À 45 ans, J.J. Abrams a une belle et longue carrière devant et derrière lui. Principalement connu pour être l'initiateur de la série télé Lost, qui a connu un succès considérable aux États-Unis et à l'international, et le réalisateur des longs métrages Mission: Impossible III et Star Trek, J.J. Abrams lance cette semaine sur les écrans son nouveau projet, Super 8. Comme plusieurs de ses productions, le film est entouré de mystère depuis la sortie de cette courte vidéo qui présentait le déraillement spectaculaire d'un train en Ohio contenant une chose non identifiable provenant d'Area 51 (base militaire secrète). Les attentes des cinéphiles et des critiques sont énormes envers ce film, mené par deux géants d'Hollywood; Abrams et Spielberg.
Lorsqu'on porte un regard attentif aux oeuvres et aux accomplissements de ce cinéaste new-yorkais, on comprend rapidement les raisons d'une telle impatience et d'un tel engouement du public. Abrams a tout d'abord été connu pour son travail de scénariste sur le film Armageddon, paru en salles en 1998, et pour la série télévisée Felicity, qu'il a créée avec Matt Reeves à la fin des années 90. Quelques années plus tard, il nous arrive avec Alias, une série télé racontant les aventures de Sydney Bristow (incarnée par Jennifer Garner), une agente spéciale recrutée dès sa sortie du collège pour devenir une espionne et une experte en autodéfense. Le véritable succès d'Abrams au petit écran reste à ce jour Lost - le premier épisode, diffusé en 2004, a attiré 18 millions d'auditeurs -, une production qui racontait l'histoire de quelques survivants d'un écrasement d'avion sur une île déserte. Cette série, comme la plupart de ses projets, a été enveloppée d'étrangeté et de secret jusqu'à sa finale (décevante) diffusée sur les ondes d'ABC le 23 mai 2010.
Beaucoup de ses oeuvres sont marquées par des évènements surnaturels et une aura de mystère. Le cinéaste a rapidement compris que la curiosité était un incitatif puissant, qui encourageait la fidélité des spectateurs au petit écran et le déplacement des foules dans les salles. Lors de la sortie de Cloverfield, film qu'il produisait avec Bryan Burk, Abrams et ses associés avaient conçu une campagne virale qui a rapidement pris de l'ampleur et a soulevé l'intérêt des cinéphiles et même des médias. Cette dernière avait été amorcée avec une pré-bande-annonce, diffusée pour la première fois avant Transformers en juillet 2007, dans laquelle on pouvait voir une immense explosion au centre de la ville de New York et la Statue de la Liberté décapitée. Les images avaient été tournées en caméra portée et aucun titre ni mention ne les accompagnait. Un souffle d'étrangeté a bercé cette production jusqu'au jour de sa sortie dans les cinémas. Le fait qu'on ignorait la véritable nature de l'oeuvre et celle de la « créature » qui dévastait la ville furent suffisants pour convaincre le public de s'amasser dans les salles noires. Le film a finalement récolté 80 millions $ en Amérique du Nord et 90 millions $ dans le reste du monde, des chiffres respectables, même honorables (il détient encore à ce jour le meilleur week-end d'ouverture en janvier), pour une sortie à la mi-janvier.
Avec Star Trek, sorti le 8 mai 2009, J.J. Abrams a relevé un nouveau défi de taille; celui de respecter la mythologie qui entoure ces célèbres personnages et de plaire aux fans tout comme aux novices de l'univers et du genre. Les critiques furent enthousiastes et le public a répondu positivement à l'appel en permettant au long métrage de récolter 257 millions $ en Amérique du Nord et 127 millions $ à l'étranger. Plusieurs de ceux qui n'étaient pas convaincus du talent et des moyens d'Abrams furent, à ce moment, confondus. Un deuxième Star Trek est déjà en production à Hollywood (un tel succès se doit, dans l'esprit mercantile américain, d'être répété jusqu'à épuisement), mais la participation de J.J. Abrams à la barre n'est toujours pas confirmée.
Il agit avec Super 8 comme il a l'habitude de faire avec ses oeuvres précédentes : il délivre le moins d'informations possible, révèle certains détails un à un, avec précaution et discernement. Nous savons que ce film, qu'il décrit comme son projet « le plus personnel », met en vedette des enfants qui sont témoins du déraillement d'un train en Ohio. Des incidents étranges s'abattent ensuite sur la population. Que contenait ce train? Pourquoi ces évènements ont-ils lieu dans cette ville, à ce moment? Encore une fois, plus de questions que de réponses. Mais Abrams a réussi ce qu'il sait faire de mieux; captiver l'auditoire et l'entraîner indirectement à le suivre au coeur de son art.
J.J. Abrams, également producteur de la série télévisée Fringe et du quatrième Mission: Impossible, est l'un des réalisateurs les plus en vogue à Hollywood en ce moment et c'est compréhensible. La carrière de ce quadragénaire, même si prospère jusqu'à maintenant, s'engage sur une somptueuse lancée. Endossant les présomptions de Steven Spielberg - qui maintient que l'on peut faire un film grand public de qualité sans tomber dans le cliché et l'absurdité - J.J. Abrams a réussi là où bien d'autres avant lui ont échoué. Le réalisateur a marqué le cinéma moderne par son style varié et habile, et par sa mentalité différente, ses idées nouvelles. Dieu merci, Spielberg a maintenant une noble relève.