L'utilisation de la science dans les oeuvres de science-fiction peut s'avérer dangereuse lorsqu'il s'agit de prévoir l'avenir. Lorsque tout un film repose sur une prémisse scientifique, il est possible que l'avenir détruise l'intrigue même du film en démolissant l'hypothèse de base sur laquelle elle reposait. Ce vendredi, vingt ans (déjà!) après sa sortie initiale, Jurassic Park prend à nouveau d'assaut les salles de cinéma. Et le film n'a pas tant vieilli.
Encore au coeur des préoccupations actuelles se trouve l'éthique scientifique, les dangers pour l'humain de jouer à Dieu et l'importance grandissante de la génétique dans la compréhension, la prévention et l'amélioration de notre condition. Dans Jurassic Park, c'est notre propre extinction qui est mise en relief par l'utilisation de moyens génétiques afin de faire revivre des espèces disparues. Le moyen pour y parvenir, récupérer l'ADN fossilisé de dinosaures prélevé dans la panse de moustiques figés dans l'ambre, est peut-être un peu farfelu, mais tout de même plausible. Après tout, le National Geographic de ce mois-ci prouve la pertinence du sujet. Bien sûr, dans le film, on combine l'ADN fossilisé avec celui de grenouilles afin de créer une espèce transgénique hermaphrodite. De prime abord, cela semble ridicule... mais est-ce bien le cas?
Après tout, le géant de l'alimentaire Monsanto qui défraie la manchette ces derniers temps a bien trituré les gènes de ses semences pour en faire de véritables espèces « frankenstein » (voir ce lien). Et ce genre de manipulations ne datent pas d'hier. L'obsession humaine pour la perfection est telle que même les processus naturels les plus élémentaires ne sont plus à l'abri de notre orgueil et de notre cupidité. Pourtant, tous les biologistes vous le diront : la diversité génétique est à la base de l'évolution et de la survie des espèces. Manipuler les gènes peut menacer l'écosystème terrestre au complet et compromettre l'avenir de la vie sur Terre. Rien de moins: l'eugénisme est un danger réel.
C'est d'ailleurs la prémisse du film Gattaca, que plusieurs ont oublié, mais qui conserve encore aujourd'hui toute sa pertinence. Le film d'Andrew Niccol - également réalisateur du film The Host, paru la semaine dernière, et de In Time avec Justin Timberlake - demeure un incontournable pour quiconque apprécie les films ayant une profondeur philosophique. Il pose de nombreuses questions, encore d'actualité aujourd'hui. De quelle manière les gènes déterminent-ils véritablement qui nous sommes? Comment quantifier ce qui n'est, par définition, que qualifiable? Ce qui est bon est-il nécessairement beau, parfait, sans tare apparente? Notre génome est-il le maître de notre destin ou bien simplement le contenu de base de notre bagage à vécu? Ces questions, l'humain se les pose toujours et cela explique sans doute pourquoi le film peut encore être regardé aujourd'hui sans que l'on sente de distance entre nous et les protagonistes.
La même chose est vraie pour le film Contact, basé sur le livre de Carl Sagan, et dont la prémisse prévoit que si la vie existe et si un contact entre nous et d'autres espèces se produit, les mathématiques seront la seule base universelle pouvant permettre de communiquer avec elles. Bien que la représentation visuelle du film de Robert Zemeckis soit datée, il n'en demeure pas moins que les bases scientifiques solides, érigées par l'astronome Sagan, restent encore valides à ce jour et que les implications philosophiques le sont tout autant. Qui sommes-nous? Quelle est notre place dans l'Univers? L'âme existe-t-elle? Qu'est-ce que le temps? Y a-t-il un Dieu? La science n'a-t-elle pas le devoir de tenter de répondre à ces questions?
Ce qu'il y a de commun entre Jurassic Park et Contact est la formation des deux auteurs dont les livres ont inspiré les films du même nom. Tous deux scientifiques, tous deux très talentueux, ils ont su éviter les écueils qui guettent souvent ce genre d'histoire et leur retirent toute crédibilité. Gattaca est l'exception à cette règle, puisque rien n'indique que Niccol ait eu une quelconque formation scientifique préalable. Néanmoins, lorsque ce genre d'histoire est proposée à un studio, il arrive généralement que des consultants soient engagés afin de valider certains points. Sauf qu'il arrive que les studios commettent des erreurs majeures qui sont plus tard décriées par les cinéphiles.
On n'a qu'à penser récemment à Prometheus qui avait pour prémisse la découverte par des humains d'une race extraterrestre - les Ingénieurs - ayant vraisemblablement laissé leur ADN sur Terre pour créer l'Homme et lui laisser suffisamment d'indices pour qu'il puisse effectuer un voyage dans l'espace afin d'aller les retrouver. Les explorateurs partent donc, emmenant avec eux dans leur périple une panoplie de scientifiques... et une fois rendus sur place, même les biologistes ne semblent pas s'en faire avec les risques de contamination par des pathogènes inconnus! Ainsi, bien que le film de Ridley Scott soit intéressant, de nombreuses erreurs se glissent au scénario, erreurs qui finissent par agacer même le spectateur le plus enthousiaste.
Il ne faudrait pas non plus oublier le faible I Am Legend où un scientifique, incarné par Will Smith, tente de faire un vaccin à partir de son sang afin de prévenir la propagation d'un virus responsable de la transformation des humains en vampires sanguinaires... Or, n'importe quel médecin pourra vous confirmer qu'un vaccin doit contenir ledit virus. Ce dernier est injecté au patient afin que le système immunitaire puisse développer lui-même les anticorps correspondants. Ainsi, il est ridicule même d'affirmer que le sang d'une personne saine peut receler une solution quelconque à une pandémie...
Bien qu'il y ait très longtemps qu'on en ait vu un, l'espoir de connaître à nouveau un film dont la prémisse scientifique sera intelligemment portée à l'écran - et qui fera époque comme ce fut le cas pour Jurassic Park - est toujours vivant. Surtout que récemment, le talentueux Christopher Nolan a annoncé qu'il s'attaquait à Interstellar. Le film, basé sur les théories quantiques de Kip Thorne, un physicien américain, impliquera voyages dans le temps et dimensions parallèles. Difficile de prévoir cependant si la vulgarisation de concepts aussi complexes fera partie du scénario ou si, au contraire, la partie vulgarisée sera gommée au profit de l'action. Chose certaine, si l'on se fie à la feuille de route du réalisateur, le résultat risque d'être intéressant...