Ces dernières années, il semble que l'inspiration au pays de la paillette commence (!) à manquer et au lieu de tenter de démarrer de toutes nouvelles franchises avec des bases fraîches, Hollywood préfère miser sur le bon vieux combo père-fils pour assurer une transition cohérente entre d'anciennes franchises archi lucratives et une nouvelle mouture. Et dans une certaine mesure, le pari est peu risqué et relativement rentable. Les nostalgiques y trouvent généralement leur compte et une nouvelle génération de cinéphiles - les salles sont principalement fréquentées par des adolescents - peuvent s'approprier ainsi les classiques de leurs aînés et s'en créer de nouveaux.
C'est sans doute dans cette optique que A Good Day to Die Hard a été produit. Un bonbon, gavé d'explosions et de poursuites abracadabrantes où l'on tente sans succès d'amener un semblant de profondeur, le temps de trois répliques, à une relation père-fils totalement improbable et forcée. Mais pour s'attacher à de nouveaux personnages, il faut du temps et le désir mercantile évident derrière une production aussi inutile que tapageuse donne presque envie d'en rire. Malheureusement pour la franchise, ce scénario, qui aurait eu pour objectif de transmettre l'héritage de John McClane à son fils, est aussi insipide que le personnage de junior. Avoir un beau minois et des gros bras ne sont pas suffisants pour que l'on croie qu'il s'agisse de l'héritier du légendaire John - Yippi Kay Yay! - McClane. Dans un contexte où les legs de franchises sont aussi bien ficelés que The Dark Knight Rises, A Good Day to Die Hard fait figure d'enfant cosanguin ! Comme quoi, les affaires de famille, ce n'est pas toujours beau à voir !
On est loin de The Godfather qui a réussi à se démarquer à cet égard. Voilà une histoire de famille dont les chapitres s'intègrent parfaitement les uns aux autres et dont l'histoire même était la passation de pouvoir du père au fils. Pas de clichés ici, seulement des personnages très complexes, un contexte historique extrêmement bien recherché et mis en scène, des acteurs de talents, un réalisateur en pleine possession de ses moyens. Dans ce cas précis, la trilogie n'était pas qu'un prétexte pour engranger de l'argent au box-office. Produite à une époque où les studios avaient encore pour objectif de raconter de bonnes histoires et où ils investissaient dans les scénarios originaux et étoffés, la série de Coppola a résisté à l'épreuve du temps.
Car les relations père-fils à l'écran n'ont pas toujours été teintées de cette obsession lassante d'étirer les franchises jusqu'à en retirer toute la substance. En effet, lorsque Sean Connery a été choisi pour incarner le père de Harrison Ford dans Indiana Jones and the Last Crusade, les préoccupations n'étaient pas les mêmes que lorsque Lucas et Spielberg se sont réunis pour Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull. Naturellement, pas d'Indiana Jones sans Harrison Ford - les fans ne leur auraient pas pardonné - et l'âge de Ford posant problème, il était presque impossible de concevoir un scénario faisant abstraction des vingt années écoulées entre les deux films. La solution d'intégrer le personnage de Mutt (Shia LaBeouf), fils illégitime du professeur Jones, devenait pratiquement la seule solution logique.
Heureusement, il n'est pas clair que Lucas et Spielberg ait véritablement voulu démarrer une franchise avec le personnage de LaBeouf, mais certaines indications, parsemées dans Skull, peuvent laisser croire qu'ils en aient eu l'intention. On n'a qu'à penser au motif récurrent du fedora d'Indiana Jones dans le film, dont la première utilisation, combinée au thème musical, symbolise à lui seul l'incarnation du héros. Ce même chapeau, à la fin du film, est ramassé par terre par LaBeouf qui se relève pour le caler sur sa tête, de la même manière que Ford. Or, la transmission du chapeau devient en quelque sorte la transmission d'un flambeau, le renouvellement d'une franchise. Reste à voir si les créateurs donneront suite, mais il semble improbable que l'on puisse donner à LaBeouf prédominance dans une franchise dont le nom est celui du héros incarné par Ford.
Disney a aussi tenté récemment de fournir une suite à un classique des années 80. TRON: Legacy, comme son nom l'indique, avait clairement pour objectif de redémarrer une machine éteinte et dont les origines, remontant aux balbutiements de l'informatique, avaient plutôt mal vieilli. Après avoir dépoussiéré le visuel du TRON original, et donné une profondeur métaphysique à l'univers créé par Flynn, sans compter la récupération habile de sonorités artificielles par la trame sonore de Daft Punk, TRON: Legacy offrait à ses spectateurs un emballage très séduisant. Par rapport à Die Hard et Indiana Jones, Legacy possède un avantage crucial : le film original - un seul film et pas une franchise culte - était si ancien qu'il permettait pratiquement aux créateurs de repartir à zéro. De plus, le héros d'origine, incarné par Jeff Bridges, n'avait pas la même aura auprès du public, permettant que l'on s'attache plus vite et mieux au personnage de Garrett Hedlund, le fils de Flynn. C'est peut-être pour cela qu'en définitive et malgré le succès mitigé du film, Disney a tout de même décidé de donner le feu vert à une suite, d'autant plus que la fin de TRON: Legacy, sans équivoque, laisse le champ libre à Sam afin de poursuivre l'oeuvre de son père disparu.
Avec l'acquisition de Lucasfilm par Disney et la mise en chantier des prochains chapitres de Star Wars, cette transmission de flambeau aura vraisemblablement un nouvel exemple lorsque Han Solo et Leia feront de leurs enfants des apprentis Jedi. Espérons que J.J. Abrams saura éviter les écueils et les clichés pour cette suite attendue... D'ici là, et si la tendance se maintient, on pourrait bien aussi voir apparaître, encore par la faute de Disney, une énième suite à Pirates des Caraïbes avec le fils de Jack Sparrow... Misère.