Rencontrés à Québec lors de leur tournée de promotion en régions, Louis Morissette et Ricardo Trogi nous ont parlé de la comédie dramatique Le mirage.
Le film raconte l'histoire de Patrick, un homme d'une quarantaine d'années qui se pose beaucoup de questions. Père de deux enfants et en couple avec une femme en plein burnout, il remet en doute les choix qu'il a faits dans la vie.
Louis Morissette a rédigé les textes du long métrage. Il en est également le producteur.
« Je suis arrivé à un constat en discutant avec des amis de longue date; Y'en a donc ben du monde malheureux! Il y a énormément de gens qui ne sont pas où ils voudraient être dans la vie, qui sont déprimés et qui sont en train de lâcher prise. J'ai essayé de creuser ça, je me suis demandé pourquoi on était comme ça. Pour réaliser qu'on est beaucoup dans l'image. On reste dans une position qui paraît bien. Une job qu'on aime pas, mais qui nous fait faire de l'argent, un couple qui ne nous passionne plus vraiment, mais, comme on a des enfants et que ça paraît mal de divorcer, on y reste. Pour X raisons, on passe à côté d'une partie de notre vie. On ne peut pas toujours blâmer les autres pour les malheurs qui nous arrivent, mais on a quand même un certain contrôle et si nous on lâche et on choisit de prendre des antidépresseurs pour se mettre sur le pilote automatique, et bien c'est notre problème. »
Morissette en est à son premier long métrage, mais il a beaucoup d'expérience de télévision. Il a notamment créé la série C.A. qui a connu un succès impressionnant dans les foyers québécois de 2006 à 2010.
« À un moment donné, j'avais pensé faire une saison supplémentaire de C.A. avec cette idée que j'avais. Mais ça ne cadrait pas avec les personnages, donc j'ai laissé tomber et j'ai décidé d'en faire un film. »
« Au début, ça m'achalait que ça ressemble autant à C.A., mais à moment donné je me suis dit que c'était mon ton à moi. Tout le monde se cherche un ton, celui-là, c'est le mien. Si les gens font : On dirait C.A., eh bien je répondrai : Merci! »
Y a-t-il eu de l'improvisation sur le plateau du mirage? « Je me méfie beaucoup de l'improvisation. Cette fameuse très bonne idée que tu as sur le plateau, des fois ça tient la route, mais vraiment pas toujours. Quand tu as fait 18 versions du texte, que tu l'as lu 100 fois, il y a de bonnes raisons pour lesquelles cette réplique-là est là. De façon isolée, le gag que tu viens d'inventer était peut-être fantastique, mais quand tu arrives en montage, tu réalises que, dans l'ensemble, ça ne marche pas. Je me méfie beaucoup du plaisir. Des fois, on se fait prendre par la nouveauté. »
On dirait que les personnages ont été pensés pour les acteurs tellement l'esprit de chacun d'eux transparaît de manière naturelle à l'écran. « En écrivant, j'ai pensé à Julie et Patrice. Ricardo a voulu valider mes intentions. En même temps, Julie, je la connais depuis 15 ans, elle a déjà joué mes textes pendant 4 ans, je connais son delivery. Les textes étaient même un peu écrits selon sa façon de s'exprimer. Elle est arrivée en audition, et Ricardo a su que c'était elle. Christine, c'est ma révélation. Le rôle de Roxanne en est un tellement important. Si elle n'est pas bonne, si on ne croit pas en son personnage, le film est mort. Il perd tout son réalisme. Si elle est trop niaiseuse, ça marche pas. Elle doit toujours être sur la ligne. Elle est charmeuse, mais rien de trop exagéré, il faut qu'on sente que c'est lui qui se fait des idées. Christine m'impressionnait sur le plateau. Quand elle finissait ses scènes, Robitaille et moi, on riait parce qu'on la trouvait parfaite. »
Et Ricardo, c'était le premier choix? « Je suis un fan d'Horloge biologique, et d'Horloge au Mirage il y a une parenté, il y a une décennie entre les deux, mais il y a une parenté indéniable. Ricardo et moi, on a le même agent. Et je savais que Ricardo faisait ses films, pas ceux des autres. Je lui ai envoyé le scénario, il l'a lu, et il m'a dit qu'il voulait le faire. J'étais vraiment content. Ça été une ride smooth. On est arrivé à la fin du montage, et on s'est regardé et on a dit : C'est ça. Moi ça me va. Ça été très facile. »
« Ricardo, c'est vraiment un clown. C'est l'une des personnes les plus drôles que j'ai vues de ma vie. Mais derrière tout ça, c'est un leader très fort. Et ça fait des équipes qui ont envie de le suivre. C'est aussi quelqu'un qui a un instinct incroyable. »
Ricardo Trogi n'a aussi que de bons mots pour son confrère. « Louis n'essaie pas de réinventer quelque chose, il garde ça près de ce que c'est, de ce que ça devrait être. C'est de l'observation. Ça ressemble à ses amis, ça ressemble à lui, ça ressemble à moi. Je fais un peu la même chose quand j'écris aussi, je comprends donc le principe. Tu n'essaies pas de créer des artifices pour être divertissant, tu fais confiance à ce qui se passe dans la vie en te disant que ça va être divertissant quand même, et ça marche ce pari-là la plupart du temps. »
Pourquoi avoir décidé d'embarquer dans ce projet-là? « Je faisais partie du public cible. C'était difficile de dire non. J'ai le même style de vie qu'un paquet de Québécois. Je suis en banlieue, j'ai une famille, j'essaie de joindre les deux bouts. Je suis embarqué dans une roue, la roue officielle dans laquelle on embarque un moment donné, je suis dedans et je cours en ce moment. Quand tu es rendu au point où il faut que tu gères tout : les enfants, leur école, la blonde, la job; être l'amant, le père et le pourvoyeur. Je serai pas plus occupé dans ma vie que je le suis en ce moment, c'est sûr. »
Le réalisateur a un terme assez juste pour décrire Le mirage : une comédie dramatique ++. « C'est plus dramatique qu'une comédie dramatique conventionnelle où à un moment il y a une petite scène triste. C'est plus que ça. C'est une montagne russe. À la 50e minute, ça commence à moins bien aller et ça déboule jusqu'à la fin. »
Le mirage prend l'affiche mercredi prochain sur plus de 50 écrans à travers le Québec.