gagner un condo nous attendent tous les dimanches soirs lorsque nous allumons la télévision.
Le dimanche 23 septembre 1984, la BBC décidait de ne plus niaiser avec la puck et de proposer le drame d'anticipation Threads aux téléspectateurs du Royaume-Uni.
Car, évidemment, quoi de mieux pour digérer un bon repas qu'un téléfilm particulièrement réaliste mettant en scène ce qu'il adviendrait du pays à la suite d'une attaque nucléaire?
Réalisé par Mick Jackson en à peine 17 jours et pour environ un demi-million de dollars américains, Threads nous introduit d'abord à deux familles anglaises sur le point d'être unies par l'annonce d'une grossesse et d'un mariage à venir.
Malheureusement, au même moment, les tensions grandissantes entre l'OTAN et l'Union soviétique forcent le gouvernement britannique a se préparer au pire en informant chacune de ses municipalités d'enclencher le protocole en cas de menace nucléaire imminente.
Un matin, le pire scénario imaginable se produit, et la ville de Sheffield est anéantie.
Les édifices sont réduits en ruines, les communications sont rompues, les morts se comptent par millions à travers le pays, et les survivants sont maintenant aux prises avec les effets des radiations.
Aucune aide n'est en route, et le cauchemar ne fait que commencer.
Le plus grande force de Threads se situe dans sa façon d'aborder et d'illustrer les impacts de la catastrophe de manière tangible, privilégiant une approche réaliste et minimaliste, tout en partageant de précieuses informations au spectateur par l'entremise d'écrits s'imposant à l'écran comme des alertes militaires.
Le tout permet de conférer encore plus de poids aux images de Jackson de pertes humaines, d'une mère berçant son bébé calciné comme si rien ne s'était produit, du parcours d'une femme enceinte devant se nourrir de la carcasse d'un animal dans le froid et la noirceur d'un hiver nucléaire, etc.
Le réalisateur trace aussi parfaitement la ligne entre ce qu'il suggère et ce qu'il se présente explicitement - par obligation budgétaire comme par choix de mise en scène.
Jackson et le scénariste Barry Hines prennent d'ailleurs tout le temps nécessaire au départ pour introduire leurs personnages et esquisser un quotidien tangible afin de donner plus tard un visage humain à l'horreur.
Entre une parfaite utilisation des plans rapprochés, quelques élans flirtant avec le documentaire, l'incroyable direction photo d'Andrew Dunn et Paul Morris, et les décors, les environnements et les maquillages plus vrais que nature, Threads a tous les ingrédients nécessaires pour marquer l'esprit au fer rouge. Le tout étant apprêté avec une retenue aussi de mise que marquante par les maîtres de cérémonie.
Ceci étant dit, le fer de lance de Threads demeure néanmoins sa manière tout aussi impitoyable d'aborder les longues années à venir, et les innombrables répercussions sur la santé, l'agriculture et la société au sens large qui se feraient ressentir sur des décennies.
Threads s'impose dès lors comme un récit sur l'obligation d'avancer dans un monde où l'espoir n'est plus qu'un très lointain souvenir.
Glauque, dites-vous?
QUARANTE ANS PLUS TARD...
Threads a la réputation d'être l'un des films les plus lugubres, impitoyables et effrayants jamais diffusés pour un très large public.
À l'instar de la monumentale série Chernobyl de Craig Mazin et Johan Renck, le présent long métrage se nourrit d'une peur et d'une menace qui n'ont rien de fictif, et qui étaient constamment présentes dans le quotidien de la Guerre froide des années 1980.
Si cette époque est évidemment révolue, Threads demeure malheureusement toujours autant d'actualité, nous rappelant à hauteur de citoyen à quel point nous ne contrôlons finalement que très peu de choses de notre propre existence.
Dans un registre totalement différent, Mick Jackson allait réaliser quelques années plus tard un autre film qui allait avoir l'effet d'une bombe (excusez-la!) sur le box-office comme les palmarès musicaux du monde entier : The Bodyguard, avec Kevin Costner et Whitney Houston. Le tout avant de revenir au film catastrophe en 1997, avec Volcano.
De par la force brute et l'intelligence de sa mise en scène et ses images à glacer le sang, Threads n'a rien perdu de son efficacité dramatique, ni de sa pertinence et de son importance.
Threads est disponible sur la plateforme Shudder, en vidéo sur demande, ainsi qu'en formats DVD et Blu-ray.