2024 aura été une autre année faste pour le septième art. Peut-être moins au niveau des suites (hormis le spectaculaire Dune: Part Two) que des divertissements de grande qualité, malheureusement trop souvent ignorés au box-office (comme ce fut le cas de Megalopolis, Blink Twice et Monkey Man). Entre les incroyables récits angoissants (I Saw the TV Glow, The Substance) et les animations flamboyantes (Linda veut du poulet, Robot Dreams, Memoir of a Snail, Flow), il y en a eu pour tous les goûts. Loin d'être en reste, notre cinéma a offert quelques pépites marquantes avec Tu ne sauras jamais, Soleils Atikamekw et Comme le feu.
Quels sont les films qui m'ont le plus marqué? Voici mon palmarès des 10 meilleurs longs métrages qui ont pris l'affiche au Québec entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024.
10. ALL WE IMAGINE AS LIGHT (Au-delà de la lumière)
La liberté est partout dans cette douce chronique qui rend le coeur plus léger. Pendant que la réalisatrice Payal Kapadia filme délicatement et même sensuellement Mumbay à l'aide d'images étonnantes, ses héroïnes forment un cocon de sororité afin de résister aux traditions machistes de la société indienne. Ensemble, elles imaginent un lieu où tout est possible et ça, c'est de plus en plus rare au cinéma.
09. PERFECT DAYS (Les jours parfaits)
Le bonheur est simple. Il ne faut parfois qu'un peu de beauté, un sourire ou une jolie mélodie pour l'atteindre. Il s'avère omniprésent dans cette fiction minimaliste de Wim Wenders - sa meilleure depuis son culte Les ailes du désir -, qui retourne à Tokyo pour suivre un homme qui nettoie les toilettes publiques. Une création lumineuse et irrésistible, portée par le charisme illimité de Kôji Yakusho.
08. ALL OF US STRANGERS (Sans jamais nous connaître)
Impossible de demeurer de marbre devant cette magnifique romance. L'Anglais Andrew Haigh signe une histoire mélancolique à souhait où le passé et le présent, le réel et le fantasme, sont conviés pour danser un beau grand slow sur des chansons de Frankie Goes to Hollywood et des Pet Shop Boys. La chimie qui opère entre Andrew Scott et Paul Mescal atteint des sommets d'intensité.
Une scène du film Perfect Days - Entract Films
07. EVIL DOES NOT EXIST (Le mal n'existe pas)
Après son majestueux Drive My Car, Ryûsuke Hamaguchi quitte la ville pour les grands espaces japonais, traitant encore une fois de l'incommunicabilité, cette fois entre la nature et l'être humain. Le mystère plane dans l'air, la musique godardienne d'Eiko Ishibashi cristallise les sens et la tension va crescendo jusqu'à exploser lors d'une finale mémorable et médusante. Se promener en forêt prend aujourd'hui un tout autre sens.
06. INSIDE THE YELLOW COCOON SHELL (L'arbre aux papillons d'or)
C'est un véritable chemin de foi que propose Thien An Pham avec son remarquable premier long métrage. En prenant tout son temps, en étirant ses plans, le metteur en scène vietnamien arrive à capter ce qui fait de nous des êtres humains, répondant à des questions que l'on se pose depuis la nuit des temps comme « où va-t-on? » et « suis-je heureux? ». Un voyage qui illumine l'existence et qui nous rapproche de l'essentiel.
05. FOUR DAUGHTERS (Les filles d'Olfa)
L'art pour panser - et penser - le réel. C'est ce que propose la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania afin de soigner les plaies d'Olfa, qui a vu deux de ses filles se faire dévorer par le Démon. Par le moyen de la reconstitution, cette femme arrive à converser avec les disparues et le résultat en place, intime et bouleversant, se veut également un immense acte politique. Difficile de trouver un documentaire plus original que celui-ci.
04. DO NOT EXPECT TOO MUCH FROM THER END OF THE WORLD (N'attendez pas trop de la fin du monde)
Radu Jude ne fait rien comme les autres. Auteur de productions iconoclastes, le Roumain questionne les limites de l'individu dans une société qui ne jure que par le moment présent. Le voici s'embarquer dans une délirante odyssée qui n'épargne rien ni personne, faisant rire aux larmes tout en laissant béat par son utilisation phénoménale de la forme cinématographie. C'est trash, radical et inoubliable.
Image du film Les herbes sèches
03. THE ZONE OF INTEREST (La zone d'intérêt)
Les films sur la Shoah se suivent et se ressemblent? Ce n'est pas le cas de ce chef-d'oeuvre de Jonathan Glazer qui réinvente complètement le genre. En privilégiant le son et tous les non-dits qu'il invoque, le cinéaste britannique filme la banalité du mal, qui se tient là, juste à côté de nous, mais qu'on préfère ignorer. Même la tête dans le sable, on finit par demeurer complice des atrocités qui se déroulent ici et ailleurs. À glacer le sang.
02. ABOUT DRY GRASSES (Les herbes sèches)
Immense. C'est le meilleur terme pour qualifier le plus récent opus de Nuri Bilge Ceylan. Les majestueux paysages arides de l'Anatolie semblent engouffrer les personnages tchékhoviens. Demeurer ou partir, telle est la question de ces âmes mortes vacillantes et imparfaites qui renaissent au contact des autres. L'essentiel pour se rapprocher d'au plus près de la condition humaine.
01. CLOSE YOUR EYES (Fermer les yeux)
Pour son premier long métrage en plus de 30 ans, le maître espagnol Victor Erice fait acte de mémoire en rappelant ce qu'on finit par oublier : l'importance des souvenirs, de retrouver cet ami dont on est sans nouvelle depuis trop longtemps, et d'assister à un film dans une salle de cinéma. Il signe avec ce nouveau sommet une oeuvre testamentaire d'un grand pouvoir d'évocation qui habitera le spectateur pendant longtemps.
Mentions spéciales : Anora, Bird, La chimera, Dahomey, Foudre, La jeune femme à l'aiguille, Ryuichi Sakamoto: Opus, Totem.
Et 2025? Voici quelques titres qui pourraient déjà se retrouver dans nos tops de l'année prochaine...
- Nickel Boys de RaMell Ross : le prochain Moonlight.
- Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof : braver l'interdit et choisir l'exil afin de pratiquer son art.
- L'histoire de Souleymane de Boris Lojkine : un suspense social implacable dans la lignée des grands opus des frères Dardenne.
- Miséricorde d'Alain Guiraudie : une oeuvre savoureuse et surprenante, avec une des plus belles figures de curé du septième art.