La grossesse est un sujet qui a été souvent exploité au cinéma au cours des dernières années. La façon la plus courante de traiter la maternité au grand écran, c'est à travers la comédie. Il y a bien eu le film d'épouvante Rosemary's Baby à la fin des années 1960 qui a peut-être inquiété certaines mères en devenir, ou Precious en 2009 dont la situation excessivement dramatique ne laissait très peu de place à la rigolade, mais, de manière générale, la grossesse est bien davantage une excuse pour rire que pour trembler. Les nombreux impacts hormonaux sur le corps et l'humeur des femmes sont évidemment souvent dépeints à la blague, tout comme l'angoisse de l'accouchement et les obligations qui incombent de la venue d'un enfant dans la vie d'un couple. Ce « changement de vie » qui s'opère après la naissance peut aisément être tourné en ridicule, et c'est ce que les scénaristes de ce genre de production s'affairent à prouver.
Cependant, le long métrage français 9 mois ferme, qui a pris l'affiche hier, aborde la grossesse d'une manière très peu conventionnelle. Une juge d'instruction célibataire tombe enceinte d'un inconnu après une fête bien arrosée. Elle ne s'aperçoit de sa situation que six mois après son aventure d'un soir. Il est maintenant trop tard pour opter pour l'avortement. Lorsqu'elle décide de trouver qui est le père de l'enfant, elle constate qu'il s'agit d'un criminel recherché pour une sordide agression sur un vieillard. L'humour noir d'Albert Dupontel et son tact permettent de marquer une thématique délicate à gros traits sans que les instances « pro-vie » s'en mêlent. La protagoniste va même jusqu'à s'élancer du haut d'un bureau, ventre premier, pour tenter de tuer son foetus, et personne ne bronche ou ne crie à la diffamation. Parce qu'on arrive à nous faire rire, on pardonne.
Juno est un autre exemple de l'utilisation de la comédie pour faire passer un message. La grossesse chez les adolescentes n'est pas tout à fait une thématique légère. Ce magnifique petit film américain de Jason Reitman, qui a remporté un Oscar pour ses textes, a su marquer l'année 2007 de belle façon. Ce sleeper (c'est à dire, un film qui n'amasse pas des recettes colossales lors de sa première fin de semaine, mais arrive tout de même à des résultats impressionnants en fin de parcours; Juno a cumulé 10 millions $ lors de son ouverture et a terminé avec 143 millions $ en Amérique du Nord) dépeint les aventures d'une jeune femme qui tombe enceinte par accident et décide de donner son enfant en adoption plutôt que d'opter pour l'avortement. La protagoniste, interprétée par Ellen Page, possède un franc parlé incroyable et une forte personnalité qui intime quiconque ose la juger.
L'enfant-accident est aussi utilisé comme excuse à la rigolade dans le film Knocked Up de Judd Apatow. Un peu sous le même principe que 9 mois ferme, une jeune animatrice de télé célibataire tombe enceinte après une nuit de fête. Mais plutôt que d'être un criminel « globophage » comme dans la comédie française, le père est ici un glandeur de la pire espèce, pas du tout prêt à assumer ses responsabilités. Les deux personnages évolueront ensemble en apprenant les aléas de la maternité et de la paternité. Knocked Up (comme la plupart des films d'Apatow) utilise la vulgarité pour faire rire son public. Mais ultimement, malgré la trivialité de certaines séquences, Knocked Up se transforme, au fil des gags, en une comédie romantique délicieuse, modeste, et attachante.
Baby Mama, avec Tina Fey et Amy Poehler, s'intéresse davantage aux mères porteuses. Le potentiel comique d'une telle situation était infini, pourtant, le long métrage de Michael McCullers est rarement celui auquel on pense quand on s'imagine les meilleurs films de grossesse. Il faut savoir maîtriser l'exagération, la doser, pour obtenir des rires satisfaisants de son public, et Baby Mama éprouve des problèmes de posologie. Évidemment, cette petite comédie de 2008 n'est rien en terme de démesure en comparaison avec Junior dans lequel certains « génies » de la scénarisation ont cru bon de faire un film dans lequel Arnold Schwarzenegger (à l'époque, célèbre héros de films d'action, et interprète de Terminator) serait enceint. Il y a définitivement des limites à l'excès, et la comédie d'Ivan Reitman les dépasse toutes sans exception. Il faut, par contre, avouer que l'idée de mettre l'homme à la place de la femme n'était pas tout à fait bicornue, mais la manière dont l'histoire est amenée (on injecte un produit à un docteur mâle pour qu'il soit apte à porter un enfant) a su décourager quiconque avait la foi en la structure hollywoodienne.
En 2012, Lionsgate a adapté le célèbre livre What to Expect When You're Expecting d'Heidi Murkoff au grand écran. Le film choral dévoilait les aventures de différentes femmes et leur expérience respective de maternité. Une a pris la décision d'adopter, l'autre, adolescente, perd son enfant après quelques mois, une troisième souffre de tous les problèmes hormonaux inimaginables et une dernière vit une grossesse parfaite, et emmerde toutes les autres. Cette comédie légère, réalisée par Kirk Jones, entre dans l'esprit de divertissement d'Hollywood. Cette fois on fait attention à ce qu'on dit et comment on le dit. Ni la vulgarité, ni l'humour noir ne sont les bienvenus au sein de ce récit croisé. Pas de finales déchirantes et tristes ni de surprises en vue, qu'une petite comédie sans prétention, mais aussi, sans grande ambition.
Un heureux évènement de Rémi Bezançon fait aussi partie du lot. Dans cette comédie dramatique française, les choses sont montrées sans gants blancs. La grossesse de la protagoniste n'en est pas une facile, ni l'accouchement. D'ailleurs cette séquence peut provoquer des convulsions du visage comparables à celles que l'on fait dans un film gore primitif et sanglant, sachez-le. Mais, la narration humaine, et la beauté de certains plans, nous font oublier le calvaire de la grossesse et, en fait une oeuvre intelligence et sensible qui nous touche dès les premières secondes.
La grossesse est une source intarissable de possibilités humoristiques. Les chaleurs, les difficultés à bouger et s'asseoir, les incompréhensions du père et son impuissance, les impacts sur la libido sont tous des situations et des éléments dont il est facile de se moquer. Ce n'est pas surprenant que le sujet ait souvent été exploité pour des comédies. Il y a toujours des exceptions; on a récemment vu Noomi Rapace s'avorter elle-même d'un alien dans Prometheus (ce qui était, à la réflexion, quand même assez drôle), mais c'est surtout les problèmes urinaires d'Elizabeth Banks dans What to Expect When You're Expecting ou Seth Rogen qui lance un jouet à un enfant et lui demande de rapporter dans Knocked Up que l'on retient.