« Cher long métrage, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour... »
Qu'il s'agisse d'un classique instantané, d'une excellente production mal reçue à sa sortie, ou d'un navet bénéficiant désormais du statut de film culte, l'heure est aux bilans, aux coupes de champagne, aux morceaux de gâteau trop sucré et aux bons souvenirs de toutes ces images que nous avons pu oublier au fil des ans.
Aujourd'hui, nous soufflons les trente bougies du film...
DOUBLE DRAGON
Film d'action | États-Unis | 91 minutes
Réalisation : James Yukich
Interprètes : Mark Dacascos, Scott Wolf, Robert Patrick et Alyssa Milano.
Sortie dans les salles nord-américaines : le 4 novembre 1994.
En 1994, les jeux vidéo n'occupaient pas la même place qu'aujourd'hui dans la culture populaire, lesquels s'adressaient à un public moins âgé et beaucoup plus niché.
Certains producteurs croyaient tout de même avoir flairé la bonne affaire en se garrochant sur les droits d'adaptation de certaines propriétés intellectuelles comme la misère sur le pauvre monde.
Double Dragon de James Yuick est l'une des toutes premières tentatives d'Hollywood de porter l'essence d'un divertissement vidéoludique à l'écran, arrivant un au après le catastrophique Super Mario Bros., et quelques semaines avant le Street Fighter mettant en vedette un Jean-Claude Van Damme qui, à l'époque, ne plaçait clairement pas beaucoup d'argent dans ses REER (disons-le ainsi).
Que pouvait-on bien tirer d'un jeu dont la très mince trame narrative suit essentiellement deux frères cassant des gueules de niveau en niveau pour retrouver la femme pour qu'ils ont tous deux le béguin?
Réponse : pas grand-chose.
Mais y a-t-il tout de même matière à s'amuser?
Réponse : si vous êtes prêt à faire preuve de beaucoup, BEAUCOUP, d'indulgence...
À peine trois ans après avoir incarné l'un des antagonistes les plus mémorables de l'Histoire du septième art dans Terminator 2: Judgement Day, Robert Patrick était de retour dans la peau d'un autre méchant plus grand que nature, mais également d'un pur produit du cinéma du début des années 1990.
Entre ses indispensables verres fumés, sa coupe de cheveux trahissant son adoration pour Vanilla Ice, et sa capacité à se transformer en créature de l'ombre du film Mon fantôme d'amour pour ensuite prendre possession du corps d'autrui, son Koga Shuko demeure assurément le meilleur élément du film, même si, au final, ce dernier parle beaucoup plus qu'il n'agit.
Déjà, il y a un problème...
Début des années 1990 oblige, le récit de Double Dragon prend racine dans le Los New Angeles postapocalyptique de... 2007. Vous savez, ce fameux tremblement de terre qui a complètement anéanti la Californie? Eh bien, il continue de faire des siennes ici.
Pour empêcher notre cher industriel de mettre la main sur l'autre partie d'un médaillon magique qui le rendrait invincible (mais finalement pas tant), les frères Jimmy et Billy Lee (incarnés respectivement par Mark Dacascos et Scott Wolf) porteront fièrement l'artéfact à la vue de tous, tout en affrontant des hordes de membres de gangs de rue allant des traditionnels punks aux clowns, en passant par ces gentils hippies amateurs de couleurs fluo et de graffitis.
Mais au-delà de cette prémisse intellectuellement limitée, Yukich et ses complices ne cherchent jamais vraiment non plus à s'amuser aux dépens de toutes les barrières et contraintes avec lesquelles ils ont assurément dû composer.
Nous devons, certes, accorder des points au choix d'accoutrer un des gangs de malfrats aux couleurs des facteurs d'Amérique, tout comme à la séquence pour le moins explosive (c'est le cas de le dire) de poursuite en motomarines.
Autrement, Double Dragon s'enlise constamment sous une pléthore de raccourcis narratifs et de dialogues explicatifs ronflants, en plus de son incapacité à suivre ses propres règles et à générer le moindre effet de tension, de la présence de certains des pires figurants que le cinéma ait connus, des élans d'une bande originale atroce, et d'effets visuels tout aussi approximatifs.
Le tout sans compter la mollesse extrême avec laquelle sont exécutées la totalité des scènes de combat.
En plus de ses interprètes tout aussi mal dirigés - ou simplement désintéressés - Double Dragon ne parvient tout simplement jamais à tomber du côté beaucoup plus respectable du « tellement mauvais que c'en est bon ».
TRENTE ANS PLUS TARD...
Double Dragon était seulement la deuxième tentative d'Hollywood en matière d'adaptation en prises de vue réelles d'un jeu vidéo.
Le long métrage s'est totalement cassé les dents au box-office, ne récoltant qu'un peu plus de quatre millions de dollars à travers le monde.
Et les choses n'allaient guère s'améliorer par la suite, alors que les productions inspirées de jeux vidéo ont continué de traîner cette mauvaise réputation durant des décennies.
Ce n'est que récemment que les Sonic the Hedgehog et The Super Mario Bros. Movie ont su rencontrer les attentes de leur public cible, tout comme la série télé The Last of Us.
De son côté, le réalisateur James Yukich n'allait réaliser qu'un seul autre long métrage par la suite, lui qui se sera tourné davantage vers la réalisation de vidéoclips, de spectacles humoristiques et de concerts.
Alyssa Milano allait évidemment connaître beaucoup plus de succès quatre ans plus tard grâce à la série Charmed, tandis que Scott Wolf allait faire de même avec Party of Five, et que Mark Dacascos allait devenir une figure récurrente du cinéma d'action de série B.
Si vous avez vu Double Dragon au moment de sa sortie, il se peut que vous fassiez encore des cauchemars liés aux grotesques maquillages de l'amateur de stéroïdes Bo Abobo.
Pour le reste, vous pouvez passer votre tour. Il n'y a absolument rien à voir ou à revoir ici qui est digne d'intérêt, si ce n'est que quelques vaines tentatives de faire dans la satire sociopolitique et environnementaliste en suivant les traces du Robocop de Paul Verhoeven, le génie et la clairvoyance en moins.
Mais si vous êtes tout de même un tantinet masochiste, Double Dragon est présentement disponible sur AMAZON PRIME VIDEO, ainsi qu'en format BLU-RAY.