Lorsque Juno a envahi les cinémas en décembre 2007, peu de gens connaissaient cette brillante scénariste qui se cachait derrière les textes ludiques et légèrement marginaux de la comédie dramatique réalisée par Jason Reitman, qui était d'ailleurs lui-même méconnu à l'époque. Parce que rien n'est longtemps secret à Hollywood, tout le monde a rapidement parlé de la prodige-stripteaseuse qui a conquis le public et les critiques. Son talent et son succès se sont officiellement concrétisés lorsque la jeune femme a reçu un Oscar, la plus prestigieuse récompense du milieu cinématographique, pour son travail sur Juno.
Né à Lémont en Illinois en 1978 sous le nom de Brook Busey, Diablo Cody a fait des études supérieures en gestion des médias à l'Université de l'Iowa. Elle entre sur le marché du travail en tant que secrétaire dans un bureau d'avocats de Chicago pour ensuite se diriger vers le monde de la publicité. L'univers du striptease a toujours attiré la jeune femme, qui commence à danser très jeune dans des clubs privés de Minneapolis. Au milieu des années 2000, elle publie le livre Candy Girl: A Year in The Life of an Unlikely Stripper sur son expérience de stripteaseuse. Le bouquin connaît un succès populaire notable et l'artiste est invitée à collaborer à l'hebdomadaire alternatif City Pages pour ensuite être engagée en tant que rédactrice pour le magazine Entertainment Weekly en 2007. Son gérant de l'époque, Mason Novick, l'encourage à écrire un scénario. En quelques mois, elle rédige Juno, un film sur une adolescente de 16 ans qui tombe accidentellement enceinte et qui décide de donner le bébé en adoption. Elle s'est ensuite attaquée à Jennifer's Body, une comédie d'horreur qui raconte l'histoire d'une cheerleader possédée par le mal qui élimine un après l'autre ses collègues de classe masculins, pour finalement nous livrer son troisième film Young Adult, qui prend l'affiche cette semaine et qui est déjà considéré comme un candidat sérieux pour l'Oscar du meilleur scénario en 2012.
La chose qui nous frappe en premier lieu lorsque l'on se penche sur l'oeuvre de Diablo Cody - aussi courte soit-elle - c'est la présence d'héroïnes fortes et brillantes en avant plan. Sans parler d'un féminisme dogmatique, on ne peut nier que les textes de la jeune auteure brossent un portrait très élogieux et respectueux de la femme moderne; Juno était téméraire et déterminée, Jennifer, confiante et impétueuse, et sa nouvelle protagoniste, Mavis, se révèle un être méprisable mais profondément affirmé. Chacune d'elles rencontre évidemment des embûches contraignantes, mais elles se relèvent (plus ou moins) dignement et prouvent ainsi leur valeur et leur assurance.
Le féminisme actuel ne consiste plus à brûler son soutien-gorge ou à lutter corps et âme pour l'équité et l'égalité, c'est davantage devenu un mode de pensée orientée vers la glorification du pouvoir de la gent féminine. En ce sens, Diablo Cody est la féministe moderne typique. Il faut se rendre à l'évidence, ce ne sont plus les femmes au foyer ou les bourgeoises éduquées qui sont les têtes d'affiche du courant aujourd'hui, mais bien les êtres libérés et affranchis comme les stripteaseuses ou les chanteuses pop aux moeurs volages. Pour décider volontairement de gagner sa vie en faisant du striptease et considérer ces danses libidineuses comme un art, il faut croire un tant soit peu à l'émancipation de la femme et en son pouvoir de séduction. Si une femme veut être avocate, politicienne et pompière, elle le peut, et si elle veut se déshabiller devant de vicieux clients pour de l'argent, elle le peut aussi. C'est sur ces préceptes que s'inscrit maintenant le féminisme. Simone de Beauvoir doit se retourner dans sa tombe.
Son écriture très condescendante et parfois même arrogante s'harmonise parfaitement avec les sujets qu'elle exploite, qui peuvent se résumer en ces quelques mots : les affres de la jeunesse. Comme tous les auteurs, Diablo Cody s'inspire de ce qu'elle connaît, de son bagage d'expériences et de ce qu'elle en a retiré. Elle a tout d'abord écrit sur l'adolescence, une période qui, selon ses dires, a été très positive et riche pour elle, et elle s'attaque maintenant au personnage d'une jeune adulte, qui vieillit, comme tout le monde, mais ne mature pas ou du moins, pas comme la société voudrait qu'elle le fasse.
Quand Cody a écrit Juno, elle bénéficiait d'une liberté inégalée, ne sachant pas si ses textes seraient véritablement adaptés au grand écran. Avec Young Adult, la scénariste a maintenant davantage de pression et de contraintes : « J'ai dû être très précise et prudente, mais j'ai eu un plaisir fou à échafauder Mavis. Il y a quelque chose de très cathartique dans le fait de canaliser vos propres tendances misanthropes dans un personnage qui n'excuse jamais qui elle est et ce qu'elle fait. » Young Adult, qui a pris l'affiche dans les cinémas hier, s'intègre pleinement dans l'oeuvre de Diablo Cody par son aspect sauvage et arrogant.
La jeune auteure s'attaquera bientôt à son premier long métrage à titre de réalisatrice. Le film Lamb of God racontera l'histoire d'une jeune femme conservatrice qui perd la foi après avoir été victime d'un accident d'avion. Elle décide alors de partir à Las Vegas pour vivre une existence de pécheresse. Durant son voyage, elle réussira à retrouver ses croyances perdues. Simplement en parcourant le synopsis, on peut déjà prédire que ce nouveau projet s'avèrera une suite logique à ses oeuvres précédentes. Qu'elle ait été stripteaseuse ou secrétaire d'État, cela nous importe peu. Le féminisme d'aujourd'hui a besoin de personnalités lumineuses et inspirantes telles que Diablo Cody et on ne peut qu'espérer qu'elle ouvre la porte à d'autres jeunes artistes prometteuses qui influenceront positivement la jeune génération.