L'actrice française Ludivine Sagnier était de passage à Montréal la semaine dernière pour présenter le film Crime d'amour, qui était projeté dans le cadre de Cinémania et qui prend l'affiche ce vendredi à Montréal. Il s'agit du dernier long métrage du réalisateur Alain Corneau, décédé en août dernier.
Pour la jeune actrice qui a côtoyé certains des réalisateurs les plus importants de l'Hexagone, le choix d'un nouveau projet passe souvent par le réalisateur. « D'abord, c'est le réalisateur qui m'intéresse. Quand Alain Corneau m'a proposé le film, bien sûr j'étais flattée. Et il y avait aussi l'argument de Kristin Scott Thomas qui était attachée au projet et que j'avais très envie de rencontrer. Et puis troisièmement, l'histoire. Elle m'a prise d'un bout à l'autre, j'étais comme dans un page-turner. »
On voit rarement, au cinéma, des personnages aussi stratégiques, aussi précis dans l'élaboration de leur plan. « Oui, c'est vrai. Alain Corneau travaillait depuis longtemps à cette idée-là, il avait ce projet de film de « labyrinthes fritz-langiens », et du coup, il travaillait depuis longtemps à trouver le crime parfait, c'est ça qui l'intéressait. Comment on peut commettre un crime et s'en sortir complètement blanchi? L'idée de s'accuser pour mieux s'innocenter, c'était le déclic pour avancer dans son film. »
« En voyant le film fini, j'ai retrouvé le plaisir de la première lecture, d'être un peu emmenée par Alain Corneau dans une espèce de puzzle à reconstituer. »
Vous arrive-t-il de mieux connaître votre personnage que le réalisateur lui-même? « Non. Au contraire, c'est lui qui m'aiguillait, parce que le personnage d'Isabelle est tellement loin de moi. Il y a un moment où elle se couche dans son lit, avec les draps autour d'elle, couchée comme dans un sarcophage, et je ne comprenais pas. Il m'a expliqué que les gens qui dorment comme ça sont des gens tellement hyperactifs qui considèrent le sommeil comme une perte de temps. Ces petits détails m'ont aidée à trouver le personnage. »
Vous avez visité Montréal à plusieurs reprises déjà, croyez-vous que les sociétés françaises et québécoises sont assez semblables pour comprendre le film de la même manière? « Je sais pas... disons que c'est un film qui parle d'une relation de compétition, de manipulation entre deux femmes, dans un monde d'hommes - parce que le monde du business est encore tenu plutôt par les hommes - moi je pense que tous les pays sont marqués par la mondialisation et comprennent la pression sur les individus qui déshumanise un peu le travail et qui pousse les individus à se donner complètement à leur employeur. C'est assez universel. »
Lors de la sortie en France, comme le film a-t-il été perçu? « Les gens ne l'ont pas vu comme un film documentaire, ils voient un polar d'Alain Corneau, et ils voient une réalité sociale qui est effectivement plus française; je me souviens que quand on tournait, chez France Telecom, il y a eu énormément de suicides chez les employés qui étaient sous pression. À un moment donné, il y avait un suicide par semaine, c'était complètement dingue. À tel point que la compagnie a essayé de faire passer le suicide comme un accident de travail auprès de ses assurances. »
« Le personnage d'Isabelle, c'est un personnage comme ça, qui est complètement pressée, qui présente des défaillances psychologiques. Elle arrive très jeune à un poste à haute responsabilité. Quand elle se retrouve humiliée, meurtrie, elle ne peut réagir que de la manière qu'on lui a apprise, c'est-à-dire la stratégie, parce qu'elle ne sait faire que ça. »
Cela n'est effectivement pas propre à une société en particulier. « J'ai l'habitude de voir ça chez certaines personnes qui ont fait des études très compliquées et qui sont propulsées dans la vie en étant excellentes à ce qu'ils font, mais démunies, immatures, face aux problèmes humains. »