Il n'y a pas si longtemps, au début des années 2000, le nom M. Night Shyamalan était sur toutes les lèvres. Avec son chef d'oeuvre The Sixth Sense, le réalisateur indien a confondu des millions de spectateurs à travers le monde, a été nominé pour deux Oscars et était l'un des cinéastes les plus prometteurs de ce nouveau siècle. Par contre, contrairement à Christopher Nolan qui sortait de l'ombre presque simultanément grâce à son incroyable Memento, Shyamalan n'a cessé de nous décevoir année après année, film après film.
Titré After Earth, le plus récent projet de M. Night Shyamalan a pris l'affiche vendredi dernier dans les salles nord-américaines. Beaucoup de gens ignorent que le film de science-fiction est réalisé par l'homme derrière The Sixth Sense. Puisque son nom n'est maintenant plus associé au succès, le studio préfère miser sur des têtes d'affiche comme Will Smith et son fils pour vendre son produit, plutôt que de se raccrocher aux vieilles gloires d'un réalisateur en déclin. Son nom n'est même pas mentionné dans la bande-annonce... Que s'est-il passé?
M. Night Shyamalan, Manoj Nelliyattu Shyamalan de son vrai nom, est né le 6 août 1970 à Pondichéry dans le sud-est de l'Inde. Il a réalisé son premier long métrage alors qu'il étudiait encore à l'Université de New York; il s'agissait d'un drame autobiographique titré Praying with Anger. Le film est sorti en première mondiale au Festival du Film de Toronto en septembre 1992. Trois ans plus tard, Shyamalan tourne son deuxième long métrage, Wide Awake, qui n'est projeté dans les salles qu'en 1998 et connaît un échec commercial. Il travaille ensuite sur l'adaptation du roman pour enfant Stuart Little pour le cinéma avec Greg Brooker. Un film qui sera réalisé par Rob Minkoff. C'est seulement en 1999, lors de la sortie de son troisième film, The Sixth Sense, que la carrière du réalisateur explose.
The Sixth Sense est, encore aujourd'hui, considéré comme un classique du genre. L'histoire de ce jeune garçon (Haley Joel Osment) qui peut parler avec les morts et qui est traité par un psychologue pour enfant, interprété par Bruce Willis, a tôt fait de charmer la planète. Sa finale surprenante est l'un de ses principaux intérêts et la raison pour laquelle on parle encore de ce film aujourd'hui. Le drame psychologique a amassé des recettes de 293 millions $ lors de sa sortie en Amérique du Nord, se classant en deuxième position des films les plus rentables cette année-là derrière Star Wars: Episode I - The Phantom Menace. Le long métrage, qui avait un budget de 40 millions $, a valu à Shyamalan deux nominations aux Oscars; une pour le meilleur réalisateur et l'autre pour le meilleur scénario.
Fort de l'énorme succès de The Sixth Sense, M. Night Shyamalan fonde sa propre compagnie de production, Blinding Edge Picture, qui sera derrière tous ses films suivants. Un an seulement après la sortie de Sixth Sense, Shyamalan présente son quatrième lors métrage, Unbreakable, un film dans lequel un gardien de sécurité ordinaire est le seul survivant d'une catastrophe ferroviaire. Unbreakable n'obtient pas le même succès que son précédent film (seulement 95 millions $ au box-office nord-américain) mais comble tout de même les attentes des (nouveaux) fans grâce à une production intelligente et empreinte du mystère que l'on attend de Shyamalan. Sa réalisation est très soutenue, ses mouvements de caméra caractéristiques et flagrants. On sent qu'il cherche à se différencier, à établir de nouvelles balises.
Bruce Willis figure aussi au générique de Unbreakable. M. Night Shyamalan en fera, dès lors, une habitude de s'associer à des acteurs populaires. Samuel L. Jackson, Joaquin Phoenix, Mel Gibson, Paul Giamatti et Mark Wahlberg feront partie des stars qui tiendront la vedette dans ses films.
Dès son cinquième film; Signs, la qualité de ses productions diminue de manière précipitée. Elles sont de moins en moins ingénieuses et de plus en plus prévisibles. Signs est le premier pas de cette déchéance vertigineuse vers le désintérêt populaire. Comme il est la première étape, il est aussi le moins pire du groupe. Cette histoire d'extraterrestres qui s'expriment à l'aide de signes mystérieux dans le champ d'un pasteur/cultivateur avait de quoi intriguer les cinéphiles. Ils ont d'ailleurs été au rendez-vous - encore, à l'époque, intrigués par les nouveaux projets de Shyamalan - puisque la production a amassé 227 millions $ au box-office nord-américain et 180 millions $ dans le reste du monde.
Il y a ensuite eu The Village, qu'il était ardu de prendre au sérieux, Lady in the Water, incohérent, d'un burlesque mal exprimé et The Happening, (...). Les critiques étaient de moins en moins emballés et les spectateurs de moins en moins présents (114 millions $ pour The Village, 42 pour Lady in the Water et 64 pour The Happening). Après The Happening, Shyamalan s'est investi d'une mission hasardeuse; celle d'adapter un manga; The Last Airbender. Comme la franchise avait déjà son lot de fans, le film a tout de même connu un succès respectable en salles, mais les commentaires négatifs, tant des connaisseurs et des novices, n'ont pas aidé à sa profitabilité.
Le portrait peu reluisant de la carrière de M. Night Shyamalan ne nous permet pas d'entrevoir un retour en force du réalisateur dans les prochaines années. La renaissance n'est pas impossible, mais fort peu probable en vue de tous les efforts qu'il a pourtant déployés pour se sortir de son impasse.
On peut affirmer sans hésitation que la carrière de M. Night Shyamalan n'est pas couronnée que de succès, mais il serait très malhonnête de prétendre qu'il s'est assis sur ses lauriers. Le cinéaste indien a essayé de se renouveler tout en conservant ses racines et son style. Le résultat n'est pas emballant, certes, mais l'effort y est. Malheureusement, il n'y a pas de trophée de participation à Hollywood et encore moins de gala qui la souligne. Après avoir été le « talk of the town », Shyamalan reprend sa place parmi les inconnus (qui se considèrent incompris) et se glisse derrière la caméra d'un film de science-fiction post-apocalyptique mené par Will Smith en attendant qu'on ait complètement oublié ses bavures. Si un jour on les oublie...