Le plus récent long métrage du réalisateur et scénariste Martin Laroche, Les manèges humains, prend l'affiche ce vendredi dans les cinémas québécois, après avoir été présenté aux Rendez-vous du Cinéma Québécois plus tôt cette semaine et au Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue l'automne dernier.
Le film, qui raconte l'histoire de Sophie, une étudiante en cinéma qui est chargée de réaliser un documentaire sur le parc d'attractions où elle travaille pour l'été. Au film du tournage, elle dévoile à ses amis proches le lourd secret qui la hante depuis son enfance passée en Afrique, où elle a été excisée.
Marie-Evelyne Lessard incarne le personnage principal, tandis que Marc-André Brunet, Normand Daoust, Stéphanie Dawson et Alexandre Dubois lui donnent la réplique.
Martin Laroche, qui a réalité en 2007 et en 2009 deux films à petit budget, La logique du remord et Modernaire, a profité de cette expérience pour tourner Les manèges humains. « Ça m'a donné l'expérience de tournage, de montage... surtout de direction d'acteurs. Savoir verbaliser ce que j'ai dans la tête, j'étais vraiment plus confiant quand on a commencé le tournage. »
En plus de la difficulté d'une caméra interne à l'histoire, il y a plusieurs scènes fortes qui sont très exigeantes. « On a beaucoup répété, parce qu'on n'avait pas beaucoup de journées de tournage, on n'avait pas le budget pour tourner 40 jours. On a tourné 15 jours, alors j'ai insisté pour faire des répétitions pour que le texte soit vraiment maîtrisé, pour que les émotions soient vraiment à la bonne place une fois sur le plateau. »
Est-ce à dire que le texte est identique à l'écran que sur le papier? « Quand j'écris, j'essaie d'écrire les hésitations, les bafouillements, les trois petits points... » Qu'ajoutent les comédiens? « Ils ajoutent tout le personnage, ils font vivre le texte. Je leur dis de le mettre dans leurs mots, leur grand talent c'est de prendre le texte et de le rendre complètement naturel. »
Le fait que la caméra participe à l'histoire change profondément leur manière d'agir. « J'avais bien aimé La moitié gauche du frigo de Philippe Falardeau, sur le DVD tu peux écouter les commentaires, et il parle beaucoup de l'aspect faux-doc; il dit, avec raison, que même dans les vrais documentaires, les gens ne sont pas toujours en train de s'adresser à la caméra, alors que tu as tendance à vouloir l'écrire quand tu fais un faux-doc parce que tu te dis que ça n'a pas d'allure que le personnage assume encore que la caméra soit là. »
« La caméra devient un personnage, elle fait partie de l'histoire... Ça nous donnait des contraintes cinématographiques, je ne pouvais pas mettre certaines scènes parce que ça ne fittait pas dans le faux-doc. C'est intéressant de voir comment cet aspect-là du film influence ce qui se passe; le film ne serait pas pareil si la caméra n'était pas dans le récit. »
Comment faire le rapport entre la technique et le sujet et le drame de Sophie? « Je ne voulais pas que le faux-doc prenne le pas, je l'ai fait parce que je trouve que ça donnait une couleur au personnage de Sophie. Elle se sert de la caméra pour dire qu'elle va passer au travers. Il ne fallait pas que ce soit dérangeant, c'est quelque chose qu'on assimile, on finit par oublier que quelqu'un tient la caméra. »
En même temps, cela permet de contourner et d'éviter un traitement mélodramatique. « Je ne voulais pas que ce soit mélo, une des premières choses que j'ai dites à Marie-Evelyne lorsqu'elle raconte son histoire [dans un plan-séquence de 11 minutes] c'est de ne pas s'effondrer. À la fin elle craque, mais au début elle est froide parce qu'elle veut révéler. En faisant un film réaliste... dans la vie, on n'est pas mélo tout le temps, on est concret, on réagit, on est même froid dans certaines situations. »
La principale intéressée, la comédienne Marie-Evelyne Lessard va dans le même sens. « C'était un gros risque. Il y en a beaucoup qui ont douté longtemps. Mais Martin savait ce qu'il voulait, c'était clair dans sa tête. Pourquoi c'est si nécessaire de faire le film avec ce traitement-là? Moi, à la lecture du scénario, j'ai tout de suite eu confiance. »
« Que la caméra soit dans l'histoire, ça fait en sorte que Sophie ne se considère pas comme une victime, qu'elle soit forte et qu'elle se batte, pour ne pas tomber dans le mélo et dans la plainte, ou dans la complaisance de la douleur. Le faux-doc est le prétexte artistique pour émerger de ça. Elle utilise l'art, dans son cas la caméra, pour faire quelque chose d'artistique avec ça, pour passer à travers une étape de sa vie, donner une espère d'aspect thérapeutique à l'art, et peut-être aussi de se créer une espèce de distance par rapport à son problème, à son secret. »
Les manèges humains est distribué par K-Films Amérique et prend l'affiche à Montréal et à Québec.