Avec l'impressionnant succès qu'ont connu les deux premiers opus de la franchise Transformers au guichet - plus de 700 millions $ au box-office nord-américain -, il est légitime de se questionner sur les éléments qui font que ces oeuvres narrativement faibles connaissent un triomphe monétaire. Les critiques ont été nombreuses à qualifier Transformers: Revenge of the Fallen d'oeuvre creuse, vide, inutile dans le paysage cinématographique. Raison ou pas, le long métrage s'est tout de même retrouvé en deuxième place des films les plus rentables de l'année 2009 - derrière l'indétrônable Avatar - avec des recettes de 402 millions $ sur le territoire nord-américiain et 434 millions $ dans le reste du monde. Si la profondeur de l'histoire n'y était pas et si les performances d'acteurs étaient risibles (Megan Fox est définitivement l'une des pires interprètes du milieu), qu'est-ce qui pousse les gens à s'amasser dans les salles en si grand nombre? Est-ce la nostalgie, les mannequins de sous-vêtements qui se convertissent en actrices, les explosions épiques de Michael Bay, les belles voitures qui se métamorphosent en robots exterminateurs, ou simplement un désennui facile?
Transformers s'adresse principalement à des hommes entre 25 et 35 ans (souvent sollicités au cinéma), des individus qui ont grandi avec les jouets et la série télévisée Transformers, avec ces robots extraterrestres qui se transforment en différents modèles de voitures. La nostalgie est définitivement l'un des éléments responsables du succès considérable de Transformers dans les salles. Ceux qui, comme moi, sont perplexes face aux résultats incroyables des récentes productions de Bay, ne font sans doute pas partie de ce groupe de nostalgiques. Avec un marketing ciblé et des produits dérivés, on tente d'attirer les plus jeunes et grâce à des personnages et des lieux communs on suscite l'attention de la génération X, ce groupe que l'on encourage à envahir les salles de plus en plus en redonnant vie à certains des personnages classiques de leur jeunesse (G.I. Joe: The Rise of Cobra, TRON: Legacy, Conan the Barbarian, Live Free or Die Hard, A Nightmare on Elm Street, Terminator Salvation).
Le réalisateur Michael Bay peut également soulever un intérêt assez important pour rassembler les foules. Celui qui est principalement reconnu pour la qualité et la quantité de ses effets spéciaux nous a donné les deux opus de la franchise Bad Boys (203 millions $), The Rock (134 millions $), Armageddon (201 millions $), Pearl Harbor (198 millions $) et The Island (35 millions $; un succès beaucoup moins retentissant et pourtant « scénaristiquement » meilleur). Michael Bay est un gage de qualité, un « sceau » qui rassure les spectateurs lorsqu'ils choisissent un film.
Pour spéculer le plus rationnellement possible sur le triomphe au box-office de Transformers, on se doit également de considérer sa date de sortie en salles (fin juin-début juillet), qui est souvent grandement responsable de l'ampleur des recettes. La fin de semaine du 4 juillet (Fête de l'Indépendance américaine) est l'une des plus payantes de l'année pour les cinémas; le premier volet de la franchise avait récolté 70 millions $ à son premier week-end dans les salles, soit 22% de son cumulatif, alors que Transformers: Revenge of the Fallen avait amassé 108 millions $, ce qui représente 27 % de son total. Les plus récentes prédictions envisagent des résultats encore plus importants pour le troisième film, principalement en raison des versions 3D et des écrans IMAX qui engendrent inévitablement des gains supplémentaires - 33% du box-office nord-américain en 2010 provenait des films 3D. Pour être encore plus précis; 65 % des gains d'Alice in Wonderland et de How To Train Your Dragon proviennent de cette technologie émergente; preuve qu'elle rapporte énormément.
Le fait que Transformers soit un « divertissement facile »; une oeuvre cinématographique que l'on peut apprécier sans invoquer des capacités cérébrales trop étoffées, peut également expliquer sa bonne fortune. Pour plusieurs, le cinéma est une forme d'évasion, une manière d'échapper momentanément à une réalité difficile ou simplement chargée, et ce n'est guère une mauvaise façon de le consommer. Il y a quelque chose de rassurant, de magique, dans un film. Il n'a pas besoin d'être profond et inventif pour agir sur l'humeur, la mélancolie ou les sentiments du spectateur, il se doit tout simplement de frapper juste et Transformers cogne avec toute la force qu'il est en mesure de déployer. En vue de cette précision, on doit se demander si l'excès est devenu un critère de vente, si dans ce monde de performance et de productivité la démesure est rendue un impératif. C'est du moins ce que semblent nous enseigner ces oeuvres cinématographiques qui dépeignent le combat séculaire entre les Autobots et les Decepticons. Même si le plus récent opus nous présente une histoire plus étoffée, plus inventive que les précédentes, il reste que les trois quarts du film (donc environ 100 minutes) sont consacrés à du tape-à-l'oeil sans fondement narratif, du bonbon pour les yeux. Il y a bien évidemment un public pour ce genre de production - 725 millions $ ne s'amassent pas sans une horde de fanatiques dédiés - et elle sera toujours présente dans le paysage cinématographique. Ça prend de tout pour faire un monde, même des robots métamorphosables en voitures de luxe et en avions de combat. Oui, oui, même ça...