Depuis le début des années 60, certains films présentent après leur générique des scènes à visée humoristique afin de laisser le spectateur sur une note ludique et légère. Il s'agit habituellement de simples clins d'oeil s'adressant aux fans, semblables à ces films (souvent des comédies) qui placent des bloopers dans leur générique, et qui permettaient déjà de faire la promotion d'un film (suite ou spin-off) à venir. Le site Vulture en fait l'historique dans cet article, soulignant les exemples de Ocean's Eleven et de From Russia with Love, et évoquant la mode des années 80 alors que la pratique s'est propagée et s'est standardisée.
On remarque cependant depuis peu un changement de paradigme qui fait de ces scènes post-générique des éléments essentiels de la promotion des films, particulièrement dans l'univers des superhéros de Marvel. Les spectateurs attendent, espèrent et exigent ces scènes supplémentaires, et cela fait bien l'affaire des studios. Le cas de X-Men: Days of Future Past, qui a pris l'affiche hier, est révélateur de ces nouvelles méthodes qui utilisent les scènes post-générique pour deux raisons : promotion et divertissement. Un art que Marvel maîtrise à merveille.
C'est d'ailleurs Marvel qui avait relancé la mode de scènes post-générique avec Iron Man, en 2008. À l'époque, le concept des Avengers (qui réunit Iron Man, Thor, Captain America, Black Widow, Hulk et plusieurs autres dont les films sont en production, particulièrement Ant-Man) n'existait que dans les bandes-dessinées. Dans une scène après le générique, Nick Fury, le personnage charnière de la série, lançait à Tony Stark : « You think you're the only superhero in the world? (Tu crois que tu es le seul superhéros au monde?) », initiant ainsi la Avengers Initiative. On connaît la suite...
Dans le cas de The Avengers, le film de Joss Whedon, il y a deux scènes pendant ou après le générique; la première présente le personnage de Thanos, un antagoniste populaire auprès des lecteurs, mais inconnu des non-initiés des comics (que sont encore la majorité des spectateurs potentiels des films) afin d'en faire un personnage important des films à venir (il aura sans doute un rôle dans Age of Ultron, attendu l'an prochain, peut-être même dans le film suivant, autour de 2018). La seconde scène, plus courte, mettait simplement en vedette les héros repus autour de la table d'un restaurant. On n'y voit pas d'intrigue pour les films à venir, seulement un clin d'oeil destiné à faire sourire.
Le cas de X-Men: Days of Future Past est aussi assez classique : après le générique, une courte séquence présente le méchant du prochain film de la franchise (attendu en mai 2016), Apocalypse, un mutant apparu dans les bandes dessinées en 1986. La scène le représente en train de construire une pyramide grâce à ses pouvoirs spéciaux, lui qui nait, selon les récits, au temps des Pharaons. Comme pour Thanos, la scène sert à évoquer un personnage dont on se servira plus tard, mais aussi de faire la promotion d'un film en préparation. Un phénomène qui n'est pas sans rappeler les séries télévisées, qui présentent un extrait de l'épisode de la semaine prochaine pendant le générique.
Le film de Bryan Singer avait lui-même fait l'objet d'une promotion du genre lors de la sortie de The Amazing Spider-Man 2, il y a trois semaines à peine, à une nuance près : la scène présentée après le générique du film de Marc Webb est tirée directement de X-Men: Days of Future Past, on peut donc la voir dans son intégralité dans le film à l'affiche depuis hier. Les deux longs métrages ne sont pas liés narrativement, il s'agit uniquement de se servir d'un nouvel outil de promotion. Traditionnellement, les scènes post-générique servent à présenter un film qui doit sortir beaucoup plus tard et dont le tournage n'est souvent pas terminé. Pensons par exemple à la scène supplémentaire de X-Men: The Last Stand, qui laissait entrevoir la possibilité que le Professeur Xavier ne soit pas complètement disparu.
Les scènes post-générique servent au marketing, et l'omniprésence d'internet et son importance dans notre société y sont pour beaucoup. À chaque fois qu'un nouveau film de Marvel prend l'affiche, les sites spécialisés décrivent et parfois diffusent les scènes post-générique même avant la sortie afin d'attirer l'attention et de piquer la curiosité de nouveaux spectateurs. Ils se perdent ensuite en conjectures quant à la signification de ces scènes pour la suite de la série...
Les studios conçoivent maintenant leurs blockbusters comme des franchises à grand déploiement, composées de plusieurs films successifs qui prennent l'affiche les uns après les autres tout en étant liés narrativement, mais sans être des « suites » à proprement parler. Ils se déroulent tous dans le même univers, parfois en parallèle, ce qui favorise les caméos et les clins d'oeil (easter eggs).
Si Marvel et Paramount ont véritablement relancé la mode des scènes post-générique avec les Avengers (Disney a depuis repris la distribution des films), DC Comics et son partenaire Warner Bros. souhaitent maintenant imiter le géant du divertissement avec la Justice League (composée de entre autres de Batman, Superman, Green Lantern, Wonder Woman et Cyborg). On peut donc supposer que le Batman V. Superman: Dawn of Justice que Zack Snyder tourne présentement initiera le film suivant (Justice League, déjà annoncé), fort possiblement avec une scène post-générique, quoique Man of Steel n'en avait pas. Même l'univers de Spider-Man (qui appartient aussi à Marvel, mais qui est distribué par un autre studio, Sony Pictures) sera maintenant décliné en plusieurs films, mettant possiblement en vedette les Sinister Six, évoqués lors du générique de The Amazing Spider-Man 2.
Ce qui est intéressant pour les studios, c'est que la recette fonctionne et que les films tirés des comics de Marvel sont chaque fois des succès au guichet. On répète donc la recette en espérant obtenir le même résultat, c'est-à-dire encore plus de millions...