Le premier long métrage du réalisateur Martin Villeneuve, Mars et Avril, prend l'affiche ce vendredi au Québec. Le film, qui se déroule au début du troisième millénaire, raconte l'histoire d'un vieux musicien sex-symbol et d'une jeune photographe qui en tombe amoureuse. Jacques Languirand et Caroline Dhavernas incarnent les deux personnages principaux. Ils sont entourés de Paul Ahmarani et de Robert Lepage.
« C'est un projet qui s'est fait sur environ sept ans, et les livres c'est cinq ans avant ça, donc on peut dire que Mars et Avril aura occupé presque douze ans de ma vie », confie le réalisateur.
Pourquoi aussi longtemps? « Il a fallu trouver différentes façon de tourner les contraires en opportunités, de trouver des bonnes idées pour compenser le manque de financement. »
« J'ai essayé de faire le film que moi j'ai envie de voir. Au départ, si j'avais pensé que j'allais passer à travers telle et telle difficulté, ça aurait été trop étourdissant, j'aurais fait autre chose. En le faisait, tu te découvres des alliés, des forces. C'était un périple. »
Vous adaptez vos propres photos-romans, cela fait-il une différence dans la traduction de la page vers le cinéma? « Non, en fait. Quand j'ai commencé à travailler sur le film, j'ai complètement mis les livres de côté. Le livre, c'était un moyen de raconter mon histoire avec des outils que je pouvais bien contrôler. Quand est venue l'idée de faire un film, je n'ai pas essayé de calquer la structure ou de récupérer des dialogues, je les ai mis de côté et j'ai écrit le scénario du film. Je suis parti des personnages, de leur quête; chaque personnage incarne une des thématiques du film, c'était une façon de faire évoluer l'histoire vers la bonne direction. Le fait qu'il y ait eu des images a permis d'associer des visages, des comédiens aux personnages. »
« Dans le film, il y a des concepts alchimiques, des concepts surréalistes, de l'ordre du rêve aussi, un peu d'ésotérisme... C'était des choses qui étaient déjà présentes dans les livres. Si je ne les avais pas faits avant, je n'aurais pas pu avoir une idée aussi précise de ce que devait être le film. Quand on écrit une histoire, on qu'on lit une histoire, on se fait des images dans notre tête, et quand on est arrivé pour faire le film, il fallait les montrer, ces images-là. C'est là le défi. »
Les nombreux effets spéciaux empêchent toute improvisation. « Avant de tourner le film, on a pris un an pour tout le prévisualiser au complet, comme un dessin animé. On a storyboardé les mille plans du film à la main, à quatre dessinateurs. On a scanné les dessins, on a fait un montage très élémentaire et on a même enregistré la voix des acteurs. Tout à coup, ça a donné une première vie au scénario, et déjà on était en mesure de prendre des décisions pour le montage. »
Quel est l'impact sur le plateau? « Ça devient presque comme du théâtre expérimental. Ça crée beaucoup d'abstraction. »
Paul Ahmarani, qui incarne le concepteur d'instruments de musique inspirés du corps des femmes, est à même de le constater. « On travaille sur écran vert, ce qui évidemment est très particulier. Pour quelqu'un qui a joué au théâtre, ce n'est pas complètement nouveau de jouer devant quelque chose qui n'est pas complètement réaliste. Pour moi, de jouer dans un décor hyperréaliste où tu n'as pas à imaginer rien, c'était un grand luxe, parce que tu n'as qu'à t'imprégner de ce qui est là. Là, il faut te l'inventer dans ta tête, comme quand tu rentres sur scène au théâtre et que 200 personnes te regardent; ce n'est pas réaliste. Il faut te l'inventer ton quatrième mur. Mais il faut faire attention : ce n'est pas parce que tu inventes les choses autour de toi que tu dois théâtraliser ton jeu. »
« Là-dessus il n'y avait pas trop de problèmes. C'est un mélange de technique et d'expérience, et de direction. Tout le monde doit être à son affaire. Ceci dit, c'est bien dur de tourner pendant douze heures devant un écran vert, t'es écoeuré, t'as mal au coeur. »
Les thématiques du film, le futur, cela teinte l'expérience de jeu... « On joue la situation, mais c'est sûr que quand tu es dans une fable, ou un grand conte, dans ce cas-ci presque une légende moderne... Mars et Avril, c'est comme une fable mythologique du futur. Évidemment, il y a peut-être un côté légèrement décalé. On n'est pas dans la réalité complètement, c'est assez bédéesque... »
Pour Martin Villeneuve, imaginer le futur a quelque chose de très actuel. « Une affaire qu'on sait, c'est que tout le monde s'est trompé. Le futur ne ressemblera probablement à rien de ce qu'on a imaginé. C'est ça qui est l'intérêt : ce n'est pas l'avenir, c'est ce que ça révèle de notre propre époque, ce que ça dit sur nous. Comme on sait qu'on se trompe de toute façon, autant le faire avec style. On a essayé de trouver un style qui colle à la réalité du film. Et pourquoi le « rétro-futurisme »? Ça vient du propos même du film, qui est une rencontre entre une jeune femme et un vieil homme. »
Mars et Avril, qui est doté d'un budget de 2,3 millions $, sera présenté à Montréal et Québec dès demain.