La place des films d'animation dans le cinématographie hollywoodienne a augmenté considérablement ces dernières années. Jusqu'à maintenant, dans le top dix des longs métrages américains les plus profitables de l'année 2010, près de la moitié sont des films d'animation; Toy Story 3 (410 M $), Despicable Me (244 M $), Shrek Forever After (238 M $), How to Train Your Dragon (217 M $). On doit bien évidemment remercier au passage le 3D qui permet d'amasser plusieurs millions de dollars additionnels grâce au supplément tarifaire attaché au prix d'entrée. Mais, malgré cette escroquerie connue et tolérée qu'est le 3D, les films d'animation ont tout de même, depuis l'avènement des années 2000, joué un rôle économique important pour Hollywood. En 2006 et 2008, alors que la nouvelle technologie n'avait pas encore occupé les salles et nourri les polémiques, au moins trois films d'animation figuraient dans le classement des longs métrages les plus lucratifs en Amérique du Nord, ce qui était loin d'être le cas avant le début du 21e siècle.
De concert avec cette innovation récente dans le monde cinématographique, tous les grands studios ont dû acquérir une filiale spécialisée en animation. À titre d'exemple, Pixar et Walt Disney Pictures se sont jointes en octobre 2006, Fox Filmed Entertainment a acquis Blue Sky Studios en 1997 et Sony Pictures a fondé la compagnie Sony Pictures Animation en 2006. Toutes ces entreprises travaillent principalement avec une technique appelée « images de synthèse » ou CGI (computer-generated imagery), qui consiste en des graphiques créés et gérés par ordinateur. Selon le site officiel de la compagnie Pixar, Toy Story a été le premier long métrage à être produit entièrement grâce à cette technique. Le film a remporté plus de 362 millions $ à travers le monde et a montré la voie à plusieurs longs métrages maintenant considérés comme de jeunes classiques tels que Ice Age et Madagascar. Avant l'arrivée des pratiques informatiques, les films d'animation étaient faits à la main, grâce à des dessins que l'on juxtaposait l'un après l'autre pour créer un mouvement. La plupart des classiques de Walt Disney Feature Animation, dont le tout premier Snow White and the Seven Dwarfs, paru en 1937, ont utilisé ce procédé.
Cette multiplicité d'oeuvres d'animation dans le paysage filmique a également changé la vocation de ces derniers, migrant vers des postulats plus universels, plus généralistes, capable d'intéresser autant les parents que leurs jeunes progénitures. Même si WALL-E est porteur d'un message environnementaliste et humanitaire fort, il n'en reste pas moins attrayant pour les petits qui sont subjugués par les habiletés et réactions de ce mignon petit robot chargé de compacter les déchets de l'humanité. Il va de même pour Shrek qui, même s'il a la faculté d'amuser les bambins par ses manières rustres et comiques, tient des propos matures et parfois irrévérencieux qui plaisent aux parents sans gêner les crédules esprits enfantins. Bee Movie, qui traite d'un sujet sociétaire important sous des couverts d'oeuvre enfantine, et Up, qui met en scène un vieillard frustré et nostalgique (un personnage peu commun, mais énormément attachant), sont également des exemples de cette migration de l'animation vers une mission plus globale, à même de toucher un public de tout âge.
Mais tous n'ont pas le talent de vulgarisateur des concepteurs de Pixar ou les aptitudes novatrices des artisans de DreamWorks Animation. Il ne suffit plus d'avoir une bonne idée, originale et captivante, elle doit, pour être considéré comme assez efficace afin de faire compétition aux autres productions, s'adresser simultanément à différents groupes d'âge et classes de la société sans pour autant verser dans la facilité et l'imitation. Alpha and Omega, qui a pris l'affiche la semaine dernière et Legend of the Guardians: The Owls of Ga'Hoole, en salles depuis vendredi, sont de bons exemples de ces carences fréquentes dont souffrent les films d'animation; l'un trop infantile et prévisible et l'autre trop compliqué et théorique.
Bien sûr, peut-être me direz-vous que toutes les oeuvres n'ont pas la prétention de s'adresser à un large public, mais ces films dirigés, qui visent un auditoire spécifique, sont également conscients de leurs minces chances de rentabilité. Pour figurer dans les pôles positions du box-office, le film d'animation doit forcément se démarquer, ne pas s'adresser uniquement aux enfants (tel que le faisait The Ant Bully) - ni uniquement aux adultes, comme c'était le cas de 9 - et, dans le meilleur des cas, mettre en vedette la voix d'un acteur connu (même si au Québec, subissant les affres de la traduction, nous ne sommes que partiellement concernés), comme Mike Myers ou Steve Carell l'ont fait par le passé.
Peut-être que cet engouement pour les films d'animation n'est que passager. Mais que l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences (l'organisation qui compile les votes pour la cérémonie des Oscars) ait permis aux longs métrages d'animation de se retrouver parmi les finalistes dans la prestigieuse catégorie du « meilleur film » est un exemple concret de l'essor de ce genre cinématographique au coeur de l'industrie. Peut-être que lorsque l'une de ces productions remportera l'Oscar du meilleur film, nous pourrons affirmer avec certitude que le long métrage d'animation joue maintenant dans la cour des grands.