La décision de Warner Bros. Pictures de ne pas sortir dans les cinémas le septième Harry Potter en 3D en a surpris plus d'un. Le 3D est une méthode qui rapporte beaucoup d'argent à l'industrie en plus de plaire considérablement aux cinéphiles. Mais faut-il abandonner ses convictions, discréditer ses valeurs artistiques pour un plus grand profit? Fort heureusement (mais tout de même étonnamment), la compagnie qui a transformé le succès littéraire de J.K. Rowling en un succès cinématographique répond « non » à cette question sournoise. Après s'être fait démolir par la critique qui reprochait le manque de rigueur dans la qualité du 3D du film Clash of the Titans, sorti en avril, le studio a préféré ne pas sortir Harry Potter and the Deathly Hallows - Part 1 en trois dimensions plutôt que d'offrir aux inconditionnels une oeuvre bâclée et imparfaite. Ce qui, évidemment, est tout à son honneur. Peut-être existe-t-il finalement des gens passionnés, des artisans intègres, dans ce monde hollywoodien saoulé par les bénéfices.
Il y a à peine trois ans de cela, il était impossible de voir un film en 3D ailleurs que dans les théâtres IMAX ou dans certains parcs d'attractions. En 2010, on peut incontestablement dire qu'elle est la nouvelle lubie en vogue dans la cité des anges. Il est évident qu'un procédé relativement facile à accomplir comme celui-ci, qui rapporte beaucoup d'argent malgré ses coûts élevés, ne pouvait que charmer Hollywood. Mais ce traitement de l'image à la mode, qui croît au rythme de l'ère numérique, implique des changements considérables pour les propriétaires de salles et pour les producteurs de films, qui doivent gérer de nouvelles variables et se conformer à différentes modalités tant techniques que pécuniaires.
C'est dans cet esprit de conformité protocolaire que la DCI, Digital Cinema Initiative, a été créée. Cette organisation réunit les six plus gros studios d'Hollywood (Disney, Fox, Paramount, Sony Pictures Entertainment, Universal et Warner Bros.) dans le but d'organiser une architecture efficace pour le cinéma numérique.Comme nous le précise Charles Auger, propriétaire du IMAX des Galeries de la Capitale à Québec, « il faut créer certaines balises pour ne pas que des fichiers numériques soient illisibles sur certains appareils, comme c'est parfois le cas sur nos ordinateurs personnels; entre Apple et PC par exemple ».
Ce qui nous donne l'illusion de la troisième dimension est un appareil que l'on pose devant le projecteur qui transforme l'image et nous permet de discerner la profondeur au sein de cette dernière. Il existe différentes technologies capables de créer la 3D. Les trois principales sont le Real D, le Dolby 3D et le IMAX 3D. Environ 70% du marché canadien provient du système d'exploitation Real D (entre autres utilisé par l'entreprise Cineplex Odeon), qui polarise et inverse les images pour l'oeil droit et l'oeil gauche.
Le principe de projection est le même pour les longs métrages ayant subi des modifications en post-production que pour ceux qui ont été tournés grâce à des caméras 3D; mais on ne peut dire la même chose de la qualité de la technologie. Avec Avatar comme porte-étendard, comme pionnier, les films hollywoodiens en 3D se sont multipliés à une vitesse fulgurante, négligeant souvent la qualité technique en faveur d'un profit substantiel. On a donc vu apparaître sur nos écrans des longs métrages tels que The Final Destination 3D ou Cats and Dogs: The Revenge of Kitty Galore, dont la qualité du 3D était si précaire et bancale qu'on ne pouvait qu'assumer qu'on se jouait de notre intelligence... et de notre porte-feuille.
Ce fut lorsque les premiers longs métrages filmés à l'aide des caméras 3D ont pris l'affiche sur nos écrans que la place de la troisième dimension au cinéma a pris tout son sens. On a pu enfin comprendre, non seulement les avantages au niveau visuel, mais également les fonctions narratives que pouvait avoir une telle technologie (Avatar est ici l'exemple le plus évident). Quant à Step Up 3, même si son histoire était ennuyante et prévisible, les scènes de danse étaient si impressionnantes grâce au 3D, qui nous donnait une perspective différente sur les mouvements des artistes. On en oubliait presque les dialogues aberrants et le jeu stéréotypé des « acteurs ».
Les films d'animation ont eu, eux aussi, leur lot d'échecs et de réussites. Même si la pertinence du 3D dans Toy Story 3 était discutable, elle avait une portée particulière, une fonction dans Despicable Me. Les cabrioles qu'exécutaient les personnages, l'aspect plus loufoque de l'univers animé étaient habilement appuyés par la nouvelle technologie. Le même genre de phénomène est observable dans le film Megamind, présentement en salles. Le 3D, dans ces deux derniers cas, n'est pas qu'une profondeur stérile ajoutée pour augmenter la valeur économique de l'oeuvre, elle permet aux cinéphiles d'entrer dans le monde fictif, de dépasser le cadre de l'écran.
Il est rassurant et louable de savoir que les studios américains n'ont pas nécessairement besoin de cette innovation technique pour convaincre la population de la qualité de leurs oeuvres. L'exemple le plus flagrant est celui de Christopher Nolan, qui a toujours affiché publiquement ses réserves envers le 3D. Même si The Dark Knight, paru en 2009, ne bénéficiait pas du supplément 3D (à 3 ou 4 $ de plus par billet, les recettes augmentent beaucoup plus rapidement), il est, encore aujourd'hui, en troisième position du box-office nord-américain de tous les temps. Grâce à son influence dans le milieu, le réalisateur est parvenu à convaincre le studio Warner Bros. de la non-nécessité de cet instrument pour faire d'un film un succès populaire. Ainsi donc, le prochain Batman ne sera ni tourné en 3D, ni remastérisé par la suite pour embrasser les lubies d'Hollywood. Et, si l'on s'appuie sur l'engouement général qui entoure le prochain Harry Potter, l'absence de la 3D ne risque pas, dans ce cas-ci non plus, de faire fuir beaucoup de spectateurs. Elle risque, au contraire, d'attirer le respect et la sympathie. Comme quoi la vraie magie n'a pas vraiment besoin d'artifices.
La nouvelle lubie d'Hollywood mérite-t-elle l'engouement qu'on lui accorde?
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