« Cher long métrage, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... »
Qu'il s'agisse d'un classique instantané, d'une excellente production mal reçue à sa sortie, ou d'un navet bénéficiant désormais du statut de film culte, l'heure est aux bilans, aux coupes de champagne, aux morceaux de gâteau trop sucré et aux bons souvenirs de toutes ces images que nous avons pu oublier au fil des ans.
Aujourd'hui, nous soufflons les trente bougies du film...
THE SHAWSHANK REDEMPTION (À l'ombre de Shawshank)
Drame carcéral | États-Unis | 127 minutes
Réalisation : Frank Darabont
Interprètes : Tim Robbins, Morgan Freeman, Bob Gunton, William Sadler et Clancy Brown.
Sortie dans les salles nord-américaines : le 14 octobre 1994.
Autant la réputation de The Shawshank Redemption n'est plus à faire, autant celle-ci vient d'emblée avec plusieurs points d'interrogation.
Depuis des décennies, le long métrage de Frank Darabont est tenu en aussi haute estime que des oeuvres majeures et/ou basées sur des propriétés intellectuelles bien établies comme The Godfather, The Dark Knight, Star Wars (les épisodes originaux, on s'entend) et The Lord of the Rings.
Adapté du court roman Rita Hayworth and the Shawshank Redemption de Stephen King, nous n'avons pourtant affaire ici qu'à un drame carcéral parmi tant d'autres, non?
Eh bien, oui et non...
Certes, tous les ingrédients nécessaires pour que la pâte lève sont présents. Nous avons un drame d'époque aux décors magistraux; une histoire d'injustice impliquant un homme innocent condamné à la prison à vie pour un crime qu'il n'a pas commis; un milieu carcéral où la violence est chose du quotidien; une direction photo aussi somptueuse qu'évocatrice signée Roger Deakins; une bande originale tout aussi poignante et mémorable de Thomas Newman; et une narration en voix-off de Morgan Freeman, qui allait devenir aussi emblématique qu'une marque de commerce à toute épreuve au cours des années à venir.
Dans ses moindres détails, The Shawshank Redemption est une oeuvre aussi classique qu'on puisse imaginer. Mais il y a surtout le regard empli d'humanité que porte Darabont sur cet univers où se côtoient continuellement l'inspirant et l'immonde.
C'est dans ce pénitencier où Andy Dufresne (Tim Robbins) atterrit à la fin des années 1940, et se lie rapidement d'amitié avec Red (Morgan Freeman) et sa bande. De fil en aiguille, le banquier très réservé parvient aussi à mettre les gardes dans sa poche en leur faisant bénéficier de ses connaissances financières.
Là où Darabont frappe d'abord dans le mille, c'est en ne faisant absolument aucune véritable mention du désormais célèbre plan d'évasion d'Andy jusqu'au moment des faits. À l'opposé, le cinéaste se concentre plutôt sur la clairvoyance et la générosité dont fait preuve le principal intéressé tout au long de son incarcération, et ce, sans jamais rien demander en retour - si ce n'est que de quelques faveurs pour ses codétenus.
Surtout, c'est par cette importante décision que Darabont peut conférer toute la force et l'importance voulues aux drames comme aux moments de grâce qu'il met en scène, aux effets du passage du temps, et aux mots tantôt songeurs et préoccupés, tantôt stupéfaits de Red.
Et le récit paraît encore plus maîtrisé une fois l'existence de ces deux récits parallèles, celle d'une espérance et d'une empathie dont même le lieu le plus impitoyable ne saurait venir à bout, et celle d'un plan d'évasion qui aura pris près de vingt ans à concrétiser, à un moment où le protagoniste ne pouvait plus accepter que la justice lui tourne le dos.
Le fait que Red craigne d'abord pour la vie d'Andy le soir précédant son passage à l'action ne fait d'ailleurs que renforcer l'impact dramatique d'un chemin qui paraissait jusqu'alors sans issue, et rendre cette ultime révélation encore plus marquante et satisfaisante.
Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le brio d'un casting parfaitement assemblé, de l'optimisme de Tim Robbins à la sagesse de Morgan Freeman, en passant par la dureté et la froideur du jeu de Clancy Brown et de Bob Gunton, saisissants dans la peau d'un gardien intraitable et d'un directeur de prison faisant disparaître la mince ligne entre bandits et hommes vertueux.
L'évolution en trois temps du discours de Red au moment de sa possible libération conditionnelle pose parfaitement la question à savoir si la réhabilitation que souhaite le système passe par un long et difficile travail sur soi, ou l'anéantissement de tout espoir dans la tête des détenus.
Une liberté qui est d'autant plus crainte par nombre d'entre eux, n'étant plus au fait de ce monde qu'ils n'ont pas vu évoluer à vitesse grand V durant des années, voire des décennies.
Une scène du film The Shawshank Redemption - Warner Bros. Canada
30 ANS PLUS TARD...
Nommé dans sept catégories lors de la cérémonie des Oscars de 1995 (dont celles du Meilleur Film, du Meilleur acteur (Morgan Freeman) et du Meilleur scénario), The Shawshank Redemption est finalement reparti bredouille face au triomphe de Forrest Gump.
Le long métrage ne fut pas non plus un succès au box-office, alors que ses 29 millions de dollars amassés (dépassant à peine son budget de production estimé à 25 millions de dollars) ne faisaient pas non plus le poids face aux 678 millions de dollars récoltés à travers le monde par le film de Robert Zemeckis.
Pour Frank Darabont et Stephen King, The Shawshank Redemption allait néanmoins s'avérer la première d'une série de collaborations qui allait nous donner l'universellement aimé - quoique moins fin et subtile - The Green Mile, en 1999, et la finale à glacer le sang de The Mist, en 2007.
Encore aujourd'hui, The Shawshank Redemption demeure une oeuvre poignante sur l'amitié, la quête de lumière et la force de caractère, jouant toutes les bonnes notes au bon moment avec une maîtrise et une délicatesse exceptionnelle.
THE SHAWSHANK REDEMPTION est disponible sur Crave, Netflix, en Vidéo sur demande, ainsi qu'en formats DVD, Blu-ray et UHD 4k.