« Cher long métrage, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... »
Qu'il s'agisse d'un classique instantané, d'une excellente production mal reçue à sa sortie, ou d'un navet bénéficiant désormais du statut de film culte, l'heure est aux bilans, aux coupes de champagne, aux morceaux de gâteau trop sucré et aux bons souvenirs de toutes ces images que nous avons pu oublier au fil des ans.
Aujourd'hui, nous soufflons les trente bougies du film...
INTERVIEW WITH THE VAMPIRE: THE VAMPIRE CHRONICLES (Entretien avec un vampire - Les chroniques des vampires)
Drame d'épouvante | États-Unis | 122 minutes
Réalisation : Neil Jordan
Interprètes : Brad Pitt, Tom Cruise, Kirsten Dunst et Christian Slater.
Sortie dans les salles nord-américaines : le 11 novembre 1994.
« Did you know Tom Cruise had no idea he was in that vampire movie till two years later? »
Plus les années passent, plus cette réplique du cruellement sous-apprécié Bowfinger de Frank Oz demeure un bijou de la comédie des années 1990.
Mais remettons les choses en perspective, voulez-vous?
Tom Cruise, Christian Slater, Brad Pitt et Antonio Banderas (alors en pleine ascension vers la gloire), et une très jeune Kirsten Dunst encore à ses balbutiements, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'auteure et scénariste Anne Rice et le réalisateur Neil Jordan avaient gagné le gros lot pour l'adaptation cinématographique du roman Interview with the Vampire, premier tome de la série The Vampire Chronicles.
Évidemment, les histoires de vampires ont subi plusieurs mutations au cours des trente dernières années, alors que les codes du genre ont été ignorés, trafiqués et/ou repensés à plus d'une occasion.
Interview with the Vampire prenait déjà certaines aisances à cet égard, remettant notamment en question la nature même du monstre, mais ramenait aussi le récit d'épouvante à son essence la plus gothique et romantique.
Lorsque le vampire Louis (Brad Pitt) raconte ses quelque 200 années d'existence dans une chambre de la Nouvelle-Orléans, ce dernier fait effectuer à son interlocuteur (Christian Slater) un voyage à travers les époques que ce dernier n'aurait jamais pu prévoir. De sa rencontre avec Lestat (Tom Cruise) et du moment de sa naissance en tant que créature de la nuit jusqu'à ses voyages du côté du Vieux Continent, en passant par son ultime retour en Amérique, le récit de Louis se révèle particulièrement riche en remords et en tragédies.
D'une certaine manière, nous pouvons considérer le narrateur comme le tout premier « vampire végane » (si nous pouvons le formuler ainsi) de l'Histoire, de par son aversion pour la chasse et le meurtre du genre humain, lui qui préfère boire le sang de rats et autres petits animaux pour se sustenter.
Embrassant pleinement son identité très littéraire, gothique, poétique, sensuelle et flirtant continuellement avec l'homoérotisme, le long métrage se déploie comme un grand drame d'époque avec tout ce que cela implique en termes de décors et de costumes somptueux, auxquels Jordan intègre parfaitement la réalité de cette rencontre fatidique entre l'Homme et les immortels.
Le scénario d'Anne Rice se penche somptueusement sur la nécessité de la violence et de cet instinct animal chez un monstre qui ne peut qu'en devenir un s'il se détache complètement de son humanité, ramenant par la même occasion l'Homme au niveau de proie dans la chaîne alimentaire.
La romancière illustre également de superbe façon la tragédie de l'immortalité par l'entremise du personnage de Claudia (Kirsten Dunst), condamnée à demeurer prisonnière du corps d'une enfant pour l'éternité, et à ne jamais pouvoir vivre et exprimer son amour pour Louis.
Pour sa part, Neil Jordan se révèle un formidable créateur d'ambiance, utilisant ses éclairages nocturnes, le brouillard, la pénombre, de même que quelques ralentis parfaitement exécutés pour évoquer autant le drame que la cruauté et la profonde mélancolie du scénario.
Revoir Interview with the Vampire aujourd'hui constitue également une grande leçon artistique, alors que le cinéaste et le directeur photo Philippe Rousselot multiplient les cadrages mettant autant en valeur une extrême attention aux détails et une profondeur de champ hallucinante, que l'espace occupé par les personnages et leur façon de s'y déplacer.
TRENTE ANS PLUS TARD...
Interview with the Vampire a connu un beau succès au box-office, amassant plus de 223 millions de dollars à travers le monde, ce qui équivaut à 418 millions de dollars en argent de 2024.
Évidemment, nous sommes désormais bien au fait du tournant qu'ont pris les carrières respectives des principaux interprètes, Tom Cruise et Brad Pitt demeurant parmi les dernières grandes stars de cinéma de la planète, tandis que Kirsten Dunst et Antonio Banderas allaient devenir des interprètes de plus en plus convoités à Hollywood au cours des années suivantes.
Toujours actif, Neil Jordan a continué de toucher à tous les genres sans toutefois avoir accès à autant de moyens, mais en conservant néanmoins un goût appuyé pour les questions morales et les dilemmes épineux.
En 2002, nous avons eu droit à Queen of the Damned, qui relatait, entre autres, les ambitions de Lestat de devenir une star du rock. Une production qui s'est avérée un désastre autant aux guichets qu'auprès du public et de la critique.
Puis, en 2022, le réseau américain AMC proposait une nouvelle adaptation télévisuelle d'Interview with the Vampire, laquelle fut accueillie très positivement, et dont la troisième saison est d'ailleurs attendue pour 2025.
En termes d'héritage, le présent long métrage demeure l'une des productions les plus marquantes du genre que nous aient proposées les années 1990, lequel proposait d'autant plus un habile contrepoids au beaucoup plus éclaté et hyperactif Bram Stoker's Dracula de Francis Ford Coppola, sorti deux ans plus tôt.
Le tout grâce à la grande élégance de sa mise en scène, son approche posée et d'une beauté plastique ensorcelante, ainsi que ses échos à une forme de récit d'épouvante plus classique et majestueux.
Interview with the vampire est actuellement disponible sur CRAVE, en VIDÉO SUR DEMANDE, ainsi qu'en formats DVD et BLU-RAY.