Le réalisateur Louis Bélanger (Gaz Bar Blues, The Timekeeper), présentera son nouveau film, Route 132 (précédemment intitulé Demande à ceux qui restent) dès mercredi dans 25 salles à travers le Québec. Présenté en ouverture du Festival des films du monde, le film a valu à son interprète principal François Papineau le prix masculin d'interprétation de la compétition officielle.
Alexis Martin, Alice Morel-Michaud, Andrée Lachapelle, Benoît McGinnis et Sophie Bourgeois complètent la distribution du long métrage, dont le scénario a été rédigé par Louis Bélanger et Alexis Martin.
Pour le réalisateur, Route 132 s'inscrit dans la logique de sa filmographie. « C'est logique pour moi d'être capable de faire ce film-là après Timekeeper. C'est mon deuxième film en cinémascope, c'est mon deuxième film à l'extérieur de Montréal, dans la nature, dans une mise-en-scène très différente... Je continue à apprendre en faisant du cinéma, c'est un métier où je continue à achever des choses que j'avais commencées il y a longtemps. »
Sur un plateau, il faut que tous les éléments fonctionnent au même moment. « Ça ne me dépeigne plus ben ben... Je ne suis plus nerveux sur un plateau, je suis même très à l'aise. Je suis fébrile, mais je ne suis pas dépassé. Sur ce film-là, j'ai eu un premier assitant-réalisateur efficace, très très bon, qui a compris le film que je voulais faire, qui a défendu le film auprès des producteurs, avec un sens de la photographie aussi raffiné. »
Et pour le choix des comédiens... « Je ne fais pas de casting, j'appelle. Je sais ce que je veux. Je travaille toujours avec la même personne, Emmanuelle Beaugrand-Champagne, et je discute beaucoup du film. Elle sait avec qui j'ai envie de travailler. »
Un film réaliste comme celui-ci profite-t-il du naturel des premières prises? « Je pense que les premières prises sont souvent les meilleures, parce qu'après ça, les acteurs deviennent tannés de répéter. Ils deviennent tannés de leur jeu, ils s'étonnent moins, ils s'écoutent moins. Les gars avaient une bonne compréhension du scénario. François Papineau, une de ses grandes qualités quand il lit un scénario, c'est qu'il ne lit pas seulement son personnage, il lit le scénario. »
Ce dernier croit aussi que les premières prises sont les plus naturelles. « J'ai tendance à croire que les premières prises sont les meilleures, mais, au cinéma, il y a une mécanique qui s'est installée qui fait que la technique n'est jamais prête pour les premières prises. Il faut capter ce moment où tu n'es sûr de rien, où tu n'es pas en train de corriger des affaires que tu as entendues, de t'ajuster. On les prépare les scènes, mais la spontanéité de la première fois, c'est quelque chose de précieux. »
Assez peu de films s'intéressent à l'émotion masculine. « C'est un beau portrait d'hommes qu'on a dans ce film-là. Ce n'est pas misérabiliste, ce sont des winners, dans un sens. Oui, ils prennent des mauvaises décisions, mais ils réussissent à changer même leurs préjugés par rapport à eux-mêmes. Gilles refuse l'emballage de la mort comme on la connaît, et il décide de se pousser. Je trouve ça plausible, moi. »
« La force de la dynamique du personnage, c'est d'être avec le personnage de Bob, qui est en contraste total d'avec Gilles. Il est quand même respectueux et harmonieux : c'est lui qui s'en occupe, mais en même temps, il ne le vit pas ce drame-là, il faut des jokes à côté. Même avec quelqu'un qui est en déprime, la joke est bonne! » D'autant qu'il est assez présomptueux de prétendre « comprendre » ou « partager » le deuil de quelqu'un. « C'est vrai! On peut être sensible à son deuil, mais le comprendre, non. »
Pour Alexis Martin, qui est aussi co-scénariste et metteur en scène au théâtre, le choix des comédiens passe aussi par l'envie de travailler avec un acteur. « Je dois dire que je suis assez d'accord avec Louis. Au théâtre, j'ai engagé assez souvent des gens sans faire d'audition. Au cinéma, quand on suit bien l'actualité et qu'on connaît les acteurs. Comme scénariste, je n'ai pas de problème avec ça du tout... Malgré que, même si on a travaillé ensemble pendant quatre ans sur le scénario, on n'a pas nécessairement les mêmes descriptions physiques. J'ai été surpris de ses suggestions et il a été surpris des miennes... mais comme scénariste, ce n'est pas ma prérogative de choisir les acteurs. »
Et au sujet des premières prises? « Il n'y a pas de loi mécanique absolue là-dedans, mais c'est vrai qu'il y a une fraîcheur dans les premières prises. Mais en même temps, la compréhension n'est pas toujours parfaite. Il y a des scènes que tu as intérêt à ne pas refaire quinze fois, surtout les scènes où tu dois jouer la surprise, c'est dur à reproduire indéfiniment, surtout physiquement, parce que le corps finit par anticiper. » L'expérience au théâtre doit aider énormément. « Très juste. Le théâtre est la bonne école pour ça : c'est de renouveler, de rafraîchir tous les soirs. »
Route 132, c'est aussi l'histoire d'un deuil masculin. « C'est l'histoire de jeune père aussi. Intuitivement on a essayé de reproduire l'itinéraire d'un deuil. On n'a pas fait une enquête psychologique, on l'a fait intuitivement. La psychologie humaine fait que tout est possible, il n'y a pas de réaction systématique pré-établie, personne ne réagit de la même façon à la mort d'un proche. »
« Il s'en va parce qu'il n'est pas prêt. Le rapport au corps, au cadavre, a beaucoup été escamoté dans nos sociétés. Mon grand-père me racontait qu'il veillait au corps pendant des jours, parfois, souvent dans le salon même du défunt. Aujourd'hui, tout ça a été accaparé par des professionnels, par une industrie qui tient les gens à distancer du corps, à distance face à la mort. Peut-être que le personnage de Gilles est en réaction par rapport à ça. »
« Quand le film finit, tout commence pour Gilles. Il va devoir faire le travail du deuil. »