« Cher long métrage, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... »
Qu'il s'agisse d'un classique instantané, d'une excellente production mal reçue à sa sortie, ou d'un navet bénéficiant désormais du statut de film culte, l'heure est aux bilans, aux coupes de champagne, aux morceaux de gâteau trop sucré et aux bons souvenirs de toutes ces images que nous avons pu oublier au fil des ans.
Aujourd'hui, nous soufflons les trente bougies du film...
ED WOOD de Tim Burton
Drame biographique | États-Unis | 127 minutes
Mettant en vedette...
Johnny Depp................................Edward D. Wood Jr.
Martin Landau.........................................Bela Lugosi
Sarah Jessica Parker.............................Dolores Fuller
Bill Murray...................................Bunny Breckinridge
Patricia Arquette...................................Kathy O'Hara
Sortie dans les salles nord-américaines : le 7 octobre 1994.
La plupart du temps, les drames biographiques ont pour principal objectif de mettre en valeur le génie, l'exploit et/ou la contribution exceptionnelle de certaines des figures ayant marqué à leur façon l'Histoire de l'humanité.
Puis, au début des années 1990, Tim Burton a de nouveau fait les choses à sa manière en se penchant sur le parcours de l'homme ayant hérité du titre peu enviable de « pire réalisateur de l'Histoire du cinéma ».
(Mé)connu pour ses longs métrages à très petit budget Glen or Glenda, Bride of the Monster et Plan 9 from Outer Space, Edward D. Wood Jr. allait marquer sans le savoir le septième art en cherchant par tous les moyens à jouer dans la cour des grands, mais avec des moyens et des capacités artistiques, disons, plus que modestes...
Une scène du film Ed Wood - Walt Disney Pictures Canada
Et pourtant, même si le succès et les accolades ne furent jamais au rendez-vous pour le regretté cinéaste devenu culte au cours des décennies qui allaient suivre, Burton a su tirer de cette histoire d'échecs répétés un récit aussi fascinant qu'inspirant, auquel il a évidemment apposé sa signature visuelle unique, mais sans que celle-ci ne fasse jamais d'ombre à son principal sujet.
Au-delà de la superbe photographie en noir et blanc de Stefan Czapsky (qui avait collaboré avec Burton sur Edward aux mains d'argent et Le retour de Batman), la façon dont Ed Wood a été filmé, joué, cadré et monté fait constamment écho au cinéma hollywoodien de l'époque visité. Le tout mélangé à certains traits plus modernes du cinéma indépendant américain des années 1980 et 1990, qui affichait aussi une affection particulière pour les images monochromes.
Mais Ed Wood est également une oeuvre qui était en avance sur son temps à bien des égards, abordant notamment les thèmes de l'homosexualité et du changement de sexe dans le contexte tout sauf ouvert et inclusif de l'Amérique des années 1950, tandis que le réalisateur toujours optimiste assumera de plus en plus ouvertement le fait qu'il aime porter des vêtements pour femme au fil du récit.
En fin de compte, le tout permet à Burton de signer une autre célébration de la différence en réunissant une joyeuse et candide bande de laissés pour compte, d'âmes rejetées et de marginaux, tous rassemblés autour d'une figure davantage charismatique que talentueuse, mais sachant s'entourer - et prendre sous son aile - des individus pouvant lui servir, et vice versa.
Une scène du film Ed Wood - Walt Disney Pictures Canada
Le long métrage était la seconde collaboration entre Johnny Depp et Tim Burton, après le remarquable Edward aux mains d'argent de 1990. L'acteur communique sans difficulté tout l'enthousiasme et l'émerveillement de son personnage à travers son regard lumineux, et ce, à chaque scène que ce dernier à l'opportunité de tourner, décelant la perfection dans les pires défauts, et trouvant une nouvelle opportunité à tous les culs-de-sac.
S'il s'agit de l'une des performances les plus mémorables de la carrière de Depp (et la compétition est pour le moins féroce à ce niveau), l'acteur a également trouvé en Martin Landau (1928-2017) le parfait complice et partenaire de jeu. Ce dernier offre une prestation aussi drôle qu'émouvante dans la peau du légendaire interprète de Dracula, Bela Lugosi, avec qui Ed Wood s'était lié d'amitié, avant de lui donner l'opportunité de revenir au cinéma par la porte de côté.
Mais pour Wood comme pour Lugosi, le cinéma était avant tout une histoire de passion.
Quelques mois plus tard, Landau allait remporté l'Oscar du Meilleur acteur de soutien pour son interprétation de ce vieil homme grincheux et intraitable, mais aussi fier et généreux, aux prises avec de sérieux des problèmes de santé et de consommation, et contemplant la mort qui se rapproche un peu plus chaque jour.
Ed Wood allait également repartir avec la statuette des Meilleurs maquillages lors de la cérémonie des Oscars de 1995.
Une scène du film Ed Wood - Walt Disney Pictures Canada
30 ANS PLUS TARD...
Pour Tim Burton, Ed Wood finit par devenir une sorte de préambule qui allait mener, deux ans plus tard, au désopilant Mars attaque!, pastiche du cinéma de science-fiction datant de la même époque au cours de laquelle avait sévi Edward D. Wood Jr.
Quelques années plus tard, en 1999, Frank Oz allait célébrer à son tour cette approche un peu casse-gueule, mais totalement investie, propre aux tournages de films de série Z par l'entremise de son criminellement sous-estimé Bowfinger, qui réunissait pour la première fois à l'écran Steve Martin et Eddie Murphy.
Ed Wood est certainement l'un des films les plus personnels qu'ait réalisés Tim Burton. Un projet qui aura permis au principal intéressé d'exprimer tout son amour pour le septième art en célébrant le courage, la débrouillardise, l'entêtement et l'éternel optimisme d'un homme déterminé à faire son chemin dans le métier, et entretenant une confiance aveugle envers sa propre vision.
Et nous pouvons certainement imaginer les mêmes étoiles dans les yeux de Tim Burton au moment de tourner le présent long métrage.