Au Québec, au sein de notre cinéma, on a exploité de nombreux types d'humour; l'absurde (Ding et Dong le film), le burlesque (Cruising Bar), la comédie de situation (Les 3 p'tits cochons et bien d'autres), la comédie sportive (Les Boys), la comédie sentimentale (French Kiss) et même, la comédie d'horreur (Cadavres). Un autre genre humoristique qui a pris de l'ampleur il y a quelques années est la comédie ethnique. Depuis toujours les Québécois savent rire de leurs travers, ils connaissent leurs limites et leurs faiblesses et n'ont pas peur de les exposer au grand jour/écran. Avec la sortie de French Immersion cette semaine, qui raconte l'histoire d'adultes anglophones de tous les horizons qui se rencontrent dans une petite municipalité québécoise dans le but d'apprendre le français, nous nous sommes penchés sur cette facilité que le Québécois moyen a de se moquer de ses propres faiblesses et de les assumer jusqu'à en redemander aux cinéastes. Mais attention, il ne faut pas abuser de la propension naturelle du Québécois à l'autodérision, parce qu'il peut mordre s'il se sent menacé.
L'une des preuves tangibles de cette transparence est probablement le film La Florida, paru en 1993, qui dévoilait un groupe de Québécois, des « Snowbirds » comme on a l'habitude de les appeler, qui fuient le froid mordant de notre région nordique pour s'établir six mois par année dans le sud des États-Unis. La comédie a reçu la Bobine d'Or pour le plus grand nombre d'entrées au box-office canadien lors de sa sortie, en plus d'avoir été nominée pour huit prix Génies, incluant meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleur scénario. Le long métrage décrivait pourtant les Québécois comme des « habitants » naïfs sans grande classe, ni très instruits. Le même phénomène s'est produit avec Elvis Gratton. Le King, qui déclarait à tout vent « Ils l'ont tu l'affaire, les Américains! », est resté un personnage culte de notre cinématographie et pourtant c'est un colon (tant dans le sens de « colonisé » que de « crétin ») fédéraliste bedonnant en speedo qui hurle des insanités sur une plage de la république fictive de Santa Banana; absurde, oui, contestataire et caricatural, aussi, mais ne faut-il pas savoir rire de nos défauts de société pour accepter que cet être farfelu soit l'emblème, l'allégorie de notre nation?
Plus récemment, notre cinéma a tenté la comédie d'action avec le film Bon Cop, Bad Cop et, peut-être pour en assurer le succès ou l'efficacité de l'humour, les scénaristes ont décidé d'opposer un policier ontarien et un autre québécois forcés de travailler conjointement dans le but de résoudre un meurtre commis à la frontière séparant les deux provinces. Évidemment, l'idée laissait place à de nombreux quiproquos et à plusieurs divergences culturelles. Comme le passé nous l'a appris, les partisans de la fleur de lys apprécient voir leurs imperfections - et leurs qualités bien sûr - dépeintes à l'écran, mais si, en plus, ils peuvent s'amuser des défauts de leurs voisins - canadiens-anglais dans ce cas-ci -, ils en trépignent instinctivement de bonheur. Encore ici, le Québécois est décrit comme un individu sans grand raffinement par rapport à son complice ontarien, par contre, on a ajouté un aspect insurgé, rebelle, à ce personnage de bûcheron qui dépeignait le Québec comme un pays pourvu d'un peuple plus fort et plus solide que l'image qui en est généralement diffusée. Kevin Tierney - qui s'est inspiré du même thème pour produire son premier long métrage à titre de réalisateur - est l'un des marionnettistes derrière cette production, qui reste encore aujourd'hui l'un des longs métrages québécois les plus populaires de tous les temps (pratiquement nez à nez avec De père en flic) avec des recettes de 10 644 655 $.
Les disparités qui opposent les Québécois à leurs cousins français sont aussi très marquées et très riches en potentiel humoristique. Par contre, il semblerait que notre cinématographie n'ait pas encore su coupler le sarcasme, la satire tranchante des Français au franc-parler québécois. Les quelques films qui ont été produits sur le sujet ont connu des résultats plutôt décevants au box-office et ont reçu des critiques fort peu élogieuses. Le bonheur de Pierre, qui dépeignait les aventures de deux Parisiens venant s'établit au Saguenay en plein hiver, avait beaucoup déçu par ses textes complaisants et l'absurdité de ses personnages. Ce fut sensiblement le même scénario pour Romaine par moins 30, qui a connu un accueil froid et - à peine - poli lors de sa sortie dans les cinémas en février 2010. Sandrine Kiberlain y incarnait une Française qui, lors de vacances dans le Grand Nord québécois, fait la rencontre de divers hurluberlus qui transforment son périple au-delà de l'Atlantique en un cauchemar. Dans cette oeuvre, on présente le Québécois comme un être libertin et légèrement immoral en comparaison avec le sage et raisonnable Français. Les oppositions entre nos deux peuples sont énormes, mais il faudra attendre encore un peu - ou longtemps - pour voir immortalisées avec finesse nos distinctions au grand écran.
Si le cinéma est un reflet de notre société, il faut se rendre à l'évidence, le Québécois typique est un imbécile heureux. Jamais, lorsqu'on l'oppose à un autre peuple, le Québécois est décrit comme un être articulé et spirituel; il est plutôt le grassouillet candide qui boit de la bière sur une plage de Floride, la mégère qui joue au bingo dans un sous-sol d'église ou l'exhibitionniste racoleur qui ne vit que pour faire la fête. Mais puisque le Québécois n'est pas reconnu pour sa condescendance ou son caractère malin, il acceptera sa position de « bon vivant » et s'amusera même de cette dernière avec ses rationnels cousins français ou avec ses pragmatiques voisins ontariens.