Pour le lancement officiel du plus récent film de Charles Binamé, Cinoche.com a rencontré pour vous les artisans derrière Maurice Richard, le film. C’est donc avec le réalisateur Charles Binamé, le scénariste Ken Scott, la productrice Denise Robert et l’acteur Pierre-François Legendre que Cinoche.com a pu discuter d’un des films québécois les plus attendus de l’année. Maurice Richard prendra l’affiche sur les écrans québécois ce vendredi 25 novembre.
Charles Binamé
On peut dire que cette année, le réalisateur derrière l’excellent Eldorado, Charles Binamé, n’a pas chômé. Un peu avant la sortie de son dernier-né Maurice Richard, le réalisateur nous présentait son documentaire Gilles Carle ou l'indomptable imaginaire qui traite de ce pionnier du cinéma québécois. En scrutant de près la filmographie de Charles Binamé, on constate un léger penchant pour le documentaire. Une branche du cinéma qu’il maîtrise avec force.
Avez-vous, l’instant d’une seconde, pensé faire un documentaire sur Maurice Richard?
« Non, sans hésiter. Maurice Richard a besoin d’un écran immense pour être représenté. Aujourd’hui en fiction, les moyens sont très grands pour donner de l’impact à un héros comme le Rocket. Le documentaire n’aurait pas engendré le même effet au cinéma. »
Quels sont les moyens techniques que vous avez utilisés pour représenter l’époque des années 50?
« Nous avons étudié les éclairages de glaces par exemple. Nous voulions représenter le plus fidèlement possible les ambiances lumineuses des patinoires à cette époque. Donc, les techniciens ont réussi à recréer cette espèce d’ambiance vieillotte en séparant la lumière de manière suffisante pour qu’il puisse y avoir des ombres entre les spots sur la glace. Nous ne voulions pas faire un éclairage trop classique, un peu comme aujourd’hui.»
Après la télé série de Maurice Richard et votre film, pensez vous que le dossier du Rocket est clos?
« Évidemment pas. En deux heures, on ne peut raconter la vie d’un homme. Nous avons dû faire des choix, comme par exemple de ne pas montrer la famille de Richard. Aussi, nous n’avons dû couper et ne pas montrer certains buts. »
Pensez-vous qu’en sortant le film plus tôt, les réactions auraient été les mêmes?
On ne peut pas dire. Par contre, avant, le cinéma québécois n’était pas assez vivant. Les films d’auteurs comme Eldorado n’avaient seulement que deux copies tandis que Maurice Richard en a 42 aujourd’hui. L’histoire de Maurice fait partie d’une veine importante de l’histoire du Québec, donc le sortir aujourd’hui ne peut que l’aider.
Pourquoi avoir choisi Roy Dupuis pour enfiler les bottes du Rocket?
« Honnêtement, je n’ai même pas visionné la télé-série ainsi que la petite capsule (une Minute du Patrimoine avec Dupuis, ndlr) sur Richard. Lorsque je fais un film et que je pense à mes personnages, j’ai une image mentale du sujet. Pour ce film, j’avais Roy Dupuis. Il a plusieurs qualités qui font de lui un excellent acteur. Son silence intérieur reflète parfaitement celui de Maurice Richard. Roy est vrai lorsqu’il joue, tout comme le Rocket. De plus, Roy Dupuis est un virtuose du hockey et est doté d’une agilité fascinante. Et par-dessus tout, il lui ressemble physiquement. Que demander de mieux? »
Ken Scott
Ken Scott est devenu scénariste par hasard. Heureusement, car cet ex-Bizarroïde est très certainement une valeur sûre pour notre cinéma. Or, sa feuille de route est déjà bien garnie. Si l’on remonte un peu le temps, souvenons-nous du succès québécois de l’été 2001 : La vie après l’amour, une création originale de Ken Scott. Puis, il a écrit une télé-série très populaire, Le plateau, qui date de 2002. S’ensuit l’écriture de La grande séduction, récipiendaire de plusieurs prix. Scott nous revient donc en force avec un scénario sur l’emblème d’une génération : Maurice Richard.
Pourquoi avoir décidé de faire le film sur la période la plus sombre du Rocket?
« Ce n’est pas nécessairement la période la plus sombre. Dans le film, on le voit pendant les cinq dernières années du Canadien. Une grosse année pour eux qui avaient récolté cinq Coupes d'affilées. Maurice était bien sûr le capitaine et ses plus grandes performances datent de bien avant ces cinq années. Nous avons donc dû faire des choix. Lorsque j’ai commencé mes recherches pour le film, j’ai tout visionné ce qui avait rapport avec Maurice Richard. J’avais de la matière à écrire 10 films. En fait, j’ai écrit le film en me posant la question suivante : « Pourquoi Maurice Richard est aussi important 50 ans plus tard? » Les années qu’on ne voit pas dans le film sont celles alors que Maurice est à son apogée sur la glace. Au plan dramatique, c’est beaucoup moins intéressant. C'est beaucoup plus accrochant de voir quel obstacle Richard avait à franchir. »
Lorsque vous avez écrit votre scénario, avez-vous pensez à Roy Dupuis?
« Lorsque j’ai écrit le scénario, j’avais le vrai Maurice Richard en tête. Quand j’invente une histoire, je ne pense pas au comédien, mais bien aux personnages. Mon but était de réussir le film à chaque étape. C’est la difficulté principale dans la création d’un film."
Pensez-vous qu’il se cache un message social en relation avec les évènements d’aujourd’hui dans le film?
« Oui, étrangement. Nous avons eu le même sentiment avec La grande séduction. Après la sortie du film, tout le monde parlait des petits villages. Un film s’écrit deux ans à l’avance, c’est difficile d’arriver à point avec des évènements futurs. Quand j’ai eu la chance d’écrire un scénario sur Maurice, c’était le coup de foudre. Le timing était idéal. Il n’y a pas de geste politique dans mon scénario, c’est beaucoup plus un regard sur la société de cette époque. Si on m’avait demandé de faire un film sur Wayne Gretzky, je ne suis pas sûr que j’aurais accepté. Ce qui est intéressant concernant Richard c’est toute l’histoire derrière l’homme.
Avez-vous été contraint de faire de grosses modifications au scénario?
« Dû à des contraintes budgétaires, nous avons coupé 20 pages du scénario. Un film à la hauteur de Maurice Richard c’est un peu long pour le budget qu’on avait. Ça été comme de l’automutilation. Par contre, l’essence du film que je voulais sortir est encore là. D’une part, ces contraintes budgétaires on obligé Charles à aller vers l’essentiel ce qui n’est pas négligeable. »
Denise Robert
2005 est une très grosse année pour Denise Robert. Après la production d’Idole instantanée, d’Aurore, Les voleurs d’enfances et maintenant Maurice Richard, elle peut être fière d’avoir donné un vent de fraîcheur au panorama du cinéma québécois.
Quels sont vos projets futurs?
« L’adaptation contemporaine de Roméo et Juliette du réalisateur Yves Gagné. Nous allons commencer une campagne de promotion pour trouver un Roméo et une Juliette au Québec. »
Comment avez-vous trouvé votre expérience avec Charles Binamé?
« Ça été une très belle expérience, une très belle rencontre. Charles Binamé c’est quelqu'un avec une belle curiosité, avec qui il est agréable d’échanger et d’émettre des opinions. »
Maurice Richard est-il un projet imposé?
« Le projet a été proposé par Guy Gagnon, le distributeur. J’ai dit « oui » lors de la proposition. Je trouvais que l’histoire de Maurice Richard dégageait de belles valeurs. Au Québec, nous n’avons pas beaucoup d'idoles à qui nous identifier. Maurice est un des rares. Son histoire démontre que rien n’est impossible, que les rêves peuvent devenir réalité. »
Et le choix de Roy Dupuis?
« C’était le premier nom sur la table lors de la pré-production du film. Charles Binamé voyait son film avec Roy Dupuis, dès le début. Quand Charles l’a appelé pour chausser les patins du numéro 9, il lui a répondu : « Je ne peux pas te parler tout de suite, je vais jouer au hockey. » Roy Dupuis a le même regard que Maurice et c’est un homme avec peu de mots. Il est très humble et il dégage la même chose que Maurice Richard. »
Comptez-vous exporter le film ?
« Oui, nous allons l’exporter dans le reste du Canada et il sera projeté ici sur 150 écrans. On souhaite le sortir partout dans le monde. Ici, nous sommes souvent bombardés par les Américains avec leurs héros. Maurice Richard c’est un héros international qui mérite d’être connu. »
Pierre-François Legendre
Pierre-François Legendre joue dans Maurice Richard le rôle du beau-frère adulte du Rocket.
Parlez-nous de votre expérience sur le plateau de Maurice Richard.
« Je savais que c’était un gros film avec un gros budget. Ce que je craignais par contre, c’était de jouer aux côtés de Roy Dupuis. J’avais entendu des histoires sur lui, l’espèce d’image de l’animal blessé. Ce n’est pas du tout le cas. Roy Dupuis est un gars très sympathique, exactement à l’image de Maurice. Il ne parle pas pour rien dire. Lorsque Charles expliquait une scène, il était très attentif. J’ai beaucoup d’admiration pour son talent. »
Comment appréciez-vous votre rôle du beau-frère?
« Mon personnage c’est celui du gros sympathique, mais fatiguant qui appelle au souper. Lors de la lecture du scénario, j’ai vite compris que c’était le seul personnage comique du film. Il représente le Canadien-Français qui a subi l’influence Richard. Avant Maurice Richard, il regardait à terre et après sa lutte, il regardait en haut. George Norchet représente la fierté du peuple. »
Comment a été votre expérience aux côtés de Charles Binamé?
« J’en avais beaucoup entendu parler. J’avais une image de lui et beaucoup d’attentes. Et ce que j’avais en tête de Charles Binamé s’est révélé particulièrement véridique. C’est un très bon réalisateur. Avec lui, il n’y a pas de répétition. Le matin, les acteurs font leur mise en scène pour les techniciens et c’est tout. Le réalisateur ne fait que t’orienter. Il ne dit pas grand-chose, mais lorsqu’il parle et qu’il te donne la note du jeu, pogne-la. Sinon, c’est à tes risques et périls. Ç'a été une très belle expérience au final. Le personnage que j’incarne dans le film est encore vivant aujourd’hui. Par contre, dans mon travail de recherche, je n’ai pas cru bon de le rencontrer. Il faut dire que le personnage est très romancé. Oui, dans la réalité il doit être sympathique et jovial, mais nous avons inventé plusieurs choses sur lui. Mes recherches furent un deux semaines sur Internet avec des images d’archives. Je suis, dans l’ensemble, content de ma performance. »
Maurice Richard prend l’affiche le 25 novembre, sur plus de 150 écrans au Québec.
L’avis de Cinoche.com
Un film complet, qui sait ce qu’il doit faire pour plaire et qui s’acquiert bien de sa tâche. Le souci d’authenticité, le scénario concis, les acteurs assurés, la réalisation qui s’efforce de rejoindre l’époque de la Grande Noirceur au Québec et qui crée des atmosphères. Un très bon film, un excellent résumé biographique d’un homme plus grand que nature.
Vous pouvez lire la critique du film de Karl Filion en suivant ce lien.