Il y a un peu plus d'un an, le cinéaste québécois Xavier Dolan, alors âgé de 34 ans, faisait part de sa volonté de mettre derrière lui sa carrière de réalisateur, déclarant au passage : « Je vais me construire une maison et aller m'y réfugier avec mes amis et regarder le monde brûler ».
Puis, à la surprise d'absolument personne, nous apprenions en début de semaine que le principal intéressé était déjà de retour au boulot, préparant un nouveau long métrage décrit comme un amalgame de plusieurs genres, comprenant certains éléments horrifiques, et se déroulant dans le monde littéraire du Paris de la fin du XIXe siècle.
Une annonce qui survient aussi quelques mois après le Festival de Cannes, où Dolan a agi à titre de président du jury de la section Un certain regard.
Bref, le gars peut se sortir des vues, mais on ne peut pas sortir les vues du gars, comme dit en bon québécois.
En fait, le plus surprenant dans toute cette histoire, c'est la vitesse à laquelle a été annoncé ce nouveau projet. Un virage à 180 degrés qui n'est pas sans rappeler le moment où Jean Leloup avait mis en scène sa propre mort artistique en brûlant sa guitare... pour ensuite poursuivre sa carrière sous le nom de Jean Leclerc... avant de ressusciter quelques années plus tard le personnage public de Jean Leloup...
Revenant sur ses propos tenus à l'été 2023, Xavier Dolan a notamment parlé d'un manque de volonté et d'énergie créatrice, ainsi que la difficulté à situer l'importance du septième art dans un monde ayant été témoin de l'éclatement et de l'envenimement de plusieurs conflits armés au cours des dernières années.
Évidemment, nous n'aurons probablement jamais un portrait complet des raisons ayant mené à cette décision précipitée. Mais d'un point de vue purement professionnel, Xavier Dolan a tout de même entamé sa carrière de cinéaste à un très jeune âge, avant de réaliser coup sur coup huit longs métrages en dix ans, en plus d'entretenir une carrière d'acteur et de doubleur qui allait également bon train.
Disons que ça fait beaucoup...
Puis il y a eu le cas problématique de The Death and Life of John F. Donovan qui, pour Dolan, était une première opportunité de percer le marché américain. Et tout porte à croire que ce dernier a vu un peu trop grand pour ce passage du côté du cinéma anglophone, alors que plusieurs idées, pistes narratives et même têtes d'affiche ont fini par aboutir sur le plancher de la salle de montage.
Cela peut aussi expliquer que Dolan ait enchaîné avec Matthias et Maxime, une comédie dramatique au ton plus décontracté et à l'approche beaucoup plus simple et directe.
Le fait que le réalisateur ait eu le réflexe d'annoncer carrément sa retraite plutôt qu'une pause est certainement évocateur d'une problématique plus large et complexe.
Entre des conditions de production de moins en moins évidentes et de plus en plus limitatives, il est aussi question au coeur de la nouvelle génération d'artistes - toutes disciplines confondues - de la constante pression de devoir demeurer dans l'oeil souvent ingrat du public, de ne pas toujours avoir l'opportunité de prendre un pas de recul ou de simplement exister loin des projecteurs et des réseaux sociaux.
Entre ces deux extrêmes, un juste milieu est-il possible?
La vitesse à laquelle le temps file dans un monde où tout est désormais quantifiable tend à nous faire croire que non. Ou peut-être n'avons-nous finalement que nous-mêmes à blâmer - collectivement - pour continuer de nourrir une telle anxiété de performance, jusqu'à éteindre la flamme de ce qui nous allume le plus.