Chaque année, le 22 avril, se tient le Jour de la Terre, une célébration internationale qui vise à sensibiliser les Hommes à la situation écologique de la planète et à promouvoir leurs fières intentions de la protéger. Cette fête est née en 1970 lorsque le sénateur américain Gaylord Nelson a décidé d'encourager les étudiants à mettre sur pied des projets de sensibilisation environnementale dans leurs communautés. Au Québec, on célèbre le Jour de la Terre officiellement depuis 1995, en organisant différents évènements dans le but d'attirer l'attention des gens sur les différents enjeux écologiques. Le cinéma, comme toutes les autres sphères du monde du divertissement, en tire profit aisément. Le Jour de la Terre s'avère un tremplin fort intéressant pour des oeuvres cinématographiques spécifiques, qui, combinées à une cause inspirante, trouvent généralement un sens nouveau et des conditions davantage propices à ce qu'elles atteignent leur cible. Par contre, les techniques de marketing des géants du divertissements font de cette fête un moteur de consommation, une manière sournoise de convaincre la population que de dépenser de l'argent pour un film qui montre des singes dans leur environnement naturel ou une mère ourse qui défend ses rejetons est plus valable qu'une fiction produite dans le seul but de les divertir... pour un jour dans l'année au moins.
Depuis 2009, Disneynature, une filiale de Walt Disney Studios Entertainment, produit un long métrage par année sur la faune et le fait paraître dans les salles le vendredi suivant ou précédent le Jour de la Terre, bénéficiant ainsi d'une publicité systématique encouragée par des valeurs environnementalistes fort louables. Earth, le premier opus de la cette série issue de plus de 4 000 jours de tournage à travers le monde et chapeautée par le réalisateur et zoologiste Alastair Fothergill, a cumulé des recettes de 32 millions $ au box-office nord-américain. Les films suivants; Oceans et African Cats ont amassé quant à eux respectivement 19 et 15 millions $ en Amérique du Nord. Chimpanzee, le plus récent chapitre de cette franchise dédiée à la sensibilisation des cinéphiles et à l'importance de la protection de la faune et de la flore, a pris l'affiche dans les cinémas hier. Il y a quelques années Fothergill a signé un contrat avec Disneynature qui l'amènera à produire indépendamment chaque année un documentaire tiré des images qu'il a précédemment captées dans son escapade de dix ans à travers le monde pour la série télévisée Planet Earth, diffusée sur le réseau BBC.
Le Jour de la Terre est aussi une occasion en or de ressortir les documentaires politico-sociaux, environnementaux ou scientifiques québécois qui n'ont pas eu l'attention dont ont bénéficié les fictions « conventionnelles » au cours des dernières années. Chercher le courant de Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere qui exploite la thématique de l'hydroélectricité, Survivre au progrès de Mathieu Roy et Harold Crooks qui nous expose les pièges du progrès technologique, et La reine malade de Pascal Sanchez sur l'hécatombe des abeilles suite à l'industrialisation des terroirs sont, par exemple, les films sélectionnés par le cinéma Excentris de Montréal pour sa programmation de dimanche. L'établissement indépendant a aussi eu la bonne idée d'inviter certains des artistes et artisans de ces productions pour permettre aux gens de discuter avec eux des sujets d'importances sociétaires développés dans leurs documentaires.
Le Cinéma du Parc, aussi basé dans la métropole, a quant à lui choisi de faire concorder son 4e Festival de Films de l'Environnement de Montréal avec cette fête annuelle qui encense les richesses de notre planète. Puisque l'an dernier l'effondrement de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon - qui a entraîné la pire marée noire de l'Histoire dans le golfe du Mexique - a coïncidé avec le Jour de la Terre, le cinéma a décidé que cette année la thématique du festival tournerait autour du pétrole, toujours essentiel au bon fonctionnement économique de notre société, mais grandement destructeur et polluant. Même le choix de TVA de présenter Mon ami Willy à 16h dimanche n'est pas non plus une simple coïncidence, parce que ces récits à portée écologiste entrent aussi dans la thématique de ce fameux Jour de la Terre. On peut s'attendre à ce que cet évènement s'implante plus profondément dans nos habitudes dans les prochaines années et que d'autres établissements cinématographiques et télédiffuseurs prendront exemple sur l'Excentris et le Cinéma du Parc pour présenter des oeuvres engagées souvent boudées par le cinéma commercial.
Certaines productions - comme par exemple To the Arctic 3D, présenté depuis vendredi au Cinéma IMAX des Galeries de la Capitale à Québec et IMAX du Musée canadien des civilisations - tentent par contre de livrer leur message avec trop d'insistance et d'obstination. La sauvegarde de la planète est une valeur d'une importance capitale, certes, mais il ne suffit pas de répéter aux spectateurs de diminuer les gaz à effets de serre à quatre ou cinq reprises en lui présentant de mignons petits ours polaires menacés pour que l'information soit mieux assimilée. Le simple fait de nous montrer ces images spectaculaires de glaciers s'amincissant dangereusement et d'animaux qui tentent de s'adapter à ce milieu hostile suffit à nous convaincre de nos fautes, inutile d'inclure une narration calomnieuse pour nous faire culpabiliser davantage. Elle attire plutôt l'effet contraire.
Le Jour de la Terre, bien qu'utilisé par certaines instances comme d'une excuse à la consommation et d'un moteur publicitaire commode, est un évènement riche en possibilités qui pourrait permettre à certaines oeuvres méconnues et/ou boudées d'obtenir l'attention qu'elles méritent. Il suffit, bien sûr, de livrer le message - « sauvons la planète » - avec diplomatie et de ne pas perdre de vue les intentions écologiques et humanitaires de cette fête.